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Le bonheur des autres


La célèbre citation tirée du conte philosophique Candide de Voltaire -1759, "Le malheur des uns fait le bonheur des autres ", n’a jamais trouvé autant de sens que pendant la pandémie.



Par Jamal Benaddou Idrissi

Le bonheur des autres
le_bonheur_des_autres.mp3 Le bonheur des autres.mp3  (7.08 Mo)

Le monde sort exsangue d'un an de pandémie et de confinements, mais certains ploutocrates familiers de Wall Street et ses salons feutrés, s'en sortent plutôt indemnes quand ils n'affichent pas plus de santé et de richesses insolentes.

Sans verser dans la rumeur exagérée mais pas totalement absurde d’une conspiration ourdie d’ordre maçonnique ou illuministe secrète, la crise sanitaire liée au Covid-19 et ses retombées économiques et sociales ont subrepticement servi les plus grandes fortunes de ce monde.

Le constat est plutôt rageant. Les riches n'ont jamais été aussi riches, quand tout va bien ils s'enrichissent et quand tout va mal ils s'enrichissent encore plus !

Alors que la pandémie du coronavirus s’attèle à détruire des millions d'emplois partout dans le monde mettant quasiment à l’arrêt l’économie mondiale, le club très sélect des milliardaires arrive fort bien à tirer son épingle du jeu et continue de faire de nouveaux adeptes parmi ses rangs.

Loin des tourments et tragédies engendrés par la crise sanitaire, ces Caligula des temps modernes issus de l’ultralibéralisme sauvage, n’ont pas trouvé de meilleur allié que le virus chinois pour tirer profit de tous les ravages qu’il sème sur son bonhomme de chemin.

Selon une étude "Riding the storm" menée par la banque suisse UBS en collaboration avec le cabinet d’audit PWC, la fortune des quelques 2200 milliardaires disséminés dans le monde a progressé de 27% pendant le confinement franchissant la barre des 10200 milliards de dollars, soit l’équivalent d’environ 4 années de PIB d’un pays comme la France.

Dans cette exubérante distribution, les États-Unis surclassent le reste du monde : 650 milliardaires américains se partagent la bagatelle de 4000 milliards de dollars de richesses accusant une augmentation nette de 1000 milliards durant la pandémie, pendant que 20 millions de travailleurs américains et membres de la classe moyenne perdaient leur emploi.

Dans son premier discours de président devant le Congrès américain, Joe Biden n’a pas caché son exaspération face à l’indécence de ces chiffres, exhortant ses riches compatriotes à faire preuve d’exemplarité en matière de justice fiscale.

En effet, bien que la philanthropie fait partie de la culture entrepreneuriale américaine (4,6 milliards $ de dons en 2020), près de 10% des grandes entreprises du pays échappent à l’impôt fédéral grâce à l’évasion des capitaux et des bénéfices vers les Bermudes, les îles Caïmans et autres paradis fiscaux.

Par ailleurs, les auteurs de ladite étude estiment que les fortunes sont entrain de se polariser à la faveur des milliardaires innovateurs issus des rangs de la technologie, la santé ou les équipements médicaux.

Les turbulences du marché causées par la tempête du Covid-19 ont accéléré cette  tendance en dissociant ostensiblement les fortunes émergentes de celles générées par les secteurs plus traditionnels comme l’immobilier, l’industrie et les services.

A titre de comparaison, entre avril et juin 2020, l’accroissement des plus grandes richesses dans le monde s’est élevé à +42% pour la Tech, +50% pour la santé et +10% seulement pour l’ensemble des autres secteurs confondus. La raison en est simple : la grande ruée des entreprises à vocation innovante vers les secteurs à forte valeur ajoutée employant des technologies de pointe, notamment dans les domaines de la recherche médicale, l'intelligence artificielle, l’impression 3D, les drones et les voitures électriques.

