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Tabac marocain : moins on en parle, plus on en fume

Fumer tue, mais pas au même prix pour tout le monde


Le tabagisme au Maroc reste un fléau silencieux. Derrière des chiffres modérés, une réalité plus sombre persiste, entre inégalités sociales et inertie politique :
Une consommation nationale en trompe-l'œil : les chiffres ne racontent pas toute l’histoire
Sevrage, sensibilisation, contrebande : le triangle d’un combat inégal
Comment le Maroc peut (vraiment) réduire le tabagisme



Il est partout, dans les ruelles de nos médinas, au coin des cafés, glissé dans les poches ou dissimulé dans des sachets de plastique bon marché. Le tabac, discret compagnon de millions de Marocains, n’est plus seulement une question de choix personnel : c’est un enjeu de santé publique majeur.

Et si les chiffres nationaux semblent rassurants à première vue, ils dissimulent en réalité une tempête silencieuse.

​Un taux "raisonnable", mais pour qui ?

Selon les dernières statistiques de la CIA World Factbook (édition 2025), 12,3 % des Marocains âgés de plus de 15 ans consomment du tabac. Cela semble « raisonnable »… sauf quand on regarde de plus près. Ce chiffre moyen masque un déséquilibre criant : 23,7 % des hommes fument contre seulement 0,9 % des femmes. Un écart abyssal, reflet des normes culturelles et sociales profondément ancrées, où la cigarette chez l’homme est tolérée – voire banalisée – alors que chez la femme, elle demeure un tabou.

Mais au-delà du genre, c’est toute une géographie sociale qui se dessine. Les quartiers populaires, les zones rurales, et surtout les jeunes, sont les plus exposés. Le tabac n’y est pas un plaisir, c’est souvent une échappatoire.

​Un Maroc dans la moyenne africaine… mais est-ce suffisant ?

À l’échelle continentale, le Maroc se classe 14e en Afrique. Il est devancé par l’Égypte (25,8 %), l’Algérie (21,4 %) ou la Tunisie (19 %), mais devance la Namibie (11,8 %) et la Zambie (11,7 %). Si cette position peut sembler « acceptable », elle ne doit pas masquer une vérité : un Marocain sur huit fume, et le coût humain comme économique reste élevé.

À l’international, le Royaume est loin derrière les champions du tabagisme comme Nauru (47,7 %), la Birmanie (42,2 %) ou l’Indonésie (39 %). Pourtant, ces comparaisons absolues n’ont guère de sens si l’on ne regarde pas ce que ces taux recouvrent : précarité, absence de régulation, lobbying des industriels, et surtout, une santé publique fragilisée.

​Le tabac, un tueur en série discret

Le ministre de la Santé, Amine Tahraoui, a tiré la sonnette d’alarme : le tabac cause chaque année plusieurs milliers de décès évitables au Maroc. En plus du fardeau humain, il pèse lourd sur le budget de l’État : près de 5 milliards de dirhams de pertes économiques annuelles, selon les dernières estimations. Cela inclut les dépenses de santé, la perte de productivité, et les effets collatéraux sur les familles.

Alors même que le Maroc a ratifié la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, la mise en œuvre reste poussive. Les campagnes de prévention sont sporadiques, souvent mal ciblées, et peinent à atteindre ceux qui en auraient le plus besoin.

​Le défi du sevrage : une bataille inégale

S’arrêter de fumer n’est pas qu’une question de volonté. C’est un chemin sinueux qui demande accompagnement, accès aux traitements et soutien psychologique. Or, les dispositifs publics de sevrage tabagique restent sous-financés, mal répartis et largement méconnus du grand public.

Les fumeurs qui souhaitent arrêter se retrouvent souvent seuls face à leur dépendance. Peu d’établissements de santé disposent de cellules d’aide spécialisées, et les patchs ou gommes à la nicotine restent inaccessibles pour beaucoup.

En milieu rural ou dans les zones périurbaines, c’est souvent le silence qui domine : aucune information, aucun relais médical, aucune alternative.

La contrebande : le poison à bas prix

Un paquet à dix dirhams, parfois moins. Des marques inconnues, sans avertissements sanitaires, aux origines floues. C’est le visage du marché parallèle du tabac au Maroc, qui prospère sur les carences du système.

Ces produits illégaux, très présents dans les souks et les quartiers périphériques, ciblent les jeunes et les populations pauvres. Leurs prix bas les rendent attractifs, mais leur composition est souvent encore plus nocive que celle des cigarettes classiques. En plus d’échapper à tout contrôle sanitaire, ils échappent aussi à toute taxation, privant l’État de ressources cruciales.

Un vendeur ambulant à Casablanca témoigne : « Je ne fume pas moi-même, mais les clients veulent ce qui est bon marché. Et ces cigarettes, elles se vendent toutes seules, surtout parmi les jeunes de 15-20 ans. »

​Une prévention qui patine

Si l’on veut vraiment faire reculer le tabagisme, il faut frapper fort et tôt. Éducation dès le collège, taxation dissuasive, interdiction de la publicité sous toutes ses formes, packaging neutre : autant de leviers que d’autres pays ont activés avec succès. Le Maroc en est encore loin.

La dernière campagne nationale de sensibilisation remonte à plus d’un an, et son impact fut limité. Sur les réseaux sociaux, le tabac reste omniprésent, parfois même glamourisé. Il n’est pas rare de voir des influenceurs fumer sans scrupule face caméra, sans aucune forme de modération.

Le Maroc a les moyens d’agir, mais encore faut-il en avoir la volonté politique. Mettre en place une stratégie nationale de lutte antitabac ambitieuse, intégrée, financée, et surtout adaptée aux réalités sociales du pays : voilà l’enjeu.

Comme le dit le pneumologue Dr. Rachid El Moumni : « Le tabac, ce n’est pas seulement un problème de santé, c’est un révélateur des inégalités sociales et du retard de nos politiques publiques. »

Il ne suffit plus d’afficher un taux "modéré". Il faut oser affronter les vrais problèmes, nommer les tabous, aller chercher les fumeurs là où ils sont. Sinon, derrière les volutes de fumée, ce sont toujours les mêmes qui paieront la facture.

tabac, Maroc, santé, sevrage, contrebande, politique, cigarette, jeunes, sensibilisation, économie


Mardi 17 Juin 2025



Rédigé par La rédaction le Mardi 17 Juin 2025


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