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Le luxe à gogo, ou quand le faux est à la mode


​Des grandes agglomérations au petit bled, des quartiers huppés aux douars les plus reclus, les marques de luxe ont envahi le paysage vestimentaire et règnent en maitres sur le corps et l’esprit de la jeunesse marocaine. Il s’agit là d’un style urbain qui s’étend aux petits patelins et qui tend à standardiser l’apparence des jeunes et de ceux qui le sont moins.



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Par Hachimi Alaoui

Si toutefois le port du luxe est très en vogue au Maroc, sa massification manifeste moins la conviction d’une élite de happy-few qu’un attrait collectif pour la brillance et l’éclat, le strass et les paillettes. Ne pas en porter est décidément un fashion faux-pas et c’est un pêché de ne pas en avoir aux vestiaires.

Or, et on le sait tous, au Maroc, c’est des habits contrefaits qui circulent à grande échelle. Notamment lorsqu’il s’agit des labels de luxe. En plus des contrefaçons importées, les unités de textile, cloitrées dans les coins des ruelles et plongées dans la clandestinité légale et fiscale, ce n’est pas ce qui manque au Maroc. Et c’est ce qu’on appelle, pour être dans le politiquement correct, l’économie informelle. Somme toute, une poignée de contrefacteurs excelle dans la confection au sous-sol et leurs frusques, une fois enfilés, permettent au plus fauchés d’avoir l’air à l’aise.

Résultat, ces vêtements que les minots s’arrachent ne sont que des pastiches de grandes marques de luxe. Ces shorts et t-shirts pas trop genrés, ces sacs et ces sandales flashy, tous ces produits ne sont que les hauts et les bas du faux-luxe. Ceux ne sont que des parodies, laides et difformes, mal conçues et faites de mauvais tissu. Des parodies qui, parfois, renvoient aux stars du showbiz et qui, le plus souvent, rappellent les starlettes des réseaux sociaux, sans art et sans talent.

On serait tenté de penser que nos jeunes s’affranchissent, du moins en apparence, de leur situation financière et de leur condition matérielle en s’appropriant, à leur manière, les marques de luxe.  Sauf qu’il s’agit là d’un confort de pensée, si ce n’est une insulte à leur intelligence. Dans cette mêlée du luxe et du faux, nulle mauvaise foi ne sous-tend le choix du code vestimentaire et ce n’est guère une volonté intentionnelle de jouer les riches. Ces jeunes vêtus de contrefaçons plaident volontiers que leur posture ne s’inscrit guère dans le registre de l’escroquerie et qu’elle n’est en aucun cas une transgression des codes d’éthique.

Le fait est que celui qui porte le faux, il le sait et sait que nous le savons. L’idée est qu’avec le peu que l’on ait, on peut avoir l’air faussement luxueux, ou luxueusement faux, sans vocation ni prétention. La mode est au port du faux, et puis c’est tout.

En cette ère de l’image et du visuel, peu importe la consistance et importe moins l’authenticité des habits. Et quand bien même une bonne et due forme fait défaut, l’illusion suffit pour faire allusion au label imité. Ces faux-habits de luxe vont donc au-delà de leur substance et permettent à leur porteur de s’identifier à une « idole ». En effet, c’est une possibilité de devenir l’« autre ». Cet autre idolâtré dans les médias et vénéré dans les réseaux sociaux. Cet autre qui l’est devenu si tôt et si facilement que l’on ne s’interroge même pas, ni sur son origine, ni sur son originalité. Cet autre que tout un chacun peut devenir car, in fine, c’est une affaire d’apparence, de filtres et photos.

À présent, le vent qui souffle dans les canaux de transmission entre les minots et leurs idoles est un vent d’images. Et dans les couloirs de communication qui les réunissent, on a troqué l’authenticité et l’originalité pour l’esthétisation à outrance. On se connait et on se fait connaitre à travers la photographie et le culte de l’image s’en trouve dès lors enraciné. Un culte qui rime avec le port du faux-luxe et qui le réconforte dans sa fausseté.

En somme, cette nouvelle tendance n’est point subversive mais révélatrice de son temps. Face à ces avatars, ces « vrais-faux » influenceurs, nous sommes tous dans un schéma d’aliénation à l’image et à l’imitation par l’image. Si c’est vrai que ce luxe à gogo dont on se drape en est une fausse imitation, l’image qui s’en dégage, quant à elle, est tristement authentique.



Jeudi 25 Août 2022

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