Entre silence culturel, méconnaissance médicale et isolement social, la ménopause reste un non-dit pesant dans la vie de milliers de Marocaines. Pourquoi ce sujet est-il encore si peu abordé – et que faire pour briser le silence ?
Il y a des mots que l’on ne prononce pas. Des maux que l’on tait. Au Maroc, la ménopause figure encore parmi les grands absents du discours public. Pourtant, chaque année, des centaines de milliers de femmes entrent dans cette période charnière de leur vie sans information fiable, sans accompagnement psychologique, et souvent dans une solitude assourdissante. Une réalité d’autant plus frappante que le Maroc connaît un vieillissement accéléré de sa population féminine : en 2030, une femme sur quatre aura plus de 50 ans.
Alors, pourquoi la ménopause dérange-t-elle encore autant ?
Un mot qui ne passe pas : entre honte, gêne et non-dits
Le simple fait de dire « je suis ménopausée » est, pour beaucoup de Marocaines, une déclaration lourde de sous-entendus. Dans une société où la valeur d’une femme est souvent liée à sa fertilité ou à son rôle de mère, le mot "ménopause" évoque, à tort, une fin : celle de la féminité, du désir, de l’utilité sociale.
« Lorsque j’ai commencé à avoir des bouffées de chaleur, des insomnies, je croyais devenir folle. Aucune de mes amies n’en parlait. Même ma mère ne m’avait jamais préparée à ça », confie Rachida, 53 ans, cadre bancaire à Casablanca. Pour elle comme pour tant d'autres, le silence est la norme.
Un désert médical et scientifique
Alors que la France lance en 2025 l’étude Climatère pour suivre l’évolution de la santé des femmes ménopausées, le Maroc accuse un net retard. Aucun programme de santé publique ne cible spécifiquement cette tranche de la population féminine. Les médecins généralistes, rarement formés à la question, réduisent souvent la ménopause à une simple absence de règles. Et les gynécologues ? Trop peu nombreux, souvent inaccessibles en zones rurales, et encore peu sensibilisés aux traitements non hormonaux ou aux approches psychocorporelles.
Résultat : les femmes se tournent vers des solutions de fortune. Infusions d’achoura, massage à l’huile d’argan, prières, silence.
Des vies professionnelles impactées, mais ignorées
Au travail, le mot est tabou. Les bouffées de chaleur lors des réunions, les trous de mémoire, la fatigue chronique, sont rarement comprises. « On attend des femmes qu’elles encaissent, qu’elles gardent le rythme, qu’elles ne montrent pas de faiblesse. C’est injuste », estime Yasmine, DRH dans une multinationale à Rabat. À ce jour, aucune entreprise marocaine ne propose d’accompagnement spécifique ou d’adaptation de poste pour les salariées en période de transition hormonale.
Et pourtant, ailleurs, le mouvement avance. En Espagne, au Royaume-Uni ou au Canada, des “menopause-friendly workplaces” voient le jour. Et au Maroc ?
Les réseaux sociaux comme espace d’émancipation
Face au silence des institutions, un nouveau terrain d’expression émerge : Instagram, YouTube, TikTok. Des voix marocaines se lèvent pour parler sans fard de sueurs nocturnes, de libido en berne, de dépression post-règles. Des coachs, des naturopathes, des journalistes osent briser l’omerta. Mais leur voix reste marginale, souvent critiquée.
Il manque une légitimité scientifique, des relais dans les médias généralistes, une mobilisation féministe structurée.
Vers une santé des femmes à la hauteur des enjeux
Réhabiliter la ménopause dans le débat public, c’est reconnaître pleinement la santé des femmes dans toute sa complexité. Il ne s’agit pas d’un cap honteux à franchir seule, mais d’un phénomène physiologique naturel, parfois douloureux, souvent bouleversant, qui mérite d’être accompagné.
Pourquoi ne pas imaginer une campagne nationale « Parlons ménopause » portée par le ministère de la Santé, des influenceuses marocaines, des associations de patientes et des médecins formés ? Pourquoi ne pas intégrer une éducation hormonale dès les cours de biologie au lycée ? Pourquoi ne pas créer des cercles de parole, inspirés des « menopausal cafés » britanniques, dans les centres culturels ou les maisons de jeunes ?
