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L'Histoire se répéte : De l’Archipel des Chagos à Gaza




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Adnane Benchakroun

Il est facile de réduire certaines décisions politiques américaines à l'impulsivité ou à la folie d'un dirigeant. Pourtant, l’histoire nous enseigne que ces choix sont souvent ancrés dans une logique bien plus profonde et systémique. L’idée d’un déplacement forcé des habitants de Gaza, bien que choquante, ne serait pas un précédent. Un exemple frappant nous vient du passé : l’archipel des Chagos.

Dans les années 1960, les États-Unis identifièrent l’archipel des Chagos, situé dans l’océan Indien, comme un point stratégique idéal pour établir une base militaire. À l’époque, ces îles faisaient partie du territoire britannique de l’île Maurice. Cependant, un obstacle majeur existait : ces terres étaient habitées par des milliers de personnes.

Pour contourner le problème, un accord fut passé en secret entre Londres, Washington et les dirigeants mauriciens. Le Royaume-Uni accepta d’accorder l’indépendance à Maurice en échange de la cession de l’archipel aux États-Unis. En retour, les Britanniques reçurent un soutien militaire américain crucial sous la forme de technologies avancées, notamment des sous-marins nucléaires Polaris. Officiellement, Maurice protesta, mais en coulisses, des millions de dollars furent versés en compensation.

Restait à régler le problème des habitants. Leur expulsion ne pouvait être justifiée légalement, alors une stratégie brutale fut mise en place. Les autorités américaines et britanniques imposèrent un blocus économique aux îles : suppression des approvisionnements en eau, en nourriture et en électricité. La population fut harcelée quotidiennement par des raids militaires et des violences psychologiques destinées à briser toute velléité de résistance.

Mais l’horreur ne s’arrêta pas là. Les habitants, pour la plupart agriculteurs et pêcheurs, dépendaient de leurs animaux pour leur subsistance. Les militaires firent alors brûler leurs chiens sous leurs yeux afin de les terroriser. Ceux qui s’opposèrent furent torturés, jetés à la mer ou exécutés. Après des mois de terreur, les derniers habitants n’eurent d’autre choix que de monter de force à bord de navires de guerre britanniques et américains.

Toutefois, leur calvaire ne s’acheva pas avec l’exil. Déportés vers des destinations incertaines, certains périrent en mer, tandis que d’autres, abandonnés à leur sort en Grande-Bretagne et ailleurs, sombrèrent dans la misère et le désespoir. Beaucoup finirent par mettre fin à leurs jours, incapables de supporter la perte de leur foyer et de leur dignité.

Après avoir vidé l’archipel de ses habitants, les États-Unis y construisirent la base militaire de Diego Garcia, devenue une pièce maîtresse de leurs interventions militaires dans le monde. Cette histoire, bien que méconnue, est révélatrice d’un mode opératoire : l’exploitation de la force et de la diplomatie secrète pour atteindre des objectifs stratégiques, au mépris des droits des populations locales.

Le parallèle avec Gaza est troublant. L’idée d’un déplacement forcé de ses habitants, au profit d’une transformation du territoire en un espace militarisé ou touristique, n’est pas une vision isolée. Comme dans le cas de Chagos, une politique de siège, de destruction et d’intimidation vise à rendre la vie insoutenable, jusqu’à ce que l’exode devienne la seule option.

Face à de telles stratégies, l’histoire démontre une chose : la communauté internationale, malgré ses condamnations, n’a jamais réussi à imposer un retour en arrière. Les habitants de Chagos n’ont jamais pu récupérer leurs terres, et le droit international, sans véritable pouvoir contraignant, s’est révélé inefficace face aux impératifs militaires des grandes puissances.

Si l’histoire des Chagos enseigne quelque chose, c’est que seuls les rapports de force définissent le sort des peuples dans le jeu géopolitique mondial. Les indignations et déclarations officielles pèsent peu face aux décisions froidement planifiées par ceux qui détiennent le pouvoir militaire et stratégique. Ainsi, la question n’est pas tant de savoir si le projet d’un déplacement forcé de populations peut se réaliser, mais plutôt qui possède les moyens de s’y opposer efficacement.



Mardi 11 Mars 2025


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