Par un parent qui préfère garder l'anonymat pour ne blesser personne
Ils sont plus égoïstes.
Ils vivent en circuit fermé, chacun dans sa bulle digitale, ses notifications, ses selfies, son compte Insta. Le "je" a remplacé le "nous". La famille n’est plus un pilier, mais une option. Ils réclament notre argent, nos sacrifices, notre présence… mais pas nos conseils. Ils veulent bien qu’on les aide, mais surtout qu’on ne les dérange pas.
Ils sont plus arrivistes.
À 20 ans, ils veulent déjà "réussir". Mais réussir quoi, exactement ? Ils ne savent pas. Ils veulent juste "le lifestyle", le buzz, le confort. Monter une boîte sans jamais avoir travaillé, devenir influenceur sans avoir lu un livre, voyager à Bali sans avoir payé leur ticket de tram. Le rêve est devenu une stratégie marketing. L’ambition n’est plus une patience, c’est un caprice. On ne construit plus. On consomme.
Ils sont court-termistes.
Tout doit être immédiat. L’amour, le travail, le bonheur. Ils ne supportent plus la frustration, la lenteur, les étapes. Si ça ne marche pas aujourd’hui, on jette. Une relation ? Next. Un job ? Burn-out au bout de trois mois. Un projet ? Abandonné au premier obstacle. Ils ont la mentalité du zapping. Et nous, parents, avons la lourde impression de parler dans le vide.
Mais le pire dans tout ça, c’est ce sentiment d’avoir transmis le contraire de ce qu’ils incarnent.
Nous avons été prudents, patients, sobres. Nous avons épargné, travaillé, attendu. Nous avons vécu des années avec l’espoir qu’eux vivraient mieux que nous. Mais à force de leur donner tout ce que nous n’avons pas eu, avons-nous trop cédé ? Trop protégé ? Trop excusé ?
Nous leur avons ouvert le monde. Ils nous ont claqué la porte au nez.
Nous leur avons appris le mérite. Ils réclament l’exception.
Nous avons grandi avec la peur de manquer. Ils vivent avec l’obsession de paraître.
Et dans cette relation fracturée, il y a aussi notre part de responsabilité. On les a élevés dans une société en mutation, sans repères fixes, sans boussole collective. On leur a transmis des injonctions contradictoires : sois libre, mais conforme-toi ; réussis vite, mais reste humble ; exprime-toi, mais respecte l’ordre. Un casse-tête moral. Et eux, à leur manière chaotique, n’ont peut-être fait que s’adapter.
Alors oui, je suis désabusé. Mais pas amer.
Car au fond, je continue à espérer. Espérer qu’un jour, cette génération réalise que le confort n’est pas un droit mais une conquête. Que la réussite n’est pas une photo partagée mais une histoire construite. Que la liberté ne vaut rien sans la responsabilité.
Et peut-être qu’un jour, elle reviendra vers nous. Pas pour demander, mais pour comprendre.
Pas pour réclamer, mais pour partager.
Et ce jour-là, nous serons encore là. Parce que malgré tout, nous sommes des parents. Et l’amour parental, aussi désabusé soit-il, reste le seul amour qui persiste après toutes les déceptions.