Car il est grand temps de sortir du silence. Et de redonner aux femmes marocaines le pouvoir de vieillir dignement, pleinement, sans honte ni solitude.
Il y a des mots que l’on ne prononce pas. Des maux que l’on tait. Au Maroc, la ménopause figure encore parmi les grands absents du discours public. Pourtant, chaque année, des centaines de milliers de femmes entrent dans cette période charnière de leur vie sans information fiable, sans accompagnement psychologique, et souvent dans une solitude assourdissante. Une réalité d’autant plus frappante que le Maroc connaît un vieillissement accéléré de sa population féminine : en 2030, une femme sur quatre aura plus de 50 ans.
Alors, pourquoi la ménopause dérange-t-elle encore autant ?
Un mot qui ne passe pas : entre honte, gêne et non-dits
Le simple fait de dire « je suis ménopausée » est, pour beaucoup de Marocaines, une déclaration lourde de sous-entendus. Dans une société où la valeur d’une femme est souvent liée à sa fertilité ou à son rôle de mère, le mot "ménopause" évoque, à tort, une fin : celle de la féminité, du désir, de l’utilité sociale.
« Lorsque j’ai commencé à avoir des bouffées de chaleur, des insomnies, je croyais devenir folle. Aucune de mes amies n’en parlait. Même ma mère ne m’avait jamais préparée à ça », confie Rachida, 53 ans, cadre bancaire à Casablanca. Pour elle comme pour tant d'autres, le silence est la norme.
Un désert médical et scientifique
Alors que la France lance en 2025 l’étude Climatère pour suivre l’évolution de la santé des femmes ménopausées, le Maroc accuse un net retard. Aucun programme de santé publique ne cible spécifiquement cette tranche de la population féminine. Les médecins généralistes, rarement formés à la question, réduisent souvent la ménopause à une simple absence de règles. Et les gynécologues ? Trop peu nombreux, souvent inaccessibles en zones rurales, et encore peu sensibilisés aux traitements non hormonaux ou aux approches psychocorporelles.
Résultat : les femmes se tournent vers des solutions de fortune. Infusions d’achoura, massage à l’huile d’argan, prières, silence.
Des vies professionnelles impactées, mais ignorées
Au travail, le mot est tabou. Les bouffées de chaleur lors des réunions, les trous de mémoire, la fatigue chronique, sont rarement comprises. « On attend des femmes qu’elles encaissent, qu’elles gardent le rythme, qu’elles ne montrent pas de faiblesse. C’est injuste », estime Yasmine, DRH dans une multinationale à Rabat. À ce jour, aucune entreprise marocaine ne propose d’accompagnement spécifique ou d’adaptation de poste pour les salariées en période de transition hormonale.
Et pourtant, ailleurs, le mouvement avance. En Espagne, au Royaume-Uni ou au Canada, des “menopause-friendly workplaces” voient le jour. Et au Maroc ?
Les réseaux sociaux comme espace d’émancipation
Face au silence des institutions, un nouveau terrain d’expression émerge : Instagram, YouTube, TikTok. Des voix marocaines se lèvent pour parler sans fard de sueurs nocturnes, de libido en berne, de dépression post-règles. Des coachs, des naturopathes, des journalistes osent briser l’omerta. Mais leur voix reste marginale, souvent critiquée.
Il manque une légitimité scientifique, des relais dans les médias généralistes, une mobilisation féministe structurée.
Vers une santé des femmes à la hauteur des enjeux
Réhabiliter la ménopause dans le débat public, c’est reconnaître pleinement la santé des femmes dans toute sa complexité. Il ne s’agit pas d’un cap honteux à franchir seule, mais d’un phénomène physiologique naturel, parfois douloureux, souvent bouleversant, qui mérite d’être accompagné.
Pourquoi ne pas imaginer une campagne nationale « Parlons ménopause » portée par le ministère de la Santé, des influenceuses marocaines, des associations de patientes et des médecins formés ? Pourquoi ne pas intégrer une éducation hormonale dès les cours de biologie au lycée ? Pourquoi ne pas créer des cercles de parole, inspirés des « menopausal cafés » britanniques, dans les centres culturels ou les maisons de jeunes ?
Car il est grand temps de sortir du silence. Et de redonner aux femmes marocaines le pouvoir de vieillir dignement, pleinement, sans honte ni solitude.












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