Analyse économique : Une croissance tirée par la demande intérieure, mais fragilisée par le commerce extérieur
En 2024, la demande intérieure a progressé de 5,8 %, contre 4,9 % en 2023. Cette accélération s’est traduite par une contribution notable de 6,3 points à la croissance économique nationale, soit près de 100 % du taux de croissance globale, si l’on tient compte du repli enregistré au niveau du commerce extérieur.
Cette poussée est principalement due à deux composantes :
La consommation finale des ménages et des ISBLSM a augmenté de 3,4 %, soutenue par la reprise de l'emploi urbain, la désinflation relative des produits alimentaires et les effets résiduels de transferts sociaux ciblés. Sa contribution à la croissance a atteint 2,1 points, confirmant le rôle central des dépenses des ménages dans le soutien à l’activité.
L’investissement brut (FBCF, variation des stocks, objets de valeur) a bondi de 10,9 %, avec une contribution de 3,2 points, signal fort d’un regain de confiance des entreprises et des politiques publiques favorables à l’investissement productif. Ce rebond est aussi probablement lié à la montée en régime des chantiers d’infrastructure, des projets industriels dans les régions du Sud, et d'une attractivité grandissante pour l’investissement étranger.
Autre levier non négligeable, la consommation finale des administrations publiques a progressé de 5,6 %, contribuant à hauteur de 1 point à la croissance. Cette hausse peut être interprétée comme le reflet d’une politique budgétaire toujours active, marquée par une augmentation des dépenses sociales, salariales et d’équipement dans un contexte d’attentes accrues des citoyens face aux services publics.
Mais à côté de cette dynamique interne rassurante, les échanges extérieurs ont continué de peser négativement sur la croissance :
Les importations ont connu une forte hausse de 11,6 %, réduisant la croissance de 5,9 points, ce qui traduit une dépendance persistante vis-à-vis de l’étranger pour répondre à la demande domestique, notamment en énergie, biens de consommation durables, et produits semi-finis.
Les exportations, bien qu’en hausse de 8 %, n’ont pas suffi à contrebalancer cette dynamique, ne contribuant qu’à 3,4 points à la croissance.
Le solde commercial net a donc dégagé une contribution négative globale de 2,5 points, confirmant que le moteur externe de la croissance reste structurellement déficient.
Ce scénario met en lumière une réalité économique bien connue au Maroc : la croissance nationale repose principalement sur sa demande intérieure, notamment la consommation et l’investissement, mais elle est vulnérable à sa balance commerciale déficitaire.
Le pays continue d’importer plus qu’il n’exporte, en valeur et en volume, ce qui crée un effet d’éviction sur la croissance. Les mesures d’encouragement à l’export, de montée en gamme industrielle ou encore de substitution aux importations peinent encore à inverser la tendance.
Enfin, le pouvoir d’achat des ménages reste sous pression malgré la hausse de leur consommation, ce qui interroge sur la qualité de la croissance : est-elle inclusive, résiliente et durable ? Là réside le vrai défi.
L’avis de l’économiste : une reprise sous conditions
La structure de la croissance 2024 suggère que le Maroc est en phase de reprise, mais sur une base fragile. Sans réforme industrielle profonde et politique d’export offensive, le déséquilibre extérieur pourrait s’aggraver à moyen terme, d’autant plus en cas de tensions sur les marchés internationaux.
Par ailleurs, l’accélération de la FBCF est une bonne nouvelle, mais elle devra se confirmer en 2025 pour soutenir l’emploi et la productivité. Le risque serait que cet investissement soit conjoncturel (effets d’annonces, chantiers électoraux, dépenses publiques) plutôt que structurel.
Par ailleurs, l’accélération de la FBCF est une bonne nouvelle, mais elle devra se confirmer en 2025 pour soutenir l’emploi et la productivité. Le risque serait que cet investissement soit conjoncturel (effets d’annonces, chantiers électoraux, dépenses publiques) plutôt que structurel.