Dix ans de lutte contre la pauvreté multidimensionnelle au Maroc : entre progrès et inégalités territoriales
En l’espace d’une décennie, entre 2014 et 2024, le Maroc a connu un recul significatif de la pauvreté multidimensionnelle. Ce type de pauvreté, qui ne se limite pas à la seule dimension monétaire mais intègre aussi l’accès à l’éducation, à la santé, à un logement décent et aux services de base, offre une lecture plus fine et plus humaine des inégalités sociales. Pourtant, derrière ce bilan encourageant, des fractures profondes persistent selon les territoires. Décryptage.
D’après la nouvelle cartographie publiée par le Haut-Commissariat au Plan (HCP), la proportion de la population en situation de pauvreté multidimensionnelle est passée de 11,9 % en 2014 à 6,8 % en 2024, soit près de 4 millions de Marocains sortis de cette condition en dix ans. Cette baisse est particulièrement notable en milieu rural : le taux y a chuté de 23,6 % à 13,1 %, même si près de 72 % des personnes pauvres vivent encore à la campagne, contre 79 % en 2014.
Par ailleurs, l’intensité de la pauvreté – c’est-à-dire la sévérité des privations subies – s’est légèrement atténuée, passant de 38,1 % à 36,7 %, tandis que l’indice global de pauvreté multidimensionnelle a quasiment été divisé par deux. Un progrès d’autant plus significatif qu’il s’inscrit dans un contexte de régionalisation avancée et de réformes structurelles.
Derrière cette moyenne nationale se cache toutefois une profonde disparité territoriale. Si des régions comme Marrakech-Safi, Béni Mellal-Khénifra ou Drâa-Tafilalet ont enregistré des baisses spectaculaires – respectivement -7,9, -7,5 et -6,7 points –, d’autres zones, notamment urbaines ou sahariennes, déjà peu touchées, n'ont connu qu'une amélioration marginale.
En 2024, six régions dépassent encore la moyenne nationale de 6,8 %, avec un pic à Béni Mellal-Khénifra (9,8 %). Cinq régions concentrent à elles seules près de 70 % des personnes pauvres : Fès-Meknès, Marrakech-Safi, Casablanca-Settat, Rabat-Salé-Kénitra et Tanger-Tétouan-Al Hoceïma.
La carte provinciale révèle aussi des écarts impressionnants : Figuig (24,1 %) et Taounate (21,1 %) affichent des taux supérieurs à 20 %, quand Casablanca ou Rabat tournent autour de 1 %. Ces déséquilibres montrent que la pauvreté n’est pas uniformément répartie, mais concentrée dans certaines poches rurales, souvent oubliées des dynamiques de développement.
Le ciblage territorial, une arme efficace mais insuffisante
Les données du HCP confirment que les politiques de ciblage territorial, comme l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH), ont eu un impact tangible. Dans les 702 communes rurales ciblées par l’INDH, le taux de pauvreté a baissé de 27,8 % à 15,5 %, contre 19 % à 10,6 % dans les communes non couvertes.
Ce différentiel prouve l’efficacité des interventions localisées mais rappelle aussi la nécessité de renforcer les mécanismes de gouvernance territoriale. Car la vulnérabilité à la pauvreté – c’est-à-dire les ménages proches du seuil critique – reste très élevée dans plusieurs provinces, comme Chefchaouen (21,7 %), Chichaoua (21,1 %) ou encore Zagora (20,3 %).
Au-delà du constat chiffré, la cartographie actualisée de la pauvreté multidimensionnelle pose une question centrale : comment construire une véritable convergence territoriale, sans abandonner les zones les plus fragiles ? Si les politiques publiques ont montré leur efficacité lorsqu’elles sont bien ciblées, il devient urgent de les accompagner d’une réforme profonde de la gouvernance locale, pour assurer un pilotage plus fin, plus transparent et plus réactif des politiques sociales.
