C’est peut-être le fantasme le plus étrange de notre époque : rêver d’un robot à domicile, mais pas n’importe lequel. Pas un gadget maladroit qui confond le chat avec un paillasson. Non. Un robot sérieux. Formé. Certifié. Avec, idéalement, un diplôme encadré au mur. Et pendant que l’Occident débat encore de l’éthique et des risques, la Chine avance à pas de géant… en envoyant ses robots à l’école.
 

Oui, à l’école. Pas une métaphore. Une vraie école professionnelle pour robots humanoïdes, conçue pour les préparer à la « vie active ». Le vocabulaire est humain, presque trop. Apprendre, s’entraîner, se tromper, recommencer. Les machines chinoises ne se contentent plus d’être fortes ou endurantes : elles se forment. Elles répètent des gestes, simulent des environnements, accumulent des heures de pratique comme des apprentis disciplinés. Entrepôts aujourd’hui, maisons demain.
 

L’image est troublante. Là où l’on imaginait des lignes de code froides, on découvre des parcours pédagogiques. Le robot ne naît plus compétent : il devient opérationnel. Il apprend à porter des charges sans casser, à manipuler des objets fragiles, à interagir sans effrayer. Bref, il acquiert ce que l’on appelait autrefois un « savoir-faire ». Et bientôt, peut-être, un savoir-vivre.
 

Dans cette Chine qui expérimente à grande échelle, le robot n’est pas un produit fini, mais un élève. Il s’entraîne dans des ateliers, répète des tâches domestiques, s’améliore par l’erreur. Une vaisselle ratée ici, une porte mal refermée là. Exactement comme nous. La différence ? Il ne se fatigue pas. Il ne se plaint pas. Et il n’oublie jamais la leçon.
 

D’où cette question, mi-ironique, mi-sérieuse : demain, demanderons-nous le CV de notre robot domestique ? « Formation : école technique de Shenzhen. Spécialité : logistique légère et assistance à la personne. Expérience : trois mille heures de pratique en environnement réel. » Le tout validé par un badge numérique et une mise à jour logicielle.
 

Ce qui amuse, c’est que cette exigence de diplôme dit beaucoup plus sur nous que sur les machines. Nous ne voulons pas seulement des robots performants. Nous voulons des robots fiables, prévisibles, presque rassurants. Un robot diplômé, c’est un robot qui a été testé, normalisé, évalué. Un robot qui inspire confiance. Comme un plombier certifié ou un médecin diplômé, mais en métal et en silicium.

Pendant ce temps, l’Europe régule, les États-Unis innovent par fragments, et la Chine industrialise l’apprentissage des machines. Elle fabrique des générations de robots comme on forme des promotions d’ouvriers spécialisés. À la chaîne, mais intelligemment. Le pari est clair : celui qui maîtrisera la formation des robots dominera leur déploiement massif.
 

Reste une pointe d’absurde délicieux. Nous entrons dans un monde où les robots devront prouver leurs compétences avant d’entrer chez nous, pendant que nombre d’humains peinent à faire reconnaître les leurs. Où une machine pourra afficher ses certifications pendant que son propriétaire improvise encore sa carrière. L’ironie est cruelle, mais révélatrice.
 

Alors oui, rêvons d’un robot à la maison. Mais soyons exigeants. Qu’il sache faire le ménage, porter les courses, respecter les objets… et les humains. Qu’il ait appris quelque part, dans une école lointaine, ce que signifie bien faire son travail. Finalement, ce n’est pas tant un robot intelligent que nous voulons. C’est un robot responsable. Et, visiblement, en Chine, on a déjà commencé à lui apprendre comment le devenir.