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A l’épreuve d’une crise d’éthique


Dans le Maroc d’aujourd’hui, les chiffres parlent d’eux-mêmes, les chantiers abondent, l’allure du pays surprend parfois. Pourtant une sourde frustration traverse la société. A quoi tient donc ce malaise diffus qui, malgré les réussites, empêche l’enthousiasme de devenir adhésion pleine ? Dans cette chronique, Naïm Kamal évoque l’absence d’un ingrédient essentiel : l’exemplarité.



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Par Naim Kamal

Un quart de siècle de métamorphose

Il y a des chiffres qui valent mieux qu’un discours. De 2014 à aujourd’hui, la pauvreté multidimensionnelle a reculé de 11,9% à 6,8%. Le Maroc est aussi entré dans le cercle des pays à développement humain élevé avec IDH de 0,710. Peur mieux faire, mais ce n’est pas rien. C’est même historique.
 

A l’horizon 2030, dont il partage l’organisation, il voit ses chantiers, réalisés ou en cours, s’amplifier : infrastructures, réseaux de transport toutes catégories, zones franches, pôles industriels… Ce qui se bâtit et prend forme, c’est une architecture de puissance régionale en émergence. Tanger Med est le symbole magistral, bientôt relayé par Dakhla Atlantique. Le Maroc parle désormais de hubs et de la connectivité mondiale. Dans ce sillage, des villes se transforment et s’embellissent. Rabat en est le fleuron.
 

Ce que l’on appelle le ‘’modèle marocain’’ repose sur une diversification économique : le solaire de Noor Ouarzazate, en dépit de ses couacs, lindustrie automobile, quand bien même serait-elle en silos, l’aéronautique, l’agriculture résiliente, témoignent d’une volonté ferme et d’une persévérance remarquable. 
 

Patiemment, la diplomatie a consolidé ses alliances en Afrique, renforcé les ponts avec l’Europe, les Etats Unis et les pays du Golfe, sans rien négliger des autres pôles d’attraction dans le Sud Global. Elle a en même temps sorti le dossier du Sahara de l’ornière diplomatique dans il se trouvait vingt-cinq ans auparavanT.  
 

Il faut le dire sans détour : dans un environnement régional et international instable, le Maroc offre une rare image de constance.
 

Réformes, droits et institutions, le délicat jeu des équilibres

L’évolution n’est pas seulement économique. Le Maroc a amorcé, parfois dans la douleur, des réformes sociétales structurantes. Le Code de la famille révisé en 2004 est sur le point d’évoluer à nouveau. La régionalisation, bien que lente, grignote le centralisme. La difficile et couteuse généralisation de la couverture médicale est en marche. L’INDH continue de soulager les impatiences sociales et d’en panser les angles morts.
 

Politiquement, la Constitution de 2011 a redressé le jeu institutionnel sans jamais rompre le fil de la centralité de la monarchie. Mohammed VI a maintenu les équilibres d’un Royaume qui s’ouvre, sans se perdre.
 

La résilience du Maroc ne fait plus débat. Le pays a su traverser une sècheresse longue et sévère sans penurie et sans perturbation de son marché intérieur, gérer la pandémie de Covid-19 de manière saluée à l’international, absorber l’onde de choc de la guerre en Ukraine avec une remarquable capacité d’adaptation, ou encore de faire face aux conséquences d’un séisme dévastateur en suscitant un élan de solidarité national qui rassure sur le Maroc et les Marocains, et témoigne de la force du lien social et de la confiance dans la Nation.
 

Pourtant, à l’ombre de ces avancées et de cette réalité, une question lancinante s’impose : pourquoi ce sentiment que quelque chose ne va pas et quelle en est la source ?
 
 


La Fracture morale

Le doute, le scepticisme ambiant ne viennent pas de l’absence de progrès. Ils viennent de leur trahison. Les Marocains capables du meilleur, le sont aussi du pire. Le scandale des diplômes monnayés à l’université d’Ibn Zohr, à Agadir, loin d’épuiser ses répliques ; celui qu’on commence à évoquer à Oujda ; la récurrence annuelle de la fraude aux examens de baccalauréat… ce ne sont pas des incidences, mais des symptômes. Rapportés à l’indice de perception de la corruption de Transparency International, 37/100, 99è rang mondial, plaçant le Maroc au-dessous de la moyenne internationale, disent forcément quelque chose sur ce qu’il faudra bien appeler une crise d’éthique. Car, in fine, des affaires ce réduisent à ce qu’elles sont, la face émergée de quelque chose de plus profond qui sape la confiance, brouille le récit national et font peser sur les épaules du pays une fatigue morale qui leste ses élans.
 

Une révolution culturelle comme horizon

Il ne suffit plus d’investir, d’innover, de construire. Il faut se reconstruire de l’intérieur. Même si le mal vient de loin dans l’histoire, Il faut retrouver le lien invisible mais fondamental entre les citoyens et citoyens et entre ceux-ci et l’Etat : l’exemplarité.
 

Le Maroc a besoin d’une révolution culturelle. Nullement la fleur au fusil, mais radicalement pour réhabiliter la valeur de l’effort, l’intégrité des institutions, la clarté des règles. Une révolution qui commence à l’école, se renforce dans les universités, s’impose dans les collectivités et embrasse l’ensemble des élites. Il n’y a pas de société parfaite, mais des seuils. Car à quoi bon des ports, les tours, les Finance City, les zones franches, les TGV… si le citoyen doute du citoyen, de la justice, de la compétence ou de la probité ?
 

Ce pays ne manque ni d’énergie, ni de vision. Il a à sa tête un Roi à la fois social et bâtisseur, une histoire, des jeunes talents, des ressources naturelles et un ancrage géopolitique précieux. Ce qui lui manque encore, c’est une culture partagée de la responsabilité. L’idée que le Maroc mérite mieux. Que chaque fonction, chaque diplôme, chaque engagement doit être porté par un sursaut éthique. Non pas une morale incantatoire, mais une pratique rigoureuse.

Rédigé par Naim Kamal sur Quid 




Lundi 2 Juin 2025


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