L'ODJ Média




Naima Samih une diva marocaine…




A lire ou à écouter en podcast :


Par Rachid Boufous

Pour celles et ceux qui ont vécu dans un Maroc sans TGV, sans autoroutes, sans smartphones et sans internet, ils et elles n’ont certainement pas raté les prestations musicales de Naïma Samih, une très grande star de la chanson marocaine contemporaine. Pour ma part, j’ai vu débarquer sur nos écrans à moitié en couleur dans les années 70, cette chanteuse unique. La voix de Naïma était inimitable, reconnaissable parmi toutes, puissante, sensuelle, émotive à l’extrême. C’était la voix des femmes marocaines, s’émancipant de siècles de réclusion dans les maisons et riads, chantonnant derrière des paravents ajourés des harems sultaniens ou entre femmes dans les mariages où les hommes n’étaient pas admis, sauf les aveugles parmi eux. On ne violait pas la beauté des femmes marocaines, même par un regard lubrique…

Naima était apparue sur la scène artistique à un moment où on donnait du sens au patrimoine musical marocain post indépendance avec l’émergence d’un nombre incalculable d’artistes, à leur tête, le duo himalayesque de la chanson marocaine moderne, représenté par Abdelouhab Doukkali et Abdelhadi Belkhayat. 

En quelques années à peine, on vit apparaître des artistes uniques : Abdelfattah Lamghari, Aziza Jalal, Naima Samih, Mahmoud El Idrissi, le trio Amanna, Samira Saïd, les frères Migri, Hayat Idrissi, Latifa Raafat, Mohamed Ben Abdessalam ou des groupes comme Nass El Ghiwane, Jil Jilala, Lemchaheb…

Des chanteurs et des chanteuses qui utilisaient la langue véhiculaire marocaine, la Darija, pour exprimer les amours, les espoirs, les déceptions d’un très vieux pays mais d’une jeune nation en quête d’identité, celle-ci ayant été malmenée par 42 ans de protectorat…

C’était aussi l’époque où tous les marocains inscrivaient leurs enfants à l’école publique, où une nouvelle citoyenneté se créait auprès de professeurs conscients de leur mission civilisatrice. 

Cette chanson populaire marocaine sera le socle d’une scène artistique unique, portée par des écrivains et des poètes de renom, qui donnaient du sens aux mots. 

Tout cela avait un promoteur érudit, aimant profondément les arts populaires marocains, fin connaisseurs des rythmes et des musiques du pays : Feu Sa Majesté Hassan II. 

Il fera la promotion de ces artistes marocains, leur ouvrira les plateaux de l’unique chaîne de télévision du Maroc, les fera produire à l’étranger aussi bien qu’au cours des fêtes organisées au Palais Royal. Naima Samih fera partie de ces fêtes, respectées parmi toutes les artistes par le Souverain, qui encourageait à travers ces femmes chanteuses et artistes, l’émancipation de toutes les marocaines... 

À chaque fête de la jeunesse, les artistes sortaient de nouvelles chansons, toutes aussi belles les unes que les autres enrichissant ainsi le nouveau répertoire de la chanson marocaine. La radio nationale fut un puissant relais de cette scène artistique marocaine, surtout dans le monde rural et dans les bidonvilles où la télévision n’était pas encore courante, au même titre que l’eau courante et l’électricité…

Ces chanteurs seront mobilisés pour produire une « Malhama » ou chanson épique relatant la la longue marche des marocains pour récupérer les terres du Sahara. Ce fut « Sawt Al Hassan Ynadi » ou « l’appel du Roi », relatant le célèbre discours de Sa Majesté mobilisant 350.000 marocain et 35.000 marocaines pour se diriger vers Tarfaya et pénétrer au Sahara marocain occupé par les espagnols. Aujourd’hui, 50 ans après, aucun mariage ou fête se célébrant au Maroc ne peut faire l’impasse sur cette très grande chanson populaire, que les jeunes génération reprennent en chœur…

Plus tard à la fin des années 80, la chanson marocaine sera utilisée par certains membres du Makhzen, comme Basri, pour en faire un outil politique d’endormissement des masses populaires et surtout pour faire croire que malgré la crise politique et économique, tout allait bien au pays. On faisait même concourir les villes tous les samedi soir, à travers les chanteurs locaux, au cours de soirées passées en direct à la télévision. Et puis, on allait oublier petit à petit tous ces artistes, la relève n’étant plus assurée que par des chanteurs populaires comme Stati, Najat Aatabou, Daoudi, Zina Daoudia, Jadwane, Sengaji, Hajib, Rouicha, Aabidat Rma, Tihihit, Tachinwit.

