Par Zoubir BOUHOUTE
Par ailleurs, le nombre de nuitées du tourisme interne s'est maintenu à 8,5 millions en 2024, soit une légère régression de 1 % par rapport à 2023, entraînant une contraction de sa part dans l’ensemble du marché à 30 %, contre 33,5 % en 2023 et 31 % en 2019. Fait marquant, les dépenses des Marocains à l’étranger ont bondi de 22,9 % en 2024, soit un rythme de progression trois fois supérieur à celui des recettes touristiques.
Pourtant, malgré ces disparités et contrastes, le 27 janvier 2025, lors de sa présentation devant le Parlement, le chef du gouvernement marocain, Monsieur Aziz Akhannouch, a exprimé sa satisfaction quant aux performances du secteur touristique. Il a mis en avant les 17,4 millions de touristes accueillis en 2024, soit une hausse de 20 % par rapport à l’année précédente, soulignant que cette dynamique repose sur une approche globale et multidimensionnelle intégrant divers secteurs et politiques gouvernementales. Il a également insisté sur l’importance de l’investissement dans les ressources humaines, rappelant la création de 25 000 nouveaux emplois en 2023, ainsi que l’engagement de plus de 8 milliards de dirhams en 2024 pour moderniser les infrastructures et améliorer la qualité des services touristiques.
Le Chef du Gouvernement a également souligné que le tourisme interne au Maroc a connu une forte dynamique en 2024, avec 8,5 millions de nuitées enregistrées dans les hôtels classés, soit 30 % du total des nuitées à l'échelle nationale. Selon Monsieur Aziz AKHANNOUCH, les touristes marocains occupent désormais la première position, devançant les touristes étrangers en termes de nuitées.
Monsieur Aziz AKHANNOUCH a précisé que le gouvernement a adopté une stratégie pour diversifier l'offre et promouvoir des produits touristiques innovants. En outre, plusieurs projets d'infrastructure ont été accélérés, notamment la construction de nouvelles routes et l'extension du réseau ferroviaire, afin de renforcer la connectivité des destinations touristiques et d’atteindre l’objectif de 80 millions de passagers aériens d’ici 2035.
La déclaration du Chef du Gouvernement, Monsieur Aziz AKHANNOUCH, devant le Parlement le 27 janvier 2025, constitue une nouvelle illustration de l'importance croissante du secteur du tourisme au Maroc. Ce secteur, porteur de nombreux atouts, mérite une attention particulière afin de valoriser pleinement son potentiel. Dans cette optique, cet essai vise à réagir à cette déclaration et à contribuer à la co-construction d'une vision réaliste du tourisme marocain, au service des intérêts supérieurs de la nation. En analysant à la fois les éléments avancés par le Chef du Gouvernement et ceux qui n'ont pas été abordés.
En effet, le secteur touristique marocain doit relever le défi de diversifier ses marchés. En 2024, 80% des arrivées proviennent d’Europe, avec une forte dépendance vis-à-vis de la France, de l’Espagne et du Royaume-Uni, exposant ainsi le Maroc à des fluctuations économiques dans ces pays. Afin de réduire cette dépendance, le Maroc doit explorer de nouveaux marchés. Les États-Unis, le Canada, le Brésil, la Chine et l’Inde montrent un potentiel de croissance, attirant des visiteurs à fort pouvoir d'achat, intéressés par le luxe, l’aventure et les expériences culturelles. Les marchés asiatiques sont aussi prometteurs pour le tourisme haut de gamme.
Évolution des arrivées touristiques au Maroc entre 2023 et 2024
Le Maroc a enregistré une progression notable des arrivées touristiques entre 2023 et 2024. Le chiffre global, englobant les touristes étrangers en séjour (TES) et les Marocains résidant à l’étranger (MRE), est passé de 14 524 727 en 2023 à 17 411 949 en 2024, marquant une augmentation absolue de 2 887 222 arrivées, soit une variation relative de +20 %. Cette croissance témoigne de l’attractivité renforcée de la destination marocaine et des efforts constants pour promouvoir le secteur touristique.
En 2024, le nombre de touristes étrangers en séjour (TES) a atteint 8 797 771, en hausse de 23 % par rapport à 2023, avec une augmentation de 1 647 777 visiteurs. Les MRE ont également enregistré une hausse significative de 17 %, passant de 7 374 733 à 8 614 178. Parmi les principales nationalités, la France reste en tête avec une augmentation de 21 %, atteignant 2 421 539 TES. Le Royaume-Uni connaît une forte progression de 47 %, avec 998 862 visiteurs. L'Italie et l'Allemagne affichent également de solides croissances de +35 % et +29 %, respectivement, tandis que les États-Unis connaissent une hausse plus modeste de 6 %.
Coïncidence ou Calcul : Les MRE en Provenance des Principaux Pays Émetteurs Affichent tous une Progression Parfaite de 16,81 %
Bizarrement, et d’une manière presque trop calculée pour être pure coïncidence, les MRE en provenance des principaux pays émetteur ont tous enregistré une progression de 16,81 %. Les chiffres sont étonnamment synchronisés : la France est passée de 2 883 521 à 3 368 144, l’Espagne de 1 725 688 à 2 015 718, le Royaume-Uni de 125 370 à 146 441, l’Italie de 439 323 à 502 535, l’Allemagne de 398 236 à 465 166, les États-Unis de 44 248 à 51 685, la Belgique de 1 039 837 à 1 214 599, et les Pays-Bas de 464 608 à 542 693. Les statistiques semblent avoir un goût prononcé pour la symétrie, avec une progression parfaite de 16,81 % dans chaque pays.
