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Maroc-Mali: de Figuig à Tombouctou, la mémoire en partage, le Sahara comme trait d’union


«De Figuig à Tombouctou, Maroc-Mali: histoire & patrimoine partagés» est un voyage à travers l’histoire partagée du Maroc et du Mali, entre routes transsahariennes, échanges culturels et héritage spirituel commun. Ce livre collectif, fruit d’un travail conséquent, révèle l’importance d’une mémoire sahélo-saharienne à réhabiliter pour renouer avec une fraternité africaine intemporelle.



Rédigé par Mustapha Sehimi

C' est un livre de référence: «De Figuig à Tombouctou, Maroc-Mali: histoire & patrimoine partagés» (2025, 499 p.). Initié par l’Agence de l’Oriental, il a été soutenu et coédité avec l’Académie du Royaume du Maroc. Avec une quinzaine de contributions de cinq auteurs marocains et d’autres universitaires du Niger, du Mali, de Roumanie, d’Afrique du Sud, de France, d’Angleterre et des États-Unis, cet ouvrage présente plusieurs particularités: celle de mêler, comme le relève Abdeljalil Lahjomri, «histoire, anthropologie politique et anthropologie du religieux, relations internationales et itinéraire transsahélien». Celle aussi de mettre en relief le «nomadisme touareg» avec ses routes commerciales. Celle enfin des chemins des explorateurs et des savants.

Des rives communes pour célébrer la mémoire en partage. Une transversale donc de Figuig à Tombouctou, cette mythique cité malienne. Tombouctou ? Une histoire flamboyante, mythologique, du XIIIème au XVIème siècle, un grand centre commercial (or, ivoire, sel …), intellectuel et culturel aussi. L’islam lui a aussi donné sa splendeur avec l’université coranique de Sankoré et d’autres médersas. De Figuig, la «reine des oasis», à Tombouctou, « cité-État », carrefour de civilisations, des identités historiques collectives se sont rencontrées. De quoi pousser à l’amarrage de l’Afrique occidentale à l’Afrique centrale.

Pour Mohamed Mbarki, directeur général de l’Agence de l’Oriental, Figuig et Tombouctou sont à la fois «uniques et semblables». De multiples échanges entre les deux villes qui appellent sans doute aujourd’hui à «renouer avec la grande Histoire saharienne des peuples de l’Ouest africain». Il y a là une mémoire intemporelle avec la dynastie alaouite qui étend et sécurise les parcours par des accords avec les tribus sahariennes et qui encourage les confréries soufies (Qadiriya et Tijaniya) à s’étendre tout au long des parcours, diffusant leur spiritualité et leur tolérance.

Au fil des dynasties, ce fait historique: l’islam et la culture du Maroc qui affirment leurs apports et leurs présences. Prévaut aujourd’hui le retour du « penser africain » pour raviver le passé prestigieux, illustration de l’identité africaine. Une vision royale dont l’une des traductions stratégiques est « l’Initiative Atlantique pour le Sahel ». Il faut désormais revigorer les huit siècles de relations entre les deux rives de l’immense espace sahélo-saharien pour conforter des fraternités et des solidarités historiques et culturelles – et à cet effet «réhabiliter les mémoires estompées…».

Rahal Boubrik (Institut d’études africaines, UMV Rabat) explique que le Maroc, durant toute son histoire, s’est tourné vers le Sud (bilad al-sudan). Et le Sahara n’a jamais été une frontière ou une barrière, mais un pont et un trait d’union: comme les mers, les déserts rapprochaient plus qu’ils n’éloignaient. La comparaison est faite avec la Méditerranée et le Sahara, une mer, une «autre Méditerranée», les caravanes chamelières remplaçant les convois de navires – les Arabes n’ont-ils pas baptisé le chameau «navire du désert» (safinet al-sahra)? Des cités-ports caravanières sont à mentionner: Figuig, Sijilmassa, Tamdult, Arouane, Es-Souk (Tadmekka), Gao, Tombouctou, Djenné, Oualata, etc.

Dans la littérature des deux siècles précédents, souvent les villes de Figuig et Tombouctou ont eu une certaine image fantasmée et quelque part exotique. De quoi nourrir un imaginaire occidental. Un passé prospère articulé autour des voies du commerce transsaharien reliant dans ces espaces les hommes et les cultures. Cette dimension économique entre le Maroc et le Mali s’est accompagnée d’un épanouissement culturel, scientifique (connaissances, savoir et savoir-faire) et religieux. L’histoire intellectuelle de l’islam en Afrique de l’Ouest doit beaucoup aux ouvrages et aux auteurs marocains (théologie, soufisme, médecine, astrologie). Les influences et les empreintes culturelles entre le Maroc et le Mali se retrouvent dans le patrimoine matériel (construction de mosquées, de bâtiments publics, normes d’architecture en terre…). Plus qu’une jonction géographique, un prolongement de deux aires culturelles, un espace connecté avant qu’il ne soit cloisonné par des frontières imposées par l’occupation coloniale.

Il y a eu le temps des empires, tel celui du «Mali (1235-1450) et l’affirmation des relations culturelles et économiques avec l’Empire chérifien» (Seyni Koumouri, Université de Niamey – Niger).

Il faut également mentionner d’autres contributions: «Figuig-Djenné, routes du commerce, du sacré et du savoir» (Ammar Abbou, ministère de la Culture, Maroc); «Figuig, diversité de la population et passage des caravanes commerciales» (Ahmed Meziane, Université Sidi Mohammed Ben Abdallah, Fès); «Sur les traces d’une érudition transsaharienne» (Ismail Warscheig, CNRS, Paris); «Ahmad Baba al-Timbukti, un érudit soudanais à Marrakech» (Rahal Boubrik); The Collector of Timbuktu, Ahmed Bula’raf (Université de Cape Town, Afrique du Sud); «Trans-Saharan Connections and Tariqa Polemics» (Amir Syed, Université de Virginie, USA). Et d’autres encore sur les multiples aspects d’une histoire et d’un patrimoine partagés. Des contributions documentées, fécondes, de chercheurs appréhendant des thématiques relatives aux relations historiques entre le Maroc et le Mali.




Dimanche 13 Juillet 2025


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