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Rédigé par : Zakaria Berala
Une violence multiforme qui s’installe dans les établissements
La montée en puissance des comportements violents dans l’enceinte scolaire représente sans doute le symptôme le plus visible de cette déliquescence des valeurs. Des agressions verbales aux affrontements physiques, ces manifestations traduisent l’effondrement progressif du respect mutuel comme fondement des relations interpersonnelles. Plus inquiétant encore, cette violence ne s’exerce plus uniquement entre élèves, mais cible désormais régulièrement le personnel éducatif lui-même.
Les rapports du Conseil Supérieur de l’Éducation confirment cette tendance préoccupante dans de nombreux établissements, particulièrement dans les zones urbaines défavorisées. Comment expliquer qu’un lieu dédié à l’apprentissage et à l’épanouissement puisse devenir, pour certains, un territoire d’affrontement et d’intimidation ?
Harcèlement scolaire : un phénomène en expansion
Malgré les récentes initiatives ministérielles, le harcèlement scolaire continue de se propager dans le système éducatif marocain. Cette forme particulièrement pernicieuse de violence, désormais amplifiée par la démocratisation des smartphones et l’accès aux réseaux sociaux, révèle l’incapacité de l’institution à instaurer efficacement les valeurs de bienveillance et de solidarité qu’elle prétend défendre.
Ce phénomène, encore insuffisamment documenté au Maroc faute d’études systématiques, se manifeste néanmoins clairement dans le quotidien des établissements. Les témoignages d’enseignants et de familles convergent pour décrire un mal profond que les mesures actuelles ne parviennent pas à endiguer.
La tricherie académique : normalisation d’un comportement déviant
Dans ce contexte de dégradation généralisée, la banalisation des pratiques frauduleuses lors des examens constitue un autre indicateur préoccupant. Le phénomène ne se limite plus à quelques cas isolés mais s’apparente désormais à une véritable stratégie d’adaptation au système, adoptée sans remords par un nombre croissant d’élèves.
Plus révélateur encore de cette crise morale, la tricherie n’est plus perçue comme moralement condamnable par une part significative de la communauté éducative élargie. Cette tolérance tacite envers la fraude scolaire sape les fondements mêmes du système méritocratique que le Maroc tente de construire et compromet l’intégrité des diplômes nationaux.
Le défi numérique face aux valeurs traditionnelles
L’omniprésence des écrans et la dépendance croissante aux outils numériques jouent un rôle incontestable dans cette érosion des valeurs traditionnelles de l’école marocaine. La jeunesse marocaine, comme partout ailleurs, se trouve exposée à des contenus et modèles comportementaux souvent en contradiction avec les valeurs socioculturelles prônées par le système éducatif national.
Cette tension entre tradition et modernité numérique place l’école marocaine dans une position particulièrement délicate. Comment promouvoir les valeurs d’effort, de persévérance et de respect des traditions dans un environnement médiatique qui valorise souvent l’immédiateté, la facilité et parfois la transgression ?
Face à cette situation préoccupante, le Ministère de l’Éducation Nationale a lancé plusieurs initiatives, notamment le projet des « écoles pionnières » visant à réaffirmer les valeurs fondamentales dans l’espace scolaire. Cependant, ces efforts, bien qu’indispensables, se heurtent souvent à des obstacles structurels et à un décalage persistant entre les ambitions affichées et les moyens mobilisés.
Le récent remaniement administratif ayant conduit à l’éviction de plusieurs directeurs régionaux témoigne d’une volonté de changement, mais soulève également des questions sur la cohérence globale de la politique éducative en matière de valeurs.
Un enjeu national pour l’avenir du Maroc
La crise des valeurs que traverse actuellement le système scolaire marocain constitue, au-delà des difficultés immédiates qu’elle engendre, un véritable enjeu national. Dans un pays qui place l’éducation au cœur de sa stratégie de développement, comme en témoigne le Nouveau Modèle de Développement, la question des valeurs ne peut être reléguée au second plan.
L’école marocaine, inscrite dans une tradition riche et ancienne de transmission des savoirs et des valeurs, doit aujourd’hui relever le défi de cette refondation axiologique pour continuer à jouer pleinement son rôle d’ascenseur social et de ciment national. C’est à ce prix seulement que le système éducatif pourra réellement contribuer à l’émergence du Maroc moderne, fidèle à ses racines et ouvert sur le monde, auquel aspire l’ensemble de la nation.
Rédigé par Zakaria Berala