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​La grande migration des super-riches : et si le Maroc osait les séduire ?


Rédigé par le Mardi 10 Juin 2025

La plus grande migration de millionnaires au monde redessine la carte du capital. Le Maroc peut-il en capter une part ? Une stratégie reste à inventer :
Les ultra-riches quittent leur pays en masse : un mouvement inédit et stratégique
Dubaï, Singapour et Riyad captent les capitaux, pendant que Rabat hésite
Le Maroc peut devenir un hub haut de gamme, s’il ose changer de paradigme



Pourquoi Dubaï attire les fortunes, et pas Casablanca ?

Image IA
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Nous vivons, sans exagération, l’une des plus grandes redistributions silencieuses de richesses du XXIe siècle. Un phénomène discret, mais aux conséquences potentiellement colossales. En 2024, plus de cent trente-quatre mille millionnaires à travers le monde ont décidé de changer de pays. Ils ne fuient pas des catastrophes naturelles, ni même une révolution. Ils partent volontairement, calmement, avec leurs familles, leurs ambitions, et surtout, leurs milliards. On estime que ce mouvement massif implique entre cinq cents et mille milliards de dollars d’actifs. Et c’est loin d’être terminé : les projections pour 2025 sont encore plus impressionnantes.

Mais ce n’est pas la fiscalité qui les fait fuir, comme on l’entend souvent. Ce n’est pas une chasse à l’impôt. Ces individus très fortunés – souvent chefs d’entreprise, investisseurs ou créateurs de startups – ne sont plus simplement en quête d’abris fiscaux. Ils recherchent aujourd’hui bien plus : la stabilité politique, la sécurité juridique, la connectivité mondiale, un style de vie moderne, mais aussi un climat favorable aux affaires, des écoles internationales pour leurs enfants, des soins médicaux d’excellence et une image de marque pour eux-mêmes et leur entreprise.

Les pays qui attirent aujourd’hui ces capitaux mobiles et ces talents discrets ont bien compris l’enjeu. À commencer par Singapour, qui s’est imposée comme la nouvelle "Suisse de l’Asie" : fiscalité douce, infrastructures haut de gamme, transparence juridique, et une neutralité géopolitique qui rassure. Dubaï, déjà célèbre pour sa démesure, a peaufiné son attractivité avec ses visas longue durée, ses zones franches, ses libertés économiques et une stratégie marketing redoutable. Même l’Arabie saoudite, longtemps absente de ce club sélect, entre désormais dans la compétition grâce à son ambitieux plan Vision 2030 et à la puissance de ses fonds souverains.

Certes, notre pays a des atouts à faire valoir. Une stabilité politique rare dans la région. Une position géographique de rêve, aux portes de l’Europe et au cœur de l’Afrique. Un climat tempéré, une richesse culturelle, une diplomatie dynamique. Mais ces éléments seuls ne suffisent pas à faire du royaume un eldorado pour les grandes fortunes. Il lui manque encore l’essentiel : une stratégie claire pour capter cette nouvelle migration mondiale du capital privé.

Aujourd’hui, aucun programme spécifique n’existe pour accueillir ces nouveaux nomades du luxe. Pas de visa doré pour investisseurs, pas de régime fiscal attractif pour les plus-values, ni de cadre juridique simplifié pour les holdings patrimoniales. Notre place financière, Casablanca Finance City, a certes posé quelques jalons intéressants, mais elle reste peu visible sur l’échiquier mondial. Quant à l’écosystème de gestion de patrimoine, il est encore embryonnaire.

Le plus préoccupant n’est peut-être pas ce déficit d’outils, mais le manque de vision. Car attirer des capitaux, ce n’est pas qu’une affaire de chiffres. C’est aussi une affaire de perception. Et là, le bât blesse. Si le Maroc inspire confiance sur le plan régional, il est encore trop souvent perçu à l’international comme faisant partie d’un Maghreb instable. Cette image, souvent injuste, mais bien ancrée, dissuade les grandes fortunes en quête de clarté, de fluidité, et de sécurité.

Un investisseur fortuné ne peut pas se permettre d’attendre six mois pour une autorisation, ou de naviguer dans des procédures obscures. Il ne viendra pas non plus là où la réputation du système judiciaire ou fiscal est floue. Il ira là où les choses sont simples, rapides, prévisibles. Et cela, même si l’offre culturelle ou le cadre de vie y sont moins séduisants qu’à Marrakech ou Essaouira.

Ce constat peut sembler amer, mais il devrait surtout être stimulant. Car l’opportunité est immense. Ce phénomène migratoire des très riches ne va pas s’arrêter. Au contraire, il va s’intensifier. Et si le Maroc ne saisit pas cette vague, il risque de rester à quai, pendant que d’autres pays moins bien dotés au départ raflent la mise.

D’abord, oser penser différemment. Sortir de la logique défensive vis-à-vis des grandes fortunes. Ces nouveaux venus peuvent générer une activité économique considérable, créer des emplois qualifiés, développer des services à haute valeur ajoutée, renforcer la notoriété du pays à l’international. Ce sont des investisseurs, mais aussi des influenceurs, dans le bon sens du terme.

Ensuite, construire une véritable stratégie d’attractivité. Cela passe par la création d’un visa premium pour les investisseurs fortunés, inspiré de ce qui existe à Dubaï, Malte ou au Portugal. Cela suppose aussi une réforme ciblée de notre fiscalité, pour rendre le Maroc plus compétitif dans certains secteurs clés comme la gestion de fortune, les nouvelles technologies, l’investissement immobilier de prestige.

Cela exige également de rénover notre image à l’international. Il est temps de faire campagne, de montrer un visage moderne, ambitieux, fiable. De tisser des liens avec les grandes familles entrepreneuriales d’Afrique, d’Europe, du Moyen-Orient, et de leur dire : “Chez nous, vous êtes les bienvenus. Pas pour cacher votre argent, mais pour construire avec nous.”

Le Maroc dispose déjà des briques fondamentales. Il ne lui manque qu’un cadre cohérent, lisible, et assumé. Un signal fort envoyé au monde pour dire que nous sommes prêts à accueillir ces nouvelles élites économiques mobiles, à les intégrer dans un projet national, et à en faire des partenaires durables.

Cette migration des très riches, souvent caricaturée ou mal comprise, est en réalité une formidable opportunité stratégique. Une opportunité que des pays comme l’Arabie saoudite, autrefois perçue comme rigide, ont su transformer en avantage. Le Maroc, lui aussi, peut changer de catégorie. Il peut passer du statut de spectateur à celui d’acteur. À condition d’en faire un choix clair, et de s’y tenir.


 

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Mardi 10 Juin 2025


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