Capital relationnel : le nouveau paradigme
La recherche menée par Hajar Saoud s'attaque frontalement à l'un des problèmes les plus persistants des sociétés modernes : l'exclusion durable des jeunes ni en emploi, ni en études, ni en formation (NEET). Loin des approches conventionnelles qui tendent à individualiser la responsabilité de l'insertion, l'article propose une analyse systémique mettant en lumière les mécanismes structurels de désaffiliation statutaire (un processus de désaffiliation sociale lié à la perte ou à la fragilisation des liens sociaux traditionnellement liés au statut d'un individu).
L'originalité de cette publication réside dans son approche théorique intégrative, articulant sociologie des parcours de vie, psychologie du travail et ingénierie des dispositifs d'accompagnement. Les auteurs développent le concept novateur de "capabilité relationnelle", définie comme la capacité à s'inscrire dans des interactions socialement reconnues permettant la conversion effective des ressources en opportunités réelles.
Le travail de Hajar Saoud s'appuie sur une revue de littérature exhaustive, mobilisant les théories de Bourdieu sur le capital social, les approches de Fraser et Honneth sur la reconnaissance, ainsi que le cadre conceptuel des capabilités développé par Sen et Nussbaum. Cette hybridation théorique permet de construire un modèle d'analyse particulièrement puissant pour comprendre les dynamiques contemporaines d'exclusion.
L'article démontre de manière convaincante que l'invisibilité institutionnelle des jeunes NEET ne résulte pas d'une absence de relations sociales, mais d'une inadéquation entre leurs formes de sociabilité et les matrices institutionnelles de reconnaissance. Cette dissonance interactionnelle produit ce que les auteurs nomment une "désindexation institutionnelle" (processus par lequel certains jeunes deviennent inopérants dans l'espace d'intervention publique).
La force particulière de cette recherche tient à son ancrage dans le contexte marocain, utilisé comme "analyseur critique" des modèles universalistes dominants. Le cas marocain révèle avec une acuité particulière les limites des approches prescriptives centrées sur l'activation individualisée, dans des contextes marqués par la précarité cumulative et la fragmentation des interfaces institutionnelles.
Les implications pratiques de cette recherche sont considérables. Hajar Saoud et son co-auteur proposent rien moins qu'un changement de paradigme dans la conception des politiques jeunesse : il ne s'agit plus d'adapter les jeunes aux dispositifs, mais d'ajuster les dispositifs aux configurations relationnelles existantes. Cette inversion perspective ouvre la voie à une "ingénierie relationnelle capacitaire" centrée sur la création d'environnements facilitateurs plutôt que sur la correction des individus.
La publication de cet article dans une revue internationale de renom témoigne de la vitalité de la recherche marocaine en sciences sociales et de sa capacité à contribuer significativement aux débats globaux sur les questions de jeunesse et d'inclusion. Le travail de Hajar Saoud participe au repositionnement du Maroc comme espace de production théorique innovante, capable d'éclairer des problématiques universelles à partir de situations contextuelles spécifiques.
Pour les décideurs politiques, les praticiens de l'insertion et les chercheurs, cette publication offre des outils conceptuels précieux pour repenser l'action publique en faveur de l'inclusion des jeunes. Elle invite à dépasser les logiques purement quantitatives et normatives pour développer une approche qualitative, relationnelle et contextuelle des parcours d'insertion.
Cette contribution scientifique arrive à point nommé alors que de nombreux pays, dont le Maroc, cherchent à repenser leurs dispositifs d'accompagnement des jeunes en difficulté d'insertion. Elle offre des pistes concrètes pour construire des politiques plus efficaces, plus justes et plus respectueuses de la diversité des trajectoires juvéniles.












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