Le mot “souveraineté” revient comme une incantation. Face aux pressions géopolitiques (Etats-Unis, Chine), aux scandales d’espionnage, aux intrusions logicielles, le Maroc cherche à reprendre la main. On parle de data centers labellisés “made in Morocco”, de plateformes publiques en cloud local, d’initiatives de cybersécurité étatiques, comme e-Himaya pour les jeunes ou l’Alliance avec Deloitte à Ifrane pour former des élites cyber.

Mais dans la salle des serveurs, les choses sont moins glorieuses. Le matériel est souvent importé. Les logiciels propriétaires. Le savoir-faire encore fragile. La dépendance aux clouds étrangers (Amazon Web Services, Microsoft Azure) reste massive. Quant aux PME, elles peinent à sécuriser un simple réseau interne… alors migrer vers un cloud souverain ?

La cybersécurité, au Maroc comme ailleurs, souffre d’un paradoxe : plus on en parle, moins on en maîtrise les bases. C’est devenu un sujet de communication plus que d’ingénierie. On organise des forums, on signe des protocoles… mais sur le terrain, les failles béantes subsistent.
 

Et si le “cloud souverain” marocain n’était, pour l’instant, qu’un slogan sans serveurs ? Un mirage de souveraineté dans un désert de dépendances techniques. Il ne suffit pas de construire un data center pour devenir indépendant. Il faut maîtriser les couches logicielles, les protocoles de sécurité, les normes de chiffrement, les plans de continuité d’activité… et surtout former une armée d’ingénieurs. Pour l’instant, trop de projets marocains dits souverains sont des coquilles locales avec un moteur américain. Et puis, parler souveraineté tout en hébergeant ses bases de données fiscales ou sanitaires à Dublin ou Francfort, c’est un peu comme prôner l’autosuffisance alimentaire en important son pain. La vraie souveraineté, c’est aussi savoir dire non. Non aux dépendances. Non aux solutions clés en main. Et non aux communiqués qui maquillent l’impuissance.

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