Le Maroc amorce un virage stratégique dans le secteur énergétique en visant une transition du statut d'importateur de gaz à celui de producteur. Avec un projet estimé à 160 millions de dollars, le pays espère atteindre une production d'un million de mètres cubes de gaz naturel liquéfié (GNL) par jour grâce à son premier complexe de traitement situé sur le champ gazier de Tendrara. 

La mise en place de cette unité de GNL est pilotée par la société britannique Sound Energy, en partenariat avec l'Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM) et le groupe minier marocain Managem, qui en détient la majorité (55 %). Le projet se déroulera en deux phases : d'abord la construction des infrastructures de liquéfaction et de stockage, suivie de la mise en place d'un gazoduc de 120 km pour relier la production au réseau du Gazoduc Maghreb-Europe. Avec des réserves estimées à 10,67 milliards de mètres cubes, le champ de Tendrara a le potentiel d'apporter une nouvelle dynamique à l'approvisionnement énergétique du pays.

Un impact à relativiser face à la demande nationale

Actuellement, le Maroc importe près d'un milliard de mètres cubes de gaz par an, principalement via un gazoduc en provenance d'Espagne. En comparaison, la production locale ne dépasse pas les 100 millions de mètres cubes par an. L'objectif affiché de tripler cette production pour atteindre 400 millions de mètres cubes annuels demeure modeste face aux projections de consommation à l'horizon 2040, estimées à plus de 3 milliards de mètres cubes par an. La question se pose donc : cette initiative constitue-t-elle un premier pas vers une autonomie énergétique, ou un simple ajustement destiné à réduire dépendance et déficit commercial sans pour autant transformer le mix énergétique marocain ?

Ce projet s'inscrit dans une stratégie élargie qui vise à développer des sources énergétiques locales tout en attirant des investissements étrangers. Le GNL extrait de Tendrara sera vendu à Africa Gas, filiale du groupe marocain Akwa, un acteur majeur du marché de la distribution de carburants. 

D'autres annonces récentes, comme les réserves potentielles de pétrole dans le bassin d'Agadir ou les recherches sur l'hydrogène blanc, laissent entrevoir un positionnement plus large du Maroc sur l'échiquier énergétique. Mais ces initiatives, encore à l'étude, ne garantissent pas une transformation immédiate du paysage énergétique national.

D'un côté, l'investissement dans le GNL et l'exploration pétrolière pourraient réduire la facture énergétique et offrir de nouvelles opportunités économiques. 

Le Maroc se donne les moyens d'être un acteur plus influent dans le domaine gazier, mais son ambition de devenir un producteur significatif reste à relativiser. L'avenir dira si ce premier pas est le début d'une indépendance énergétique réelle ou une simple réduction temporaire de la dépendance aux importations.