Par Institut Géopolitique Horizons
I. UNE OFFRE QUI TRAHIT UNE PANIQUE STRATÉGIQUE
Les propos de l’ambassadeur Boukadoum selon lesquels « le ciel est la limite » concernant la coopération militaire avec les États-Unis révèlent un empressement inhabituel dans la diplomatie algérienne. Cette posture est d’autant plus remarquable qu’elle intervient peu après les déclarations critiques du président Tebboune lors de sa visite à Moscou.
A. Une contradiction flagrante avec la position récente d’Alger
La volte-face diplomatique est particulièrement frappante à la lumière des déclarations anti-américaines du président Tebboune lors de sa visite d’État en Russie du 13 au 15 juin 2023, effectuée à l’invitation du président Vladimir Poutine. En effet, le chef d’État algérien avait alors affirmé la nécessité de « sortir de l’hégémonie du dollar américain » et exprimé son souhait de voir l’Algérie rejoindre les BRICS avant d’être violemment recalé.
Cette incohérence dans le discours diplomatique algérien témoigne d’une absence de vision stratégique claire et d’une diplomatie réactive plutôt que proactive.
B. Une pantalonnade diplomatique qui insulte l’intelligence des stratèges
L’offre publique et empressée de l’ambassadeur Boukadoum, faite à des journalistes plutôt que par des canaux diplomatiques conventionnels, constitue une véritable pantalonnade qui insulte l’intelligence de tout stratège géopolitique, même débutant. Cette méthode de communication totalement inappropriée trahit une situation de panique véritable au sein de la junte politico-militaire algérienne.
Comment appréhender sérieusement une telle proposition qui ne repose sur aucune base géostratégique accordée mutuellement, ni sur une vision à moyen ou long terme? En diplomatie, où la forme importe autant que le fond, choisir la presse comme intermédiaire pour formuler une offre stratégique « sans limite » à une puissance comme les États-Unis ne peut être perçu que comme un acte de désespoir ou d’amateurisme consommé.
Plus incohérent encore, comment peut-on envisager une offre crédible de collaboration en matière de renseignements extérieurs lorsque la DGDSE algérienne (Direction Générale de la Documentation et de la Sécurité Extérieure) a été régulièrement décapitée depuis 2019, perdant expertise et continuité opérationnelle? Cette instabilité chronique au sein même des services de renseignement algériens rend absurde toute prétention à une coopération sérieuse dans ce domaine hautement sensible.
Cette démarche s’inscrit dans la continuité des offres précédentes tout aussi incohérentes : proposer de financer l’Ukraine à hauteur de 500 millions de dollars tout en étant dépendant des armes russes, offrir de normaliser avec Israël après avoir condamné le Maroc pour la même démarche, et promettre des achats d’armement américain massifs (15 milliards de dollars) sans tenir compte de l’incompatibilité technique avec l’arsenal russe existant.
II. UN ISOLEMENT GÉOPOLITIQUE CATASTROPHIQUE
A. Une marginalisation multidimensionnelle
L’Algérie connaît actuellement un isolement diplomatique inédit depuis sa création en 1962. En crise profonde avec la France, son ancien partenaire privilégié en Europe, Alger s’est également aliéné pratiquement tous ses voisins directs. Les relations avec le Maroc sont au point mort depuis la rupture unilatérale des relations diplomatiques par l’Algérie en août 2021. Le refroidissement avec la Tunisie est palpable malgré les pressions sur le président tunisien Kaiss Saied pour maintenir une apparence de normalité. Même ses relations avec les pays du Sahel, jadis zone d’influence traditionnelle algérienne, se sont considérablement détériorées depuis 2019.
Cette spirale d’isolement s’est accélérée avec les bouleversements géopolitiques régionaux: normalisation des relations entre le Maroc et Israël, reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, perte d’influence dans le dossier libyen, et émergence de nouveaux acteurs comme les Émirats Arabes Unis et la Turquie dans son pré carré sahélien.
B. La question du Polisario comme catalyseur de l’affolement
L’affolement actuel de la junte algérienne s’explique également par des pressions américaines croissantes concernant son soutien à la milice du Polisario. Washington aurait clairement fait comprendre à Alger que l’administration Trump pourrait envisager de qualifier cette organisation d’entité terroriste. Une telle désignation constituerait un désastre diplomatique pour l’Algérie, dont le soutien au Front Polisario représente depuis des décennies un pilier de sa politique étrangère et un outil d’affaiblissement du Maroc.
