Par Zakaria Berrada Senior Manager Stratégie & Compétitivité Argon & Co, Paris
Dans un monde où les entreprises marocaines cherchent à se démarquer, une nouvelle idée fiscale fait son chemin : déplacer une partie des charges sociales vers la TVA. L'objectif ? Réduire le coût du travail pour les entreprises tout en maintenant les finances de l'État en ordre. Mais comment cela fonctionne-t-il réellement, et est-ce que c'est une bonne option pour l'économie marocaine ?
Comment ça marche ?
L'idée est simple : remplacer partiellement les charges sociales par une hausse de la TVA. Voici comment cela pourrait se passer :
1. Moins de charges sociales : Les entreprises paieraient moins de cotisations, ce qui diminuerait le coût du travail.
2. Hausse ciblée de la TVA : Pour compenser la perte de recettes, l'État augmenterait la TVA sur certains produits non essentiels, comme le luxe ou les loisirs.
3. Redistribution des gains : Cela devrait améliorer la compétitivité de certains secteurs, booster l'emploi et l'investissement, tout en garantissant des recettes stables pour l'État.
Cependant, plusieurs questions se posent : Quels produits taxer pour ne pas freiner la consommation ? Et comment s'assurer que les économies réalisées par les entreprises soient réinvesties dans l'emploi ou l'innovation ?
Le contexte marocain : une réforme adaptée ?
Avec un secteur informel représentant 30 % du PIB et 80 % des emplois non déclarés, le Maroc présente à la fois des opportunités et des défis pour cette réforme :
• Encourager la formalisation : Réduire les charges sociales pourrait inciter les entreprises informelles à se formaliser.
• Favoriser les exportations : Les secteurs du textile, de l'agroalimentaire et de l'aéronautique pourraient devenir plus compétitifs à l'international grâce à des coûts de production réduits.
• Quels types de charges réduire ? : Réduire les cotisations patronales semble prioritaire, mais inclure les cotisations salariales pourrait aussi stimuler la consommation
Impacts attendus
Cette réforme pourrait apporter plusieurs avantages :
1. Moins de coûts de production : Réduire les charges sociales permettrait aux entreprises de mieux maîtriser leurs coûts et d'augmenter leurs marges
2. Boost des exportations : Les produits marocains pourraient devenir plus compétitifs face aux concurrents asiatiques, turcs ou égyptiens
3. Stimulation de l'emploi et de l'investissement : Un coût du travail réduit pourrait inciter les entreprises à embaucher et à investir.
Leçons internationales
D'autres pays ont expérimenté des approches similaires :
• France (CICE, 2013) : Amélioration légère des marges, mais impact limité sur l'emploi et coûts élevés pour l'État
• Suède : Résultats positifs sur la compétitivité, mais principalement dans les secteurs déjà bien structurés
• Tunisie : Réformes freinées par l'importance du secteur informel
Ces exemples montrent que l'impact dépend de la conception de la mesure et de la maturité économiques des secteurs concernés.
Points d’attention
1. Risque d'inflation : Augmenter la TVA pourrait faire grimper les prix, impactant particulièrement les ménages modestes.
2. Effet régressif : La TVA touche davantage les foyers à faibles revenus, nécessitant des compensations ciblées.
3. Secteur informel : Si la réforme ne motive pas ce secteur à se formaliser, l'impact restera limité.
Facteurs de succès
Pour que le transfert de charge soit efficace, il va falloir espérer un alignement des planètes :
1. Ciblage précis des produits soumis à une hausse de TVA : par exemple, le luxe, l'électronique haut de gamme, les services non essentiels
2. Suivi rigoureux : Un comité d'experts pour évaluer régulièrement l'impact de la réforme
3. Gradualité : Étaler la réforme sur plusieurs années pour permettre l'adaptation des entreprises et des ménages
Transférer les charges sociales sur la TVA pourrait aider le Maroc à améliorer sa compétitivité économique tout en traitant les défis du secteur informel. Cependant, ce n'est pas une solution miracle. Elle nécessite une stratégie claire et un dialogue social étroit pour réussir et minimiser les effets négatifs. Comme le souligne un rapport de la Banque Mondiale, "les réformes fiscales réussies équilibrent équité sociale et efficacité économique". Le Maroc a une chance de réformer son système fiscal, mais le chemin est semé de défis
Zakaria Berrada
Senior Manager Stratégie & Compétitivité
Argon & Co, Paris












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