La décennie à venir devra donc conjuguer trois leviers : approfondir l’approche multidimensionnelle, pérenniser les efforts en matière de développement humain, et impliquer davantage les collectivités locales. Car c’est au plus près du terrain que se joue la bataille décisive contre la pauvreté invisible, celle qui ne crie pas mais ronge les fondations de la dignité.
D’après la nouvelle cartographie publiée par le Haut-Commissariat au Plan (HCP), la proportion de la population en situation de pauvreté multidimensionnelle est passée de 11,9 % en 2014 à 6,8 % en 2024, soit près de 4 millions de Marocains sortis de cette condition en dix ans. Cette baisse est particulièrement notable en milieu rural : le taux y a chuté de 23,6 % à 13,1 %, même si près de 72 % des personnes pauvres vivent encore à la campagne, contre 79 % en 2014.
Par ailleurs, l’intensité de la pauvreté – c’est-à-dire la sévérité des privations subies – s’est légèrement atténuée, passant de 38,1 % à 36,7 %, tandis que l’indice global de pauvreté multidimensionnelle a quasiment été divisé par deux. Un progrès d’autant plus significatif qu’il s’inscrit dans un contexte de régionalisation avancée et de réformes structurelles.
Derrière cette moyenne nationale se cache toutefois une profonde disparité territoriale. Si des régions comme Marrakech-Safi, Béni Mellal-Khénifra ou Drâa-Tafilalet ont enregistré des baisses spectaculaires – respectivement -7,9, -7,5 et -6,7 points –, d’autres zones, notamment urbaines ou sahariennes, déjà peu touchées, n'ont connu qu'une amélioration marginale.
En 2024, six régions dépassent encore la moyenne nationale de 6,8 %, avec un pic à Béni Mellal-Khénifra (9,8 %). Cinq régions concentrent à elles seules près de 70 % des personnes pauvres : Fès-Meknès, Marrakech-Safi, Casablanca-Settat, Rabat-Salé-Kénitra et Tanger-Tétouan-Al Hoceïma.
La carte provinciale révèle aussi des écarts impressionnants : Figuig (24,1 %) et Taounate (21,1 %) affichent des taux supérieurs à 20 %, quand Casablanca ou Rabat tournent autour de 1 %. Ces déséquilibres montrent que la pauvreté n’est pas uniformément répartie, mais concentrée dans certaines poches rurales, souvent oubliées des dynamiques de développement.
Le ciblage territorial, une arme efficace mais insuffisante
Les données du HCP confirment que les politiques de ciblage territorial, comme l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH), ont eu un impact tangible. Dans les 702 communes rurales ciblées par l’INDH, le taux de pauvreté a baissé de 27,8 % à 15,5 %, contre 19 % à 10,6 % dans les communes non couvertes.
Ce différentiel prouve l’efficacité des interventions localisées mais rappelle aussi la nécessité de renforcer les mécanismes de gouvernance territoriale. Car la vulnérabilité à la pauvreté – c’est-à-dire les ménages proches du seuil critique – reste très élevée dans plusieurs provinces, comme Chefchaouen (21,7 %), Chichaoua (21,1 %) ou encore Zagora (20,3 %).
Au-delà du constat chiffré, la cartographie actualisée de la pauvreté multidimensionnelle pose une question centrale : comment construire une véritable convergence territoriale, sans abandonner les zones les plus fragiles ? Si les politiques publiques ont montré leur efficacité lorsqu’elles sont bien ciblées, il devient urgent de les accompagner d’une réforme profonde de la gouvernance locale, pour assurer un pilotage plus fin, plus transparent et plus réactif des politiques sociales.
La décennie à venir devra donc conjuguer trois leviers : approfondir l’approche multidimensionnelle, pérenniser les efforts en matière de développement humain, et impliquer davantage les collectivités locales. Car c’est au plus près du terrain que se joue la bataille décisive contre la pauvreté invisible, celle qui ne crie pas mais ronge les fondations de la dignité.