Face à cette menace existentielle pour sa stratégie régionale, le régime algérien se trouve acculé à faire des concessions impensables il y a encore quelques mois, illustrant la profondeur de sa crise diplomatique et l’effondrement de ses appuis internationaux.
C. L’exclusion du concert arabe
Le cas le plus emblématique de cette marginalisation est l’absence notable de l’Algérie dans les travaux préparatoires du Sommet extraordinaire du Caire sur la reconstruction de Gaza. Cette mise à l’écart par les pays arabes représente une perte d’influence significative dans les affaires palestiniennes, traditionnellement un pilier de la diplomatie algérienne et un élément central de sa légitimation sur la scène internationale et auprès de sa propre population.
III. LES TENTATIVES DÉSESPÉRÉES DE SÉDUCTION DE L’ADMINISTRATION TRUMP
A. Une opération de séduction massive dévoilée en janvier 2025
La récente offre de l’ambassadeur Boukadoum n’est que le dernier acte d’une opération diplomatique beaucoup plus vaste et désespérée, que notre Institut avait déjà partiellement dévoilée. Le 19 janvier 2025, nous révélions en exclusivité l’ampleur stupéfiante d’une initiative diplomatique algérienne pour tenter de séduire l’administration Trump et renverser la position américaine sur le Sahara.
Cette opération comportait plusieurs volets :
1. Une rencontre secrète à Doha le 16 décembre 2024 entre le ministre algérien des Affaires étrangères Ahmed Attaf et un intermédiaire libanais chargé d’établir un canal de communication avec Michael Boulos, époux de Tiffany Trump et fils de Massad Boulos, récemment nommé conseiller pour le Moyen-Orient. L’objectif explicite était de contourner l’influence de Jared Kushner, notoirement proche du Maroc.
2. Face à l’échec de cette première approche (« le gendre de Trump n’étant pas très chaud », selon une source dissidente algérienne), Alger a activé un plan B. L’ambassadeur Boukadoum, sur instructions directes du président Tebboune, a tenu une réunion avec le cabinet de lobbying BGR Group, engagé en septembre 2024 pour 720 000 dollars annuels, dans le but d’arranger un rendez-vous avec Trump.
3. La proposition algérienne alors formulée était proprement stupéfiante : un engagement d’achat d’armement américain de 15 milliards de dollars annuels, un versement immédiat de 500 millions de dollars à l’Ukraine, et une demande explicite d’aide à la normalisation avec Israël – le tout en échange du retrait ou d’un gel de la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara.
B. Un triple reniement historique
Cette offre représentait un triple reniement historique de la part du régime algérien :
– Abandon de la position traditionnelle pro-palestinienne, pilier de la légitimité internationale et intérieure du régime
– Rupture totale avec l’allié russe, principal fournisseur d’armement et soutien diplomatique d’Alger
– Tentative désespérée de reproduire le modèle de normalisation marocain, après l’avoir violemment dénoncé
Les réactions recueillies auprès de sources proches de l’administration Trump furent sans équivoque, soulignant qu’il était « plus qu’improbable, pour ne pas dire impossible, que Trump et le Deep State américain puissent sacrifier la relation privilégiée avec le Maroc pour miser sur un partenaire aussi peu fiable que l’Algérie. »
C. Une nouvelle phase de panique et d’improvisation
La dernière sortie de Boukadoum le 7 mars 2025, offrant une coopération « sans limite » à travers des journalistes, s’inscrit dans cette séquence d’échecs successifs et illustre la désorganisation croissante de la diplomatie algérienne. Face à l’échec de ses approches parallèles, le régime algérien en est réduit à passer par la presse, faute d’accès direct aux décideurs américains.
Cette méthode de communication totalement inappropriée trahit un état de panique véritable, aggravé par la perspective de sanctions américaines évoquées par le futur Secrétaire d’État Marco Rubio concernant les achats d’armements russes par l’Algérie (notamment le contrat d’armement de 7 milliards de dollars signé en 2021).