Évolution des nuitées touristiques au Maroc (2000-2024) : Une croissance résiliente malgré les Défis
Entre 2000 et 2024, les nuitées totales au Maroc ont plus que doublé, passant de 13,54 millions à 28,30 millions, soit une progression de 108,9 %. Cette croissance s'est déroulée en trois phases : une période régulière de 2000 à 2019 (+86 %), suivie d'une chute marquée de 72,3 % en 2020 en raison de la pandémie. À partir de 2022, le secteur a connu une reprise spectaculaire (+106,8 %) avant un ralentissement en 2024 (+10,4 %). En 2024, les non-résidents ont représenté 70 % des nuitées totales, tandis que les résidents ont contribué de manière significative à cette dynamique.
Nuitées des Non-résidents : Entre Croissance, Chocs et Reprise
Les nuitées des non-résidents ont progressé de 75,8 %, passant de 11,27 millions en 2000 à 19,80 millions en 2024, malgré une trajectoire marquée par d’importantes fluctuations. De 2000 à 2019, elles ont crû de 54,5 %, mais leur part est passée de 83,2 % à 69 % sous l'effet de crises successives. L'année 2020 a vu un effondrement de 80 %, suivi d’un rebond spectaculaire (+293,1 % en 2022). En 2024, bien qu'en hausse (+16,1 %), la part des non-résidents (70 %) reste inférieure aux niveaux des années 2000, témoignant d’une reprise encore inachevée.
Nuitées des Résidents : Une Croissance Soutenue
Les nuitées des résidents ont progressé de 274,4 %, atteignant 8,50 millions en 2024 contre 2,27 millions en 2000. Entre 2000 et 2019, elles ont connu une hausse régulière (+245 %), représentant 31 % du total. La crise de 2020 a entraîné une chute brutale (-55,2 %), suivie d’une reprise spectaculaire en 2021 (+81,7 %), atteignant un record de 69,4 % des nuitées totales. En 2024, bien que stabilisé (-1 %), ce volume traduit un ralentissement, avec une part retombant à 30 %, signe d’un retour à l’équilibre entre résidents et non-résidents.
A noter que le tourisme interne au Maroc a toujours joué un rôle essentiel dans la dynamique du secteur, particulièrement en période de crises. Après les attentats du 11 septembre 2001 et l'épidémie de SARS, qui ont sévèrement affecté le tourisme mondial, le Maroc a vu une baisse importante du nombre de touristes étrangers et des nuitées.
En réponse, le gouvernement a lancé l'initiative Kounouz-Biladi en 2003, visant à stimuler le tourisme national. Bien que la première édition ait été marquée par des difficultés, notamment un faible taux d'adhésion des professionnels et un attentat à Casablanca, la campagne a montré des signes d'amélioration dès 2004. Au cours des années suivantes, les nuitées des résidents ont continué à croître, en particulier après la crise financière de 2008, avec des programmes comme la seconde édition de Kounouz-Biladi en 2009 et la troisième en 2012. Grâce à l'augmentation des arrivées des MRE et à la dynamique du tourisme interne, le secteur a résisté aux turbulences, enregistrant une croissance significative des nuitées des nationaux et des étrangers entre 2000 et 2019.
Zoom sur la période 2012-2024
Entre 2012 et 2019, le tourisme international au Maroc a connu une forte expansion, avec une hausse de 38 % des arrivées (9,38 à 12,93 millions) et de 42 % des nuitées (12,26 à 17,41 millions), tandis que les recettes ont progressé de 36 % pour atteindre 78,75 milliards de DH. La pandémie de 2020-2021 a entraîné un effondrement du secteur, avec une chute de 79 % des arrivées et une baisse des recettes de 56 %.
La reprise amorcée en 2022 (+192 % d’arrivées) a permis au secteur de dépasser les niveaux de 2019 en 2024, atteignant 17,41 millions d’arrivées et 112,5 milliards de DH de recettes. Toutefois, la durée moyenne des séjours demeure inférieure aux niveaux pré-pandémie, reflétant des changements structurels dans le comportement des voyageurs, ce qui se traduirait par une dépréciation de la rentabilité
Les Marocains en Tête depuis 2014, mais un Ralentissement Notable en 2023 et 2024
En 2012 et 2013, les Français étaient les premiers contributeurs aux nuitées touristiques au Maroc, avec respectivement 4,88 et 5,14 millions de nuitées, tandis que les résidents marocains affichaient des chiffres légèrement inférieurs.
Dès 2014, une inversion s’est opérée, marquant une hausse continue des nuitées des Marocains, qui ont pris la première place.
Cette tendance s’est accentuée durant la pandémie, les résidents compensant la chute des arrivées internationales. Après une progression en 2022 (7,83 millions de nuitées), la croissance a stagné en 2023(8,59 millions), avant un léger recul en 2024 (8,5 millions de nuitées). Toutefois les Marocains qui voyagent a l’étranger ont vu leur dépense augmenter en 2024 de 20% par rapport a 2023.