À première vue, le marché de gros des céréales et légumineuses de Fès ne désemplit pas. Les sacs s’empilent, les discussions vont bon train. Pourtant, derrière cette apparente animation, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Par rapport à la même période de l’an dernier, la majorité des légumineuses affichent une hausse de deux à trois dirhams le kilogramme. Une augmentation qualifiée de « modérée » par les professionnels, mais qui suffit à freiner les achats, y compris en pleine saison froide.
Mohamed Sebaï, grossiste bien connu du marché, observe ce glissement avec inquiétude. « Même avec le froid et les pluies, les clients hésitent. Les prix sont devenus dissuasifs », confie-t-il, en ajustant une balance. À cette réalité s’ajoute un facteur saisonnier souvent oublié : la récolte des olives, qui mobilise une partie du budget et détourne la demande vers d’autres priorités alimentaires.
Dans les détails, la tension est palpable. Les haricots secs se négocient entre 15 et 18 dirhams le kilo, les lentilles entre 12 et 15 dirhams, tandis que le pois chiche peut grimper jusqu’à 20 dirhams selon la qualité. Pour de nombreux ménages à revenu modeste, ces niveaux dépassent le seuil du supportable. La légumineuse, pourtant pilier d’une alimentation équilibrée et abordable, devient un produit à arbitrer.
La structure du marché accentue cette pression. Plus de 80 % des légumineuses consommées sont importées, exposant les prix aux coûts du transport, aux taxes et aux aléas logistiques. À cela s’ajoute la multiplication des intermédiaires, qui allonge la chaîne de commercialisation et creuse l’écart entre le prix payé par le consommateur et celui perçu par le producteur.
Cette contraction de l’offre locale, combinée à une forte dépendance aux importations, crée un cercle difficile à rompre. Le consommateur paie plus, l’agriculteur gagne moins, et le marché perd en fluidité.
Dans un contexte marqué par la pression sur le pouvoir d’achat et la nécessité de renforcer la souveraineté alimentaire, la question des légumineuses dépasse le simple fait divers de marché. Réguler les circuits de distribution, mieux encadrer les intermédiaires et soutenir concrètement la production locale ne relèvent plus du discours, mais d’une urgence sociale et économique. À défaut, l’hiver continuera d’être long, autant dans les assiettes que dans les campagnes.












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