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Chronique d’un malentendu entre éthique et écolage


Rédigé par le Jeudi 10 Juillet 2025

Le refus des écoles privées marocaines d’accueillir gratuitement des élèves défavorