Quand la projection devient un chemin de vérité intérieure : un dialogue inédit entre une journaliste de L'ODJ Média et la coach en psychologie positive Sophia El Khensae Bentamy.
Question 1 : Beaucoup de gens affirment être la cible de jalousies, de mensonges ou de trahisons. Mais vous suggérez que ce regard porté sur autrui peut en dire long sur celui qui l’exprime. Pouvez-vous nous expliquer en quoi nos jugements sur les autres reflètent en réalité une partie de nous-mêmes ?
Sophia El Khensae Bentamy : Oui, et c’est un point fondamental. Ce que nous croyons percevoir chez les autres est souvent une projection de nos propres états intérieurs. En psychologie, on appelle cela la "projection", un mécanisme de défense bien connu. Par exemple, quelqu’un qui pense que tout le monde lui ment projette peut-être ses propres zones d’ombre ou de manque d’honnêteté. Cela ne signifie pas nécessairement qu’il ment tout le temps, mais peut-être qu’il n’est pas pleinement transparent dans certaines sphères de sa vie. Idem pour celui qui voit des envieux partout : il se peut qu’il ne soit pas pleinement en paix avec ses choix de vie et qu’il envie lui-même, inconsciemment, ceux qui osent faire ce qu’il n’ose pas. C’est un miroir : ce que nous reprochons au monde est souvent ce que nous ne voulons pas affronter en nous. C’est à la fois une découverte déstabilisante et une chance immense de mieux se connaître.
Question 2 : Pourquoi avons-nous tant de mal à reconnaître nos propres contradictions ou nos parts d’ombre ? Est-ce culturel, psychologique, ou un simple réflexe de protection ?
Sophia : C’est un peu tout cela à la fois. D’abord, il y a un facteur psychologique universel : l’ego. L’ego aime les certitudes, il aime se sentir du "bon côté", être la victime ou le héros, rarement l’agresseur. Reconnaître que l’on est parfois jaloux, malhonnête ou suspicieux demande du courage et de la lucidité. Ensuite, notre culture valorise souvent l’image, le contrôle, la performance. Il est mal vu de douter, encore plus de s’interroger sur ses intentions. Enfin, il y a un vrai réflexe de protection. Se remettre en question, c’est sortir de sa zone de confort. Et notre cerveau, qui cherche avant tout la survie, préfère éviter l’inconnu émotionnel. Pourtant, ces parts d’ombre sont les meilleures portes d’entrée vers une meilleure version de nous-mêmes. Lorsqu’on les regarde sans se juger, elles deviennent des clés puissantes de transformation intérieure. C’est un chemin exigeant mais libérateur.
Question 3 : Vous parlez d’un “miroir magique” que l’on pourrait interroger non pas pour flatter notre ego, mais pour révéler ce qui nous dérange. En quoi ce miroir peut-il être une source de vérité plutôt qu’un outil de blâme ?
Sophia : L’image du miroir magique est volontairement ludique et imagée, mais elle est très puissante. Il ne s’agit pas ici d’un miroir qui déforme, ni d’un miroir de vanité : c’est un miroir de vérité intérieure. Lorsqu’on ose poser un regard honnête sur ce qui nous agace, nous blesse ou nous rend méfiants chez les autres, on découvre souvent qu’il y a là une émotion non digérée, une blessure non résolue, ou une aspiration refoulée. Ce miroir devient alors un compagnon de route : il nous montre ce qu’on refuse de voir. Et c’est une excellente nouvelle ! Car cela signifie que tout ce que nous projetons à l’extérieur peut nous aider à nous réaligner à l’intérieur. Ce n’est ni une punition ni une fatalité, mais un point de départ. Et si nous apprenons à l’utiliser sans nous juger, ce miroir devient une boussole émotionnelle et existentielle.
Question 4 : Vous soulignez que certains jugements sont en réalité des signaux d’alerte. Comment faire la différence entre une intuition légitime et une projection issue de notre propre mal-être ?
Sophia : Excellente question. C’est là que la pratique de l’auto-honnêteté entre en jeu. Une intuition est souvent calme, claire, immédiate. Elle s’impose comme une évidence, sans émotion débordante. Une projection, en revanche, est chargée : elle est souvent teintée d’agacement, de colère ou de méfiance. Elle se répète, elle prend de la place dans notre esprit. Lorsque nous sommes envahis par une pensée récurrente sur les autres ("ils m’en veulent", "ils me trahissent", "ils sont jaloux"), il est essentiel de s’interroger : dans quel état intérieur suis-je en ce moment ? Suis-je fatigué ? Frustré ? Est-ce que je me sens désaligné avec mes valeurs ? Cette auto-enquête douce permet de distinguer une alerte extérieure d’un déséquilibre intérieur. Et même si c’est une projection, ce n’est pas grave. Au contraire, c’est une opportunité de réalignement. Il ne s’agit pas de douter de tout, mais d’apprendre à décoder nos propres filtres.
Question 5 : Vous insistez sur l’importance d’“appuyer sur Pause”. Pourquoi cette capacité d’arrêt est-elle si précieuse, et comment l’exercer au quotidien sans se laisser déborder ?
Sophia : Appuyer sur Pause, c’est refuser de réagir automatiquement. C’est refuser de faire tourner en boucle nos jugements sur les autres sans prendre le temps de les examiner. Cette pause peut durer dix secondes ou dix minutes, mais elle change tout. Elle nous permet de prendre conscience de ce qui se joue réellement en nous. Est-ce de la peur ? De l’insécurité ? Un vieux souvenir mal digéré ? Prendre cette distance, c’est se réapproprier son pouvoir. Cela demande un petit entraînement : apprendre à respirer profondément, à écrire ce qu’on ressent, à se parler comme à un ami. Et plus on le fait, plus cela devient naturel. C’est une compétence émotionnelle fondamentale, surtout dans un monde aussi rapide que le nôtre. La pause est un acte de maturité. Elle ne nous éloigne pas des autres, au contraire : elle nous permet de mieux les rejoindre, sans les accuser, avec plus de vérité et de bienveillance.
Question 6 : Dans vos propos vous proposez des “solutions vitaminées”. Pourquoi ce choix de mot, et que recouvrent ces pratiques concrètement pour se réaligner au quotidien ?
Sophia : J’aime cette idée de “solutions vitaminées” car elle évoque à la fois l’énergie, la vitalité, la douceur et la régénération. Ces solutions ne sont pas des recettes miracles mais des micro-pratiques puissantes qui nous ramènent à nous-mêmes. Écrire ce que l’on ressent sans filtre, noter nos jugements sur les autres et se demander ce qu’ils révèlent de nous, pratiquer l’auto-honnêteté joyeuse, c’est-à-dire s’avouer nos contradictions avec humour plutôt qu’avec honte. Se reconnecter à ses valeurs, aussi : qu’est-ce qui me rend fier ? Qu’est-ce que je veux vraiment offrir aux autres ? Ces gestes simples permettent de nettoyer notre regard, de revenir à notre axe intérieur. Et puis, il y a l’environnement : s’entourer de gens vrais, c’est un levier fabuleux. C’est contagieux, dans le bon sens du terme. Les “solutions vitaminées”, c’est donc une boîte à outils légère, bienveillante et puissante à la fois.
Question 7 : Dans une époque où l’on parle beaucoup de relations toxiques, de manipulation et de “gaslighting”, comment rester vigilant sans tomber dans la projection permanente ?
Sophia : C’est un équilibre subtil. Bien sûr, les relations toxiques existent, les manipulateurs aussi. Et il est fondamental de se protéger et de poser des limites. Mais ce que je propose ici, c’est de ne pas faire de la méfiance une posture par défaut. La vigilance, oui, mais pas la paranoïa. Cela passe par une écoute fine de notre ressenti : est-ce que ce malaise vient vraiment de l’autre, ou de ma propre insécurité ? Est-ce que cette critique est une attaque, ou un miroir d’une blessure ancienne ? Apprendre à se connaître, c’est aussi apprendre à discerner. Et puis, la projection, une fois qu’on la reconnaît, perd de sa force. On peut même en rire. Se dire : "Ah tiens, je suis en train de prêter à l’autre mes propres doutes, mes propres limites." Ce recul ne rend pas naïf. Il rend libre. C’est ça, la vraie vigilance : une lucidité tendre, pas une méfiance corrosive.
Question 8 : Enfin, vous terminez souvent vos chroniques sur une note très humaine : “Et toi, t’as pas juste besoin d’un câlin ?” Pourquoi est-ce si important aujourd’hui de renouer avec la tendresse envers soi-même ?
Sophia : Parce que nous vivons dans un monde où la dureté est valorisée, où l’on nous pousse à être forts, performants, impeccables. Or, cette exigence constante nous coupe de notre humanité profonde. Parfois, ce que nous appelons méfiance, jalousie ou colère n’est qu’un cri du cœur qui dit : “Je suis fatigué, j’ai besoin d’amour, de repos, de douceur.” Se parler comme à un ami, se prendre dans les bras mentalement, se rappeler que l’on fait de son mieux… c’est cela, la vraie force. Et c’est une force contagieuse. Plus on se traite avec tendresse, plus on devient tendre envers les autres. C’est le socle de toute communication authentique. C’est le point de départ de relations apaisées. Et c’est surtout un magnifique acte de paix intérieure. Alors oui, parfois, il ne faut pas une explication… mais un câlin. Symbolique ou réel. Et c’est une révolution en soi.
Sophia El Khensae Bentamy : Oui, et c’est un point fondamental. Ce que nous croyons percevoir chez les autres est souvent une projection de nos propres états intérieurs. En psychologie, on appelle cela la "projection", un mécanisme de défense bien connu. Par exemple, quelqu’un qui pense que tout le monde lui ment projette peut-être ses propres zones d’ombre ou de manque d’honnêteté. Cela ne signifie pas nécessairement qu’il ment tout le temps, mais peut-être qu’il n’est pas pleinement transparent dans certaines sphères de sa vie. Idem pour celui qui voit des envieux partout : il se peut qu’il ne soit pas pleinement en paix avec ses choix de vie et qu’il envie lui-même, inconsciemment, ceux qui osent faire ce qu’il n’ose pas. C’est un miroir : ce que nous reprochons au monde est souvent ce que nous ne voulons pas affronter en nous. C’est à la fois une découverte déstabilisante et une chance immense de mieux se connaître.
Question 2 : Pourquoi avons-nous tant de mal à reconnaître nos propres contradictions ou nos parts d’ombre ? Est-ce culturel, psychologique, ou un simple réflexe de protection ?
Sophia : C’est un peu tout cela à la fois. D’abord, il y a un facteur psychologique universel : l’ego. L’ego aime les certitudes, il aime se sentir du "bon côté", être la victime ou le héros, rarement l’agresseur. Reconnaître que l’on est parfois jaloux, malhonnête ou suspicieux demande du courage et de la lucidité. Ensuite, notre culture valorise souvent l’image, le contrôle, la performance. Il est mal vu de douter, encore plus de s’interroger sur ses intentions. Enfin, il y a un vrai réflexe de protection. Se remettre en question, c’est sortir de sa zone de confort. Et notre cerveau, qui cherche avant tout la survie, préfère éviter l’inconnu émotionnel. Pourtant, ces parts d’ombre sont les meilleures portes d’entrée vers une meilleure version de nous-mêmes. Lorsqu’on les regarde sans se juger, elles deviennent des clés puissantes de transformation intérieure. C’est un chemin exigeant mais libérateur.
Question 3 : Vous parlez d’un “miroir magique” que l’on pourrait interroger non pas pour flatter notre ego, mais pour révéler ce qui nous dérange. En quoi ce miroir peut-il être une source de vérité plutôt qu’un outil de blâme ?
Sophia : L’image du miroir magique est volontairement ludique et imagée, mais elle est très puissante. Il ne s’agit pas ici d’un miroir qui déforme, ni d’un miroir de vanité : c’est un miroir de vérité intérieure. Lorsqu’on ose poser un regard honnête sur ce qui nous agace, nous blesse ou nous rend méfiants chez les autres, on découvre souvent qu’il y a là une émotion non digérée, une blessure non résolue, ou une aspiration refoulée. Ce miroir devient alors un compagnon de route : il nous montre ce qu’on refuse de voir. Et c’est une excellente nouvelle ! Car cela signifie que tout ce que nous projetons à l’extérieur peut nous aider à nous réaligner à l’intérieur. Ce n’est ni une punition ni une fatalité, mais un point de départ. Et si nous apprenons à l’utiliser sans nous juger, ce miroir devient une boussole émotionnelle et existentielle.
Question 4 : Vous soulignez que certains jugements sont en réalité des signaux d’alerte. Comment faire la différence entre une intuition légitime et une projection issue de notre propre mal-être ?
Sophia : Excellente question. C’est là que la pratique de l’auto-honnêteté entre en jeu. Une intuition est souvent calme, claire, immédiate. Elle s’impose comme une évidence, sans émotion débordante. Une projection, en revanche, est chargée : elle est souvent teintée d’agacement, de colère ou de méfiance. Elle se répète, elle prend de la place dans notre esprit. Lorsque nous sommes envahis par une pensée récurrente sur les autres ("ils m’en veulent", "ils me trahissent", "ils sont jaloux"), il est essentiel de s’interroger : dans quel état intérieur suis-je en ce moment ? Suis-je fatigué ? Frustré ? Est-ce que je me sens désaligné avec mes valeurs ? Cette auto-enquête douce permet de distinguer une alerte extérieure d’un déséquilibre intérieur. Et même si c’est une projection, ce n’est pas grave. Au contraire, c’est une opportunité de réalignement. Il ne s’agit pas de douter de tout, mais d’apprendre à décoder nos propres filtres.
