C’est une performance exceptionnelle qui mérite d’être saluée : avec 41 étudiants admis, le Maroc domine le classement des nationalités étrangères admises à l’École Polytechnique de France, l’une des institutions d’ingénierie les plus prestigieuses au monde. Devant la Tunisie (10 admis) et loin devant des pays comme le Canada, la Chine ou l’Autriche (1 admis chacun), cette réussite témoigne de la qualité de la formation préparatoire au Maroc, mais aussi du potentiel immense de la jeunesse marocaine.

Ce succès collectif dépasse les simples chiffres : il incarne la brillance de talents marocains à l’échelle internationale, souvent issus de parcours exigeants, mais portés par une ambition sans faille. Il est aussi le fruit d’un écosystème éducatif en mutation, porté par des établissements comme l’INPT, l’UM6P ou les classes préparatoires d’élite du royaume.

Plus qu’un motif de fierté, c’est un appel à renforcer les politiques de méritocratie, d’égalité des chances et de soutien à la mobilité académique. Car quand on donne à la jeunesse marocaine les moyens de réussir, elle rayonne – ici comme ailleurs. Une leçon pour le pays, et un espoir pour l’avenir.

D’un côté, des étudiants marocains brillants qui hissent haut les couleurs du pays dans les plus grandes écoles d’ingénieurs du monde comme Polytechnique, Centrale ou les Mines. De l’autre, une réalité troublante : des masters et doctorats qui se monnaient, des diplômes galvaudés et des établissements nationaux entachés par des scandales de corruption ou de négligence.

Cette dualité pose une question cruciale : le Maroc forme-t-il des élites pour lui-même… ou pour les autres ? Car derrière la fierté légitime de voir quarante-et-un jeunes Marocains admis à Polytechnique, se cache un paradoxe plus inquiétant : la fuite organisée des cerveaux. Une hémorragie silencieuse, mais constante. Ces jeunes, souvent formés à grands frais, finissent dans des carrières internationales brillantes — mais loin du Maroc.

Il y a là un malaise profond. Le système éducatif marocain semble à deux vitesses : l’excellence pour quelques-uns, l’abandon pour le plus grand nombre. Il est temps de s’interroger sur la finalité de notre politique éducative : voulons-nous réellement bâtir une nation du savoir et de l’innovation, ou continuer à être l’antichambre du génie au service d’économies étrangères ?

Former, c’est bien. Garder et valoriser, c’est mieux.