L'ODJ Média




Ressources Humaines dans les Secteurs Maritimes et Portuaires : Enjeux Stratégiques de la Formation entre Performance et Inclusivité


Suite à l’appel de Sa Majesté le Roi, que Dieu l’assiste, dans son discours du 6 novembre 2023, en faveur de la constitution d’une flotte de marine marchande nationale moderne et compétitive, un nouvel élan mobilise à présent l’écosystème maritime marocain. Gouvernement, opérateurs et société civile travaillent de concert pour la réforme de ce secteur dont le prestige passé contraste avec les défis actuels.



A lire ou à écouter en podcast :


Par Marwane Benhima

Entre le retour en force du protectionnisme à l’échelle mondiale et les ambitions souverainistes marocaines, toutes les dynamiques internes et externes convergent vers la nécessité de réformer le secteur maritime de manière holistique. Tentant de répliquer les succès portuaires à la marine marchande, le Maroc doit se doter d’une vision intégrée fédérant ces deux secteurs hautement stratégiques, interdépendants et aux frontières poreuses. Mais au centre de toute réforme doivent se situer les ressources humaines ; levier essentiel de la souveraineté.
 

Afin de déployer la vision Royale du secteur, il est essentiel de créer un vivier de talents diversifié de par les compétences et les profils. Des femmes et des hommes aux connaissances techniques pointues, formés avec la performance comme maître mot et véhiculés par un socle de valeurs solides.


Gens de mer : Pierre angulaire de l’écosystème maritime

Pour accompagner ses ambitions maritimes et armer sa future flotte, le Maroc devra à travers l’Institut Supérieur des Études Maritimes (ISEM) former le vivier d’officiers de la marine marchande nécessaire. Les carrières en mer connaissant une rotation importante liée aux conditions de vie et aux départs vers des métiers à terre, il est donc crucial de former un nombre d’officiers supérieur aux seuls besoins immédiats, en anticipation du taux d’attrition élevé. Ce chantier revêt une urgence particulière lorsqu’on considère qu’il faut plus de dix années pour obtenir un capitaine au long cours entre la formation initiale, la navigation et les brevets successifs. Outre le personnel navigant, les compétences maritimes sédimentées suite à plusieurs années de navigation sont indispensables pour alimenter en personnel qualifié les fonctions critiques du secteur portuaire tel que le pilotage, la capitainerie… Dans un contexte où nos ports souffrent déjà d’un déficit de main-d’œuvre qualifiée, la formation maritime revêt ainsi une dimension doublement stratégique.
 

Pour créer ce vivier, l’ISEM peut s’appuyer sur plusieurs atouts majeurs : son alignement avec les standards internationaux et la reconnaissance mondiale de ses brevets, la gratuité des formations dispensées, ainsi qu’un excellent ratio hommes-femmes, particulièrement attractif pour les grands armateurs aux engagements RSE, notamment sur l’inclusion des femmes au sein du personnel naviguant. Toutefois, pour répondre pleinement aux enjeux contemporains du secteur maritime, plusieurs axes d’amélioration peuvent être envisagés, comme l’inclusion dans la formation initiale de modules traitant de la décarbonisation, de la digitalisation, de l’introduction de l’Intelligence Artificielle, en plus de connaissances transversales en économie du transport maritime et en management. Ces additions aux contenus académiques sont d’autant plus pertinentes que bon nombre de ces officiers évolueront vers des fonctions à terre.


Métiers de gestion : Angle mort des politiques de formation

Au-delà d’un simple empilement de savoir-faire techniques, l’industrie maritime dans son sens large — marine marchande, portuaire, construction et réparation navale, services maritimes…— s’appuie à l’échelle internationale sur des managers aux connaissances techniques pointues en gestion des opérations maritimes, couplées à des compétences transversales en commerce international et en gestion des organisations. Idéalement, ces profils bénéficieraient au Maroc, à l’instar des hubs maritimes internationaux, de formations universitaires dédiées de premier et second cycle sanctionnées par des diplômes. Toutefois, l’absence d’une masse critique et de la maturité nécessaire au niveau de l’écosystème national pour absorber de manière périodique un grand nombre de diplômés issus de cette spécialisation de niche font de la formation continue, en complément des formations universitaires existantes, l’option la plus adaptée. La formation continue offre aux entreprises la flexibilité et la modularité nécessaires pour développer des compétences selon leurs besoins, évitant ainsi l’aggravation du déséquilibre entre le nombre de diplômés et la demande. L’élévation de la formation continue au rang de norme professionnelle requiert une prise de conscience collective des opérateurs accompagnée de politiques publiques incitatives. Cette dynamique passe par le développement d’un cadre institutionnel propice porté par une démarche partenariale multi-acteurs qui inclut : le gouvernement, les opérateurs représentés par leurs associations professionnelles respectives, ainsi que les instituts de formation publics et privés.

