Par Mustapha SEHIMI
52.000 régularisations
En 2013 puis en 2014, sont opérées les premières phases de régularisation après validation par le BRA -surtout des Ivoiriens, des Congolais et des Irakiens. Une première campagne de régularisation administrative des étrangers donne une suite favorable à plus de 83 % des 26649 demandes déposées. La même année est lancée la Stratégie nationale d'immigration et d'asile (SNIA) ; elle vise l'accès aux droits - notamment à la santé, à l'éducation et au logement des personnes régularisées, y compris les réfugiés. Une seconde campagne se déroule de 2016 à 2017. Au total, à ce jour, plus de 52.000 régularisations des étrangers sont à relever. Une politique saluée à l'international qui a vu SM le Roi consacré comme leader africain de la migration au lendemain du retour du Maroc au sein de l'UA à la fin janvier 2017.
Rabat propose " l'Agenda africain pour la migration" (2017-2018). Une initiative articulée autour d'un Observatoire africain de la Migration et de la nomination et d'un Envoyé spécial de 1'UA. L'Observatoire est inauguré officiellement à Rabat, en décembre 2020. Le Royaume se positionne comme hub migratoire continental : il encourage la mobilité infra-africaine ; il dénonce aussi la vision par trop sécuritaire de l’Europe ; il défend enfin la promotion d'une vision africaine commune et solidaire. Une stratégie Royale qui représente un changement de paradigme fondé sur une gestion solidaire, structurée et positive de la migration.
Aujourd'hui, selon le HCR, l'on compte plus de 19.000 réfugiés et demandeurs d'asile (respectivement 9323 et 9784) enregistrés au Maroc et originaires de pas moins de plus d’une cinquantaine de pays. Le Maroc, pays d'accueil et de transit...
Reste en instance le projet de loi sur le droit d'asile qui est l'un des volets de cette politique migratoire. Quelques jours avant le Conseil de gouvernement du 9 décembre 2015, est programmé ce texte ; il est cependant retiré le jour même sans autre forme de procès. Le contexte est celui d'une "crise migratoire" en Europe, Rabat, comme 1'UE et d'autres, impose alors un visa d'entrée aux Syriens, comme à d'autres pays sources de réfugiés (Libye, Yémen, Sud Soudan, Erythrée, Ethiopie, Cameroun, Centrafrique...). En septembre 2018, voilà le projet de loi sur le droit d'asile de nouveau soumis au Conseil de gouvernement. Un agenda qui s'inscrit dans la tenue, les 10-11 décembre de cette même année, du sommet de 1'ONU, marqué par la signature du "Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières", dit "Pacte de Marrakech". En 2019, une version actualisée du projet de loi est encore présentée au Conseil de gouvernement. Sans suite : il est quelque part entre le SGG et d'autres départements ministériels...
Essoufflement ?
La situation actuelle interroge : à quoi tient ce qui paraît bien être un certain essoufflement de la politique migratoire du Royaume ? Les réfugiés et les demandeurs d'Asile proviennent surtout de Syrie (32 %), de Centrafrique ( 19 %), du Yémen (16 %), du Soudan - Sud (8%), de Côte d'Ivoire (5 %), d'autres Etats africains ( 11 %) et arabes 9%). La loi sur le droit d'asile relève de paramètres complexes qui expliquent peut-être son retard. En tout état de cause, elle ne doit pas relever de l’inachevé : tant s'en faut. Le Maroc peut exciper d'un capital en matière de migration qui donne à son image et à sa diplomatie une valeur particulière. Un contraste flagrant avec notamment des pays maghrébins voisins (Algérie et Tunisie) qui portent et incarnent les traits indignes d’une politique d'expulsion et de stigmatisation frappant des dizaines de milliers de migrants subsahariens....