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La rencontre Poutine-Jinping : un nouveau Yalta ?


Rédigé par le Vendredi 24 Mars 2023

La récente visite menée par le président chinois en Russie a suscité de furieuses réactions en Occident. La multipolarité promue par Moscou et Pékin signifie la fin de l’hégémonie américaine.



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Le président russe Vladimir Poutine recevant son homologue chinois Xi Jinping
Le président russe Vladimir Poutine recevant son homologue chinois Xi Jinping
La date de la visite du président chinois, Xi Jinping, du 20 au 22 mars en Russie, n’a pas été le fruit du hasard. Elle coïncide avec le 20ème anniversaire de l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis.

Nul besoin de rappeler que cette guerre a été déclenché sous le faux prétexte des armes de destruction massive dont, en réalité, n’a jamais disposé le président irakien déchu, Saddam Hussein.

Le message ainsi adressé par Moscou et Pékin à Washington et ses alliés est on ne peut plus clair : les Etats-Unis sont très mal placés pour donner des leçons de droit international à qui que ce soit.

L’autre message envoyé par les deux puissances eurasiatiques au pays occidentaux, à travers la date choisie de la visite du dirigeant chinois en Russie, est non moins explicite.

Le jour même de l’arrivée de Xi Jinping à Moscou se tenait la 2ème conférence parlementaire Russie-Afrique, à laquelle ont pris part une quarantaine de pays du continent noir.

Dé-dollarisation

Pour les opinions publiques des pays occidentaux, auxquelles leurs dirigeants et médias n’ont cessé de répéter que la Russie est isolée sur la scène internationale, suite à son invasion de l’Ukraine, la tenue d’une telle conférence est la preuve déplaisante du contraire.

Lors de cette conférence, il a été, par ailleurs, question de l’émergence en cours d’un nouveau monde multipolaire et de dé-dollarisation.

Le président Poutine a, lors de ses entretiens du 21 mars avec le président Jinping, déclaré : « Nous sommes pour l'utilisation du yuan chinois dans les règlements entre la Russie et les pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine. Je suis sûr que ces formes de règlements en yuan seront développées entre les partenaires russes et leurs homologues des pays tiers ».

Les deux tiers des échanges commerciaux entre la Russie et la Chine, qui devraient dépasser les 200 milliards de dollars, cette année (un record), se font déjà en yuans et en roubles.

L’objectif clairement affiché par les deux alliés est de se passer définitivement, à terme, du dollar américain.

Ça gaze pour le yuan

Ce que Poutine signifiait, c’est que d’autres pays du Sud, à l’instar de l’Arabie saoudite devraient s’inscrire dans la même tendance, remettant ainsi en question le statut du dollar américain.

L’on sait déjà que l’Arabie saoudite et la Chine étudient actuellement la possibilité de libeller les contrats de vente de pétrole en yuan.

Pour en rester dans le domaine des hydrocarbures, la Russie est, actuellement, le premier fournisseur de gaz naturel à la Chine, à travers le gazoduc « Power of Siberia », d’une capacité de 61 milliards de m3/an ; devançant le Qatar et le Turkménistan.

Une fois installé le nouveau gazoduc Sibérie II, qui devrait traverser la Mongolie, les négociations étant en cours à ce sujet, la Russie pourra céder 50 milliards de m3/an de gaz naturel de plus à la Chine.

Ce volume correspond approximativement à celui qui était destiné à l’Europe à travers le gazoduc Nord Stream (55 milliards de m3/an), maintenant détruit.

Tellurocraties vs thalassocraties

En résumé, les relations entre la Russie et la Chine, déjà très bonnes, vont encore s’améliorer, une douzaine d’accords de coopération dans divers domaines ayant été signés lors de cette rencontre entre les dirigeants russe et chinois.

L’alliance entre les tellurocraties eurasiatiques (Allemagne, Russie, Chine) a toujours constitué un cauchemar pour les géopoliticiens des thalassocraties anglo-saxonnes, depuis le père fondateur de cette discipline, Halford Mackinder (1861-1947).

L’industrie allemande a longtemps assis sa compétitivité sur son accès bon marché au gaz naturel et aux matières premières russes, un avantage définitivement perdu du fait des sanctions adoptées contre Moscou, après l’invasion de l’Ukraine, et du sabotage du gazoduc Nord Stream.

Sur ce plan, la stratégie de Washington a parfaitement réussi. Non seulement l’Allemagne et la Russie ne peuvent plus continuer leur coopération mutuelle, mais la première économie d’Europe occidentale perd sa compétitivité et le vieux continent est réduit en marché captif du gaz de schiste américain.

Le succès n’a, toutefois, pas été au rendez-vous pour les stratèges américains en ce qui concerne les relations sino-russe, qu’ils n’ont pas réussi à brouiller.

Valeurs partagées

En soutenant, à la fois, l’Ukraine, dans son conflit contre la Russie, et Taïwan, dans sa volonté d’indépendance vis-à-vis de la Chine, que cette dernière considère comme sa 23ème province, Washington a poussé Moscou et Pékin dans les bras l’une de l’autre.

Les effets de ce « Grand Jeu » géopolitique sur les pays du Sud ont été bien perçus par l’anthropologue français, Emmanuel Todd.

Non seulement les pays du Sud sont lassés de se faire donner des leçons de démocratie et de droits humains par un Occident hypocrite, mais ils se sentent, par ailleurs, plus proches, en matière de valeurs sociales, d’une Russie orthodoxe que d’un Occident intoxiqué de culture « woke ».

Vladimir Poutine et Xi Jinping ont parfaitement saisi le sens de ce bouleversement en profondeur de la perception que se font les pays du Sud des relations internationales.

« L’ordre international fondé sur des règles », lesdites règles étant définies et évoluant au gré des intérêts des pays occidentaux, sont, désormais, ouvertement rejetées par le reste de la planète.

Nouveau Yalta

Moscou et Pékin se présentent, dès lors, comme les promoteurs d’un nouvel ordre multipolaire, une perspective qu’ils savent séduisante pour les pays du Sud.

Poutine a, donc, inscrit la coopération entre son pays et la Chine dans cet ordre d’idée. « C’est un exemple de la manière dont les puissances mondiales, qui sont membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies et ont une responsabilité particulière dans le maintien de la stabilité et de la sécurité sur la planète, devraient interagir ».

Une interaction à laquelle ne participent pas les autres membres, occidentaux, du Conseil de sécurité des Nations Unies : les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France.

En février 1945 a été tenue la conférence de Yalta, lors de laquelle Franklin Roosevelt (Etats-Unis), Joseph Staline (Union soviétique) et Winston Churchill (Grande-Bretagne), avaient dessiné ensemble l’architecture géopolitique du monde post-seconde guerre mondiale.

78 ans plus tard, ce sont les présidents Vladimir Poutine (Russie) et  Xi Jinping (Chine) qui annoncent la fin de l’hégémonie américaine post-guerre froide et l’émergence d’un nouvel ordre internationale à architecture multipolaire, estime le journaliste brésilien Pepe Escobar, dans un article publié le 22 mars sur le magazine « The cradle ».

Les pays du Sud observent et comptent les points.





Ahmed Naji
Journaliste par passion, donner du relief à l'information est mon chemin de croix. En savoir plus sur cet auteur
Vendredi 24 Mars 2023

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