 


Partenariats et joint-ventures : Le transfert de compétences en ligne de mire

Suite aux faillites en cascade des armateurs nationaux menant à l’effondrement de notre marine marchande, le vivier local de talents s’est progressivement atrophié. Une panoplie de métiers, autrefois pratiqués au Maroc, ont disparu au fil du temps, entraînant une érosion du savoir-faire national dans ces domaines. Pour regagner le terrain perdu et aller au-delà en acquérant des compétences de pointe, les coentreprises incluant des opérateurs internationaux avec le transfert de compétences comme finalité peuvent constituer une solution pertinente. Cette approche a déjà été déployée dans le cadre d’Africa Morocco Link (AML), joint-venture entre la BMCE (participation entre-temps reprise par la CTM) et l’armateur grec Attica Group (participation entre-temps reprise par l’armateur suédois Stena Line). Fondée en 2016, AML fêtera bientôt ses dix ans d’activité dans le détroit de Gibraltar où elle opère aujourd’hui en tant que seule entreprise marocaine.

Le déploiement étendu de cette solution requiert une mobilisation des grands donneurs d’ordre (phosphates, hydrocarbures, etc.) et des organismes publics disposant des capacités stratégiques nécessaires. Néanmoins, la mise à niveau des cadres juridiques, administratifs et des incitations financières demeure une condition sine qua non pour le succès de ces projets hautement capitalistiques, en concurrence directe avec les armateurs usant de pavillons de complaisance.
 

Compétences féminines : Vers une inclusion durable ?

L’inclusion des femmes dans les secteurs portuaires et maritimes au Maroc s’inscrit dans un contexte de sous-représentation mondiale. La quête de parité relève d’un double défi : favoriser l’accès des femmes aux postes techniques et opérationnels tout en garantissant leur progression vers des postes de direction. Pour relever ce défi, le Maroc peut compter sur l’intérêt des jeunes Marocaines à entreprendre des carrières scientifiques et techniques. En effet, les écoles d’ingénieurs et les formations scientifiques au Maroc — y compris l’ISEM — affichent une proportion de femmes relativement élevée. Cette prédisposition doit être accompagnée de politiques volontaristes et d’actions concrètes pour permettre à ces femmes d’opérer sur un pied d’égalité et espérer atteindre des rôles de responsabilité.


Suivi stratégique : Une coopération renforcée entre État et filières maritimes et portuaires

Dans cette logique de transformation structurelle que connaissent les filières maritimes et portuaires, la dynamique de concertation avec les opérateurs du secteur gagnerait à être généralisée aux politiques de formation dans un cadre institutionnalisé. Ainsi, le Maroc pourrait s’inspirer du modèle britannique et de sa « Maritime Skills Comission » pour créer un observatoire national des compétences maritimes et portuaires, incluant : les représentants des ministères, les instituts de formation et les opérateurs représentés par leurs associations professionnelles. Cet observatoire aurait pour mission de produire des données fiables sur les besoins en compétences, l’inclusion des femmes et des jeunes, les dynamiques de l’emploi maritime à terre et en mer, ainsi que les écarts entre l’offre de formation et les réalités du marché. Véritable outil d’aide à la décision, il pourrait formuler des recommandations opérationnelles tout en renforçant la collaboration entre l’État et l’industrie.




Jeudi 22 Mai 2025

Billet | Chroniqueurs invités | Experts invités | Quartier libre | Chroniques Vidéo | Replay vidéo & podcast outdoor


Bannière Réseaux Sociaux


Bannière Lodj DJ

Avertissement : Les textes publiés sous l’appellation « Quartier libre » ou « Chroniqueurs invités » ou “Coup de cœur” ou "Communiqué de presse" doivent être conformes à toutes les exigences mentionnées ci-dessous.

1-L’objectif de l’ODJ est de d’offrir un espace d’expression libre aux internautes en général et des confrères invités (avec leurs accords) sur des sujets de leur choix, pourvu que les textes présentés soient conformes à la charte de l’ODJ.

2-Cet espace est modéré  par les membres de la rédaction de lodj.ma, qui conjointement assureront la publication des tribunes et leur conformité à la charte de l’ODJ

3-L’ensemble des écrits publiés dans cette rubrique relève de l’entière responsabilité de leur(s) auteur(s).la rédaction de lodj.ma ne saurait être tenue responsable du contenu de ces tribunes.

4-Nous n’accepterons pas de publier des propos ayant un contenu diffamatoire, menaçant, abusif, obscène, ou tout autre contenu qui pourrait transgresser la loi.

5-Tout propos raciste, sexiste, ou portant atteinte à quelqu’un à cause de sa religion, son origine, son genre ou son orientation sexuelle ne sera pas retenu pour publication et sera refusé.

Toute forme de plagiat est également à proscrire.

 








Inscription à la newsletter

Plus d'informations sur cette page : https://www.lodj.ma/CGU_a46.html











Santé & Dentaire
Explorer Santé & Dentaire →
Tech & Startups
Voir l'actualité tech →