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​Plan Maroc Vert : quand la promesse agricole tourne le dos aux petits exploitants




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Par Abdelghani El Arrasse

Lancé en 2008 pour moderniser l’agriculture marocaine, le Plan Maroc Vert a mobilisé plus de 100 milliards de dirhams. Quinze ans plus tard, si les performances à l’export sont là, les petits exploitants restent largement marginalisés. Déséquilibre des investissements, fragilité foncière, stress hydrique et gouvernance opaque : il est temps de repenser le modèle. 
Ambition affichée, des résultats inégaux 

Dès son lancement, le Plan Maroc Vert (PMV) promettait de faire de l’agriculture un moteur de croissance, en alliant performance économique et développement social. Deux piliers structuraient la stratégie : l’un tourné vers une agriculture intensive, capitalisée et orientée export ; l’autre destiné à accompagner les petits exploitants dans une logique de solidarité.

Mais à l’épreuve du temps, ce double pari semble rompu. Les résultats profitent surtout aux grands opérateurs. En chiffres : près de 85 % des aides publiques ont bénéficié à une minorité d’agriculteurs bien dotés en ressources et en foncier. Le « pilier II » censé soutenir l’agriculture solidaire a reçu à peine 14 milliards de dirhams, contre 99 milliards pour le pilier « moderne ». Une inégalité de traitement qui fragilise le tissu rural au lieu de le consolider.

 Agrégation agricole : une intégration déséquilibrée 

Autre levier majeur du PMV : l’agrégation. L’idée était de faire coopérer grands et petits exploitants autour de chaînes de valeur intégrées. Mais dans la pratique, beaucoup de projets ont abouti à une relation asymétrique, où les petits agriculteurs deviennent des sous-traitants dépendants, sans transparence sur les prix ni participation aux décisions. Loin d’émanciper, ce modèle renforce une forme de subordination.

 Le foncier, angle mort du développement 

La question foncière reste sans réponse. Indivision, morcellement extrême, titres non délivrés… Les obstacles juridiques empêchent l’accès au crédit, aux aides et aux investissements. Les terres collectives, Guich ou melk indivis, continuent d’échapper à toute stratégie de valorisation cohérente. Tant que ces verrous ne seront pas levés, l’agriculture familiale restera condamnée à la précarité.

 Irrigation ciblée, inégalités aggravées 

Le déséquilibre touche aussi l’eau. Alors que des milliards ont été investis dans les périmètres irrigués bien dotés (Souss, Haouz, Gharb), les zones bour, non irriguées mais essentielles, ont été laissées pour compte. Ces zones représentent pourtant la majorité des terres agricoles du pays. Après six années de sécheresse consécutives, cette inégalité devient intenable. Les petits agriculteurs, sans eau ni appui technique, voient leurs rendements s’effondrer.

 Subventions publiques : quelle transparence ? 

Au cœur de toutes ces limites, une même interrogation : où va l’argent public ? Les mécanismes de suivi, d’audit et de redevabilité sont peu clairs. Les rapports d’évaluation sont rares, les critères d’attribution opaques. L’implication des collectivités locales et des coopératives paysannes reste marginale. Résultat : un sentiment d’injustice grandissant dans le monde rural.

 Vers un nouveau modèle agricole 

Le contexte actuel – stress hydrique, changement climatique, tensions alimentaires mondiales – impose une refonte profonde du modèle. Il ne s’agit pas de rejeter tout le PMV, mais d’en corriger les dérives et les angles morts. Le Maroc a besoin d’un Plan Vert 2.0, fondé sur :

-Une réforme foncière ambitieuse,
-Le recentrage des politiques sur les petits exploitants et les zones vulnérables,
 -Une meilleure gouvernance des subventions
-Et l’adoption de modèles agroécologiques résilients.
Car une agriculture qui oublie ses petits agriculteurs finit par s’assécher – dans tous les sens du terme.

Rédigé par Abdelghani El Arrasse



Lundi 19 Mai 2025


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