On était passés à autre chose. Et surtout avec les années 2000 et la movida marocaines une nouvelle génération de chanteurs marocains apparut comme Saad Lamjared, Big, Lamnawer, Douzi, Oum, Hatim Amor, RedOne. La chanson marocaine populaire n’a plus la même appétence, ni le même goût sincère pour les choses de la vie. Le business, le show, l’argent, le m’as-tu-vu sont passés par là et ont tout dénaturé…

Naima Samih, coiffeuse-esthéticienne de formation, native en 1953 à Derb Soltane en 1953 avait démarré sa carrière à la radio marocaine au sein de la pépinière d’artistes que furent les émissions « Khamiss al Had » de Mohammed Bouanani et celle de Abdenbi Jirari « Maouahib ». Sa famille, conservatrice, était opposée aux orientations artistiques de la jeune Naima. Son père n'avait accepté la carrière artistique de sa fille qu'après l'intervention de grands noms de la musique et de la presse marocaine (Mohammed Benabdeslam, Mohammed Bouanani et Khalid Mechbal) qui l'avaient convaincu du talent de Naima et assuraient qu'elle serait « entre de bonnes mains ».

La concession du père de Naima était conditionnée par la nécessité de ne travailler qu'avec des paroliers et des compositeurs de renom. Elle a chanté plusieurs chansons, considérées comme des chefs-d'œuvre de la chanson marocaine telles que « Jrit ou jarit », « Ala Ghafla », « Ma qrit hassabou » ; « Ghab alia lahlal » ; « chkoun i ammar had addar » ; « Al bahhara »,,tout comme elle a interprété des hymnes d’amour à la nation, comme « Rihlat annassr », en compagnie du virtuose Abdelouahhab Doukkali, en plus de la chanson «Jari ya jari », dont le sujet était relatif au conflit maroco-algérien.

Toutes les personnes qui ont connu Naïma, connaissent sa bonté, sa modestie et sa simplicité. Car en dépit de sa notoriété, son aura et la gloire qu’elle a pu atteindre, elle a su rester fidèle à ses origines en tant que native du quartier populaire de Bouchentouf, et c’est justement cela qui a accentué l’amour du public et des Marocains envers elle.
Naima Samih, la célèbre diva marocaine, est partie aujourd’hui, 08 Mars 2025, journée célébrant les droits des femmes, dont elle fut, durant très longtemps, le porte-étendard. Qu’elle repose en paix…

Rachid Boufous
 



Dimanche 9 Mars 2025


Dans la même rubrique :
< >

Vendredi 18 Juillet 2025 - 09:38 Prisons sous haute tension

Billet | Chroniqueurs invités | Experts invités | Quartier libre | Chroniques Vidéo | Replay vidéo & podcast outdoor


Bannière Réseaux Sociaux


Bannière Lodj DJ

Avertissement : Les textes publiés sous l’appellation « Quartier libre » ou « Chroniqueurs invités » ou “Coup de cœur” ou "Communiqué de presse" doivent être conformes à toutes les exigences mentionnées ci-dessous.

1-L’objectif de l’ODJ est de d’offrir un espace d’expression libre aux internautes en général et des confrères invités (avec leurs accords) sur des sujets de leur choix, pourvu que les textes présentés soient conformes à la charte de l’ODJ.

2-Cet espace est modéré  par les membres de la rédaction de lodj.ma, qui conjointement assureront la publication des tribunes et leur conformité à la charte de l’ODJ

3-L’ensemble des écrits publiés dans cette rubrique relève de l’entière responsabilité de leur(s) auteur(s).la rédaction de lodj.ma ne saurait être tenue responsable du contenu de ces tribunes.

4-Nous n’accepterons pas de publier des propos ayant un contenu diffamatoire, menaçant, abusif, obscène, ou tout autre contenu qui pourrait transgresser la loi.

5-Tout propos raciste, sexiste, ou portant atteinte à quelqu’un à cause de sa religion, son origine, son genre ou son orientation sexuelle ne sera pas retenu pour publication et sera refusé.

Toute forme de plagiat est également à proscrire.

 








Inscription à la newsletter

Plus d'informations sur cette page : https://www.lodj.ma/CGU_a46.html