Leur stratégie commune s’inscrit dans une optique globale de performances et de flexibilité pour maintenir le cap de la croissance dans un contexte difficile profondément impacté par la pandémie mais toujours aussi concurrentiel.

La concentration des richesses dans le monde est désormais comparable à celle qui prévalait au début du siècle dernier.

A l’instar des Onassis, Rockefeller et Rothschild qui ont bâti leur empire dans le transport maritime, les chemins de fer, les industries pétrolières et autres métiers de la finance, bravant guerres pandémies et cataclysme boursiers, les non moins illustres patrons des GAFAM qui se positionnent aujourd’hui en situation similaire d’oligopoles, comptent parmi les grands gagnants de la pandémie actuelle.

Avec la directive largement adoptée du télétravail, l’école à distance et les fermetures à tous crins des restaurants et commerces non-essentiels, les ventes en ligne ont littéralement explosé rendant le commerce électronique seule alternative de choix.

Très vite, l’engorgement sur ce créneau a pris place et conduit les deux mastodontes en titre du e-commerce Amazon et Ebay, à officialiser  l’ouverture de plusieurs dizaines de milliers de points de vente aux États-Unis et en Europe, pour venir en renfort à la fulgurante flambée des commandes reçues en ligne.

De plus en plus insatiables au seuil d’une récession qui s’installe, et tentant de s’adjuger à leur profit les effets intrusifs de la débâcle des marchés financiers et l’effondrement brutal des valeurs (-20%), ces rois de la High Tech à l’appétit de goulu ont réussi à rafler à tour de bras et au creux de la vague une bonne partie de leurs actions, pariant sur un prompt rebondissement des marchés qui propulserait leurs groupes au sommet des plus grosses capitalisations boursières du monde.

Les résultats et les chiffres sont pour le moins impressionnants : la capitalisation boursière de tous les GAFAM réunis avec Apple en tête,  a surpassé par 3 fois celle de l’ensemble du CAC 40, sans doute la meilleure performance réalisée au cours de la plus vaste crise économique et financière que le monde ait connue depuis les 150 dernières années.

Ce modèle économique de création de valeurs par la recherche de profit n’est pas sans rappeler aussi les retentissantes manœuvres spéculatives de certains pays du golfe dont l’Arabie saoudite, Abu Dhabi et le Qatar.

Dès le début de la pandémie, ces avatars des pétromonarchies dont rien ne semblait pouvoir calmer les ardeurs, ont tenu mordicus à diversifier leurs sources de revenus en incluant  dans leur liste de shopping les affaires les plus fragilisées ou proches de la faillite.

La plus part des entreprises tombées dans leur escarcelle, opéraient dans les secteurs les plus dévastés de l’économie comme le transport aérien, l’industrie pétrolière, l’hôtellerie, ou encore le non moins juteux business du sport. Le total des fonds souverains alloués à ces opérations se montait à plusieurs centaines de milliards de dollars d’investissements étrangers.

Mais gardons la tête froide et retournons à notre réalité quotidienne amère et choquante, et au virus qui n’en finit pas de muter faisant de plus en plus de victimes dans le monde. Aux responsables œuvrant dans les hautes sphères de la politique et la santé, d’élaborer les stratégies les plus à même d’incarner les réponses idoines pour venir à bout de ce fléau.

Penser la pandémie et la manière de l’éradiquer, c’est aussi penser les déchirures et les drames qu’elle a engendrés.

L’épidémie ne peut se réduire à sa seule dimension biologique, elle est aussi une pathologie économique, politique et sociale. Un mal cruel qui peut être à l’aune d’une violence sociale inouïe frappant partout et sans discrimination.

Riches ou pauvres, nous sommes désormais tous concernés, qu'on se le dise !

En attendant le retour à la normalité à laquelle nous aspirons tous, prêtons notre total soutien aux plus sinistrés, et faisons de notre mieux pour que le malheur des uns ne fasse pas toujours le bonheur des autres.

Par Jamal Benaddou Idrissi




Samedi 8 Mai 2021


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