Depuis quelques années, les campagnes marocaines retiennent leur souffle. Alors que la question du stress hydrique occupe désormais le sommet de l’agenda politique, un constat s’impose de manière silencieuse mais implacable : l’agriculture, première consommatrice d’eau au Maroc, est devenue la grande oubliée de la nouvelle stratégie hydrique nationale. Sous couvert de priorité à l’eau potable, les hectares irrigués rétrécissent, les réservoirs agricoles se vident, et les exploitants, petits ou moyens, redoutent de plus en plus la sécheresse comme un couperet.
Le diagnostic est connu. En temps de pluviométrie normale, l’agriculture marocaine bénéficie d’environ 3 milliards de mètres cubes d’eau par an pour l’irrigation. En 2023, cette dotation est tombée à 900 millions de mètres cubes, soit une baisse de plus de 70 %. L’explication officielle tient en une phrase : la priorité va à l’eau potable. Et elle est difficilement contestable, tant les villes côtières et intérieures font face à une demande croissante. Mais sur le terrain, la frustration monte. De nombreux agriculteurs disent ne plus comprendre les critères d’allocation de l’eau, déplorent une absence de concertation et pointent du doigt un déséquilibre croissant entre les zones bien desservies et celles totalement à sec.
La stratégie hydrique actuelle, incarnée par le PNAEPI et les projets de dessalement massifs, a en effet réorienté l’investissement vers les stations côtières destinées à l’alimentation en eau potable. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : sur les 1 257 Mm³ que produiront les 26 stations de dessalement prévues à l’horizon 2040, seulement 452 Mm³, soit 33,7 %, seront affectés à l’irrigation. Et cette répartition est fortement concentrée sur quelques stations seulement, comme Nador ou Agadir. Pour l’immense majorité du monde rural, notamment dans l’intérieur du pays, cette eau reste hors d’atteinte.
Ce manque d’eau agricole n’est pas sans conséquences. De nombreuses cultures extensives sont abandonnées. Les filières de fruits et légumes se resserrent. Certains agriculteurs n’ont d’autre choix que de forer toujours plus profond pour accéder à des nappes phréatiques déjà surexploitées. L’oasis de Figuig, par exemple, vit sous perfusion d’un espoir : que le barrage de Kheng-Grou, une fois opérationnel, vienne irriguer 3 300 hectares de périmètre agricole. Mais combien d’autres oasis ou plaines fertiles n’ont pas cette chance ?
Plus inquiétant encore, cette raréfaction de l’eau agricole remet en question les ambitions de souveraineté alimentaire affichées depuis la guerre en Ukraine. Face à la volatilité des marchés internationaux, le Maroc souhaite produire plus localement ses céréales, ses fruits et son sucre. Mais comment nourrir la population si les champs restent secs et les barrages agricoles à moitié vides ?
Des solutions existent, certes. Le goutte-à-goutte, les cultures économes en eau, les bassins de rétention, les crédits verts… Mais elles nécessitent des investissements, de la formation, et surtout une planification rigoureuse, région par région. Car le risque aujourd’hui est double : d’un côté, sacrifier l’agriculture au profit exclusif de l’urbain, et de l’autre, créer une fracture hydrique entre les territoires.
Dans ce contexte, de nombreux experts appellent à rééquilibrer les priorités. Non pas en opposant eau potable et irrigation, mais en pensant l’eau comme un levier intégré de développement. Car ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement la performance agricole, mais la survie économique et sociale de milliers de familles rurales.
La sécheresse ne fait pas de politique, mais la politique doit savoir répondre à la sécheresse autrement qu’en détournant le regard des campagnes.
Le diagnostic est connu. En temps de pluviométrie normale, l’agriculture marocaine bénéficie d’environ 3 milliards de mètres cubes d’eau par an pour l’irrigation. En 2023, cette dotation est tombée à 900 millions de mètres cubes, soit une baisse de plus de 70 %. L’explication officielle tient en une phrase : la priorité va à l’eau potable. Et elle est difficilement contestable, tant les villes côtières et intérieures font face à une demande croissante. Mais sur le terrain, la frustration monte. De nombreux agriculteurs disent ne plus comprendre les critères d’allocation de l’eau, déplorent une absence de concertation et pointent du doigt un déséquilibre croissant entre les zones bien desservies et celles totalement à sec.
La stratégie hydrique actuelle, incarnée par le PNAEPI et les projets de dessalement massifs, a en effet réorienté l’investissement vers les stations côtières destinées à l’alimentation en eau potable. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : sur les 1 257 Mm³ que produiront les 26 stations de dessalement prévues à l’horizon 2040, seulement 452 Mm³, soit 33,7 %, seront affectés à l’irrigation. Et cette répartition est fortement concentrée sur quelques stations seulement, comme Nador ou Agadir. Pour l’immense majorité du monde rural, notamment dans l’intérieur du pays, cette eau reste hors d’atteinte.
Ce manque d’eau agricole n’est pas sans conséquences. De nombreuses cultures extensives sont abandonnées. Les filières de fruits et légumes se resserrent. Certains agriculteurs n’ont d’autre choix que de forer toujours plus profond pour accéder à des nappes phréatiques déjà surexploitées. L’oasis de Figuig, par exemple, vit sous perfusion d’un espoir : que le barrage de Kheng-Grou, une fois opérationnel, vienne irriguer 3 300 hectares de périmètre agricole. Mais combien d’autres oasis ou plaines fertiles n’ont pas cette chance ?
Plus inquiétant encore, cette raréfaction de l’eau agricole remet en question les ambitions de souveraineté alimentaire affichées depuis la guerre en Ukraine. Face à la volatilité des marchés internationaux, le Maroc souhaite produire plus localement ses céréales, ses fruits et son sucre. Mais comment nourrir la population si les champs restent secs et les barrages agricoles à moitié vides ?
Des solutions existent, certes. Le goutte-à-goutte, les cultures économes en eau, les bassins de rétention, les crédits verts… Mais elles nécessitent des investissements, de la formation, et surtout une planification rigoureuse, région par région. Car le risque aujourd’hui est double : d’un côté, sacrifier l’agriculture au profit exclusif de l’urbain, et de l’autre, créer une fracture hydrique entre les territoires.
Dans ce contexte, de nombreux experts appellent à rééquilibrer les priorités. Non pas en opposant eau potable et irrigation, mais en pensant l’eau comme un levier intégré de développement. Car ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement la performance agricole, mais la survie économique et sociale de milliers de familles rurales.
La sécheresse ne fait pas de politique, mais la politique doit savoir répondre à la sécheresse autrement qu’en détournant le regard des campagnes.












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