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Tirs lobés à Budapest et Londres


Rédigé par le Vendredi 10 Décembre 2021

La diplomatie marocaine est littéralement en effervescence, ces derniers temps. Le Maroc élargit et diversifie le parterre de ses partenariats et horizons. L’influence de l’Europe occidentale sur le royaume n’en fera que décliner.



Balle au pied jusqu'au fond de la lucarne
Balle au pied jusqu'au fond de la lucarne
Le 6 décembre, le ministre des affaires étrangères, Nasser Bourita, était à Budapest pour la première réunion ministérielle du groupe de Višegrad+Maroc,  appelé « V4 Maroc ».

La veille, le chef de la diplomatie marocaine a eu des discussions avec ses homologues hongrois, Péter Szijjártó, polonais, Zbigniew Rau, tchèque, Jakub Kulhánek, et slovaque, Ivan Korčok.

Au centre des entretiens, le renforcement de la coopération entre ce groupe de pays enclavés de l’Europe centrale et le Maroc, chaque partie cherchant auprès de l’autre une ouverture sur sa zone d’influence géopolitique.

Sur ces quatre pays membres de l’Union européenne, deux, à savoir la Hongrie et la Pologne, partagent avec le Maroc un attachement affiché aux valeurs traditionnelles, ce qui leur vaut, d’ailleurs, l’ire des eurocrates ‘éveillés’ de Bruxelles.

Tasse ou verre de thé ?

Le 8 décembre, notre vaillant diplomate en chef s’est envolé pour Londres, ou il a rencontré son homologue britannique, Liz Truss, dans le cadre de la tenue de la 3ème session du dialogue stratégique Maroc-Grande Bretagne.

Le bilan de la rencontre est riche. Une déclaration politique conjointe a été adoptée et la mise en place d’un conseil et d’un comité en charge de piloter l’accord d’association Maroc-Grande Bretagne, conclu en 2019, ont été acté.

Une sous-commission consacrée au commerce, à l’investissement, aux services, à l’agriculture, aux pêches maritimes, aux douanes et aux règles sanitaires et phytosanitaires a, par ailleurs, été crée.

Pour faire bonne mesure, les Britanniques ont souligné le sérieux et la crédibilité des efforts du Maroc en faveur d’une solution politique dans l’affaire du Sahara.

La démarche conjointe maroco-britannique revêt une dimension autrement plus géostratégique que celle engagée avec les pays du Višegrad.

Le rapprochement du royaume des pays anglo-saxons traduit une vision et des ambitions afro-atlantiques partagées.

Voies de contournement

Pour mieux saisir ce que le Maroc gagne à renforcer ses relations avec des pays cernant l’Europe occidentale continentale, la Grande Bretagne à l’Ouest et les pays du Višegrad à l’Est, il semble plus éclairant de commencer par ses derniers.

Les médias situe la création du ‘triangle de Višegrad’, ainsi appelé avant que la Tchécoslovaquie ne soit scindée en Tchéquie et Slovaquie, à février 1991, quand il s’agissait pour ces pays ex-communistes de se préparer à rejoindre l’Union européenne et l’Otan.

Mais il est dommage d’en occulter les racines historiques, qui reflètent mieux les contraintes géopolitiques structurant ce groupe de pays enclavés en Europe centrale.

C’est au 14ème siècle que les royaumes de Bohême, de Hongrie et de Pologne ont fondé cette alliance, qui s’est traduite par la création de routes commerciales afin de contourner un puissant et hostile empire des Habsbourg voisin.

Après l’intégration des pays du Višegrad à l’Union européenne, la pertinence de l’existence de cette structure semblait dépassée.

Mais la crise migratoire qu’a connue l’Europe dans les années 2015-2016 a poussé ces pays à réactiver leur groupe, cette fois-ci mus par la volonté de ne pas céder aux pressions de Bruxelles en matière d’accueil des migrants.


Le développement plutôt que la migration

Pour avoir eu l’opportunité d’entretenir, il y a quelques années, l’ambassadeur de Hongrie à Rabat, Miklos Tromler, et soulevé en cette occasion le sujet des flux migratoires, l’explication avancée ne reflète pas de l’égoïsme mais du bon sens.

Les pays de l’ex-sphère d’influence soviétique nouvellement intégrés à l’UE ne peuvent faire face à ces flux migratoires massifs et anarchiques.

Aider ces gens à rester chez eux serait une solution plus bénéfique pour tous. Par ailleurs, aucun des pays du V4 n’a de passé colonial à se faire pardonner.
  
Dans une Union européenne acquise au ‘wokisme’, faire référence à la défense des valeurs traditionnelles vaut, bien entendu, de se faire taxer ‘d’illibéral’ et mis au pilori. Pour les Marocains conservateurs, un soutien mutuel sur ces thématiques serait pain béni.

Aussi, pour les pays du Višegrad, trouver un pays arabe, africain et musulman partenaire comme le Maroc, qui partage leur vision de prospérité partagée grâce aux échanges et aux investissements et de sauvegarde des valeurs traditionnelles, est une aubaine que le royaume se doit d’exploiter au mieux de ses intérêts.

L'espace afro-atlantique

Le triangle de Višegrad, c’est un marché de 63,7 millions d’habitants et un Pib cumulé de 1097 milliards de dollars (chiffres 2020). A titre de comparaison, le Pib du Maroc est de 112,9 milliards de dollars.

Le royaume offre, pour sa part, une ouverture sur le large et potentiellement porteur marché africain.

Les Britanniques, pour leur part, cédant à nouveau à l’appel de la mer après avoir largué les amarres avec l’Europe continentale, regardent de plus en plus vers la rive Est de l’Atlantique Sud et voient bien que le meilleur port d’attache sur cette façade de l’Afrique, c’est le Maroc.

Ce rapprochement maroco-britannique est à inscrire dans le contexte plus large de l’actuel repositionnement  géostratégique des Etats-Unis, avec un resserrement des alliances au sein de l’Otan au seul noyau dur anglo-saxon.

Cap au large

Entre des pays de l’Europe occidentale continentale qui trouvent leurs comptes dans la perpétuation de l’affaire du Sahara, comme levier de pression contre le Maroc, et des pays de la sphère anglo-saxonne et d’Europe centrale, plus pragmatiques et portés sur des partenariats gagnant-gagnant, ce n’est pas vraiment une question de choix à opérer, mais la nécessité d’une diversification des partenariats pour la préservation et la promotion des intérêts du royaume.

Deux tirs lobés de Nasser Bourita à partir de Budapest et de Londres et ce sont Berlin, Madrid et Paris qui ont vu la balle se loger au fond de la lucarne. A Washington et Tel-Aviv, ils doivent en ricaner.





Ahmed Naji
Journaliste par passion, donner du relief à l'information est mon chemin de croix. En savoir plus sur cet auteur
Vendredi 10 Décembre 2021

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