IV. IMPLICATIONS ET PERSPECTIVES
A. Une offre vide de substance et techniquement irréalisable
La proposition algérienne révèle une méconnaissance profonde des prérequis fondamentaux d’une coopération stratégique internationale. Comment imaginer une intégration cohérente des dispositifs de sécurité et de renseignement lorsque l’infrastructure technique, doctrinale et humaine algérienne est entièrement configurée selon les modèles russes?
L’armée algérienne dépend presque entièrement de l’expertise technique russe pour ses équipements sophistiqués (S-400, Su-30MKA, sous-marins classe Kilo). L’approvisionnement en munitions, pièces de rechange et la formation des officiers sont également liés à Moscou, créant une incompatibilité fondamentale avec une éventuelle transition vers des systèmes occidentaux. Cette réalité technique rend l’offre « sans limite » non seulement irréfléchie mais techniquement irréalisable à court et moyen terme.
B. Pour les États-Unis: une opportunité d’extraction d’informations sans engagement
Si cette proposition a un quelconque intérêt pour Washington, c’est uniquement comme opportunité d’extraire des informations sensibles sur les systèmes militaires russes en service en Algérie, sans véritable intention d’établir un partenariat durable. La désorganisation manifeste des services algériens et la fragilité du régime rendent tout engagement stratégique américain hautement improbable.
C. Pour la région: le spectacle d’un effondrement d’influence
Cette pantalonnade diplomatique offre aux rivaux régionaux de l’Algérie, notamment le Maroc, le spectacle d’un effondrement de crédibilité et d’influence. Elle confirme aux acteurs régionaux et internationaux l’isolement croissant d’Alger et sa perte de boussole stratégique, accélérant potentiellement sa marginalisation dans les grandes questions régionales comme le Sahel, la Libye ou la question palestinienne.
En définitive, le revirement diplomatique algérien vers Washington, illustré par l’offre incongrûment publique de l’ambassadeur Boukadoum à des journalistes américains, constitue un symptôme alarmant de la panique qui règne au sommet de l’État algérien. Cette démarche, en contradiction flagrante avec les positions récentes d’Alger vis-à-vis de Moscou et des BRICS, s’inscrit dans une série d’initiatives diplomatiques désespérées que notre Institut a méticuleusement documentées.
L’anomalie diplomatique que représente cette sollicitation médiatisée et non négociée auprès de l’administration Trump traduit une désorientation totale des cercles décisionnels algériens. Comme l’a révélé notre enquête du 19 janvier 2025, le régime algérien est allé jusqu’à proposer un engagement d’achat d’armement américain de 15 milliards de dollars annuels, un versement de 500 millions à l’Ukraine, et une normalisation avec Israël – autant de reniements historiques qui n’ont même pas suffi à susciter l’intérêt de Washington.
Cette crise diplomatique se déroule dans un contexte d’isolement multidimensionnel: rupture avec la France, tensions avec tous les voisins régionaux, marginalisation dans le monde arabe, et menace potentielle de voir le Polisario, pion central de sa stratégie anti-marocaine, désigné comme organisation terroriste par les États-Unis.
La contradiction fondamentale entre la dépendance militaire quasi-totale envers la Russie et cette tentative de séduction des États-Unis illustre l’impasse stratégique dans laquelle s’est enfermée l’Algérie. L’absence de prise en compte des réalités techniques, logistiques et doctrinales de son appareil militaire dans cette nouvelle orientation révèle une diplomatie de panique plutôt qu’une recalibration réfléchie.
Comme l’ont confirmé nos sources à Washington, l’administration Trump, loin d’être impressionnée par ces offres, pourrait au contraire y voir la confirmation de la faiblesse algérienne. Les sanctions évoquées par Marco Rubio concernant les achats d’armement russes pourraient être annoncées, accentuant davantage la vulnérabilité du régime.
À moins d’un rééquilibrage rapide et d’une restauration des fondamentaux de sa politique étrangère, l’Algérie risque de compromettre davantage sa crédibilité internationale et de s’enfoncer dans un isolement encore plus profond, fragilisant ainsi sa stabilité interne déjà précaire face aux défis économiques et sociaux qui l’attendent.












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