Question 5 : Vous insistez sur l’importance d’“appuyer sur Pause”. Pourquoi cette capacité d’arrêt est-elle si précieuse, et comment l’exercer au quotidien sans se laisser déborder ?
Sophia : Appuyer sur Pause, c’est refuser de réagir automatiquement. C’est refuser de faire tourner en boucle nos jugements sur les autres sans prendre le temps de les examiner. Cette pause peut durer dix secondes ou dix minutes, mais elle change tout. Elle nous permet de prendre conscience de ce qui se joue réellement en nous. Est-ce de la peur ? De l’insécurité ? Un vieux souvenir mal digéré ? Prendre cette distance, c’est se réapproprier son pouvoir. Cela demande un petit entraînement : apprendre à respirer profondément, à écrire ce qu’on ressent, à se parler comme à un ami. Et plus on le fait, plus cela devient naturel. C’est une compétence émotionnelle fondamentale, surtout dans un monde aussi rapide que le nôtre. La pause est un acte de maturité. Elle ne nous éloigne pas des autres, au contraire : elle nous permet de mieux les rejoindre, sans les accuser, avec plus de vérité et de bienveillance.
Question 6 : Dans vos propos vous proposez des “solutions vitaminées”. Pourquoi ce choix de mot, et que recouvrent ces pratiques concrètement pour se réaligner au quotidien ?
Sophia : J’aime cette idée de “solutions vitaminées” car elle évoque à la fois l’énergie, la vitalité, la douceur et la régénération. Ces solutions ne sont pas des recettes miracles mais des micro-pratiques puissantes qui nous ramènent à nous-mêmes. Écrire ce que l’on ressent sans filtre, noter nos jugements sur les autres et se demander ce qu’ils révèlent de nous, pratiquer l’auto-honnêteté joyeuse, c’est-à-dire s’avouer nos contradictions avec humour plutôt qu’avec honte. Se reconnecter à ses valeurs, aussi : qu’est-ce qui me rend fier ? Qu’est-ce que je veux vraiment offrir aux autres ? Ces gestes simples permettent de nettoyer notre regard, de revenir à notre axe intérieur. Et puis, il y a l’environnement : s’entourer de gens vrais, c’est un levier fabuleux. C’est contagieux, dans le bon sens du terme. Les “solutions vitaminées”, c’est donc une boîte à outils légère, bienveillante et puissante à la fois.
Question 7 : Dans une époque où l’on parle beaucoup de relations toxiques, de manipulation et de “gaslighting”, comment rester vigilant sans tomber dans la projection permanente ?
Sophia : C’est un équilibre subtil. Bien sûr, les relations toxiques existent, les manipulateurs aussi. Et il est fondamental de se protéger et de poser des limites. Mais ce que je propose ici, c’est de ne pas faire de la méfiance une posture par défaut. La vigilance, oui, mais pas la paranoïa. Cela passe par une écoute fine de notre ressenti : est-ce que ce malaise vient vraiment de l’autre, ou de ma propre insécurité ? Est-ce que cette critique est une attaque, ou un miroir d’une blessure ancienne ? Apprendre à se connaître, c’est aussi apprendre à discerner. Et puis, la projection, une fois qu’on la reconnaît, perd de sa force. On peut même en rire. Se dire : "Ah tiens, je suis en train de prêter à l’autre mes propres doutes, mes propres limites." Ce recul ne rend pas naïf. Il rend libre. C’est ça, la vraie vigilance : une lucidité tendre, pas une méfiance corrosive.
Question 8 : Enfin, vous terminez souvent vos chroniques sur une note très humaine : “Et toi, t’as pas juste besoin d’un câlin ?” Pourquoi est-ce si important aujourd’hui de renouer avec la tendresse envers soi-même ?
Sophia : Parce que nous vivons dans un monde où la dureté est valorisée, où l’on nous pousse à être forts, performants, impeccables. Or, cette exigence constante nous coupe de notre humanité profonde. Parfois, ce que nous appelons méfiance, jalousie ou colère n’est qu’un cri du cœur qui dit : “Je suis fatigué, j’ai besoin d’amour, de repos, de douceur.” Se parler comme à un ami, se prendre dans les bras mentalement, se rappeler que l’on fait de son mieux… c’est cela, la vraie force. Et c’est une force contagieuse. Plus on se traite avec tendresse, plus on devient tendre envers les autres. C’est le socle de toute communication authentique. C’est le point de départ de relations apaisées. Et c’est surtout un magnifique acte de paix intérieure. Alors oui, parfois, il ne faut pas une explication… mais un câlin. Symbolique ou réel. Et c’est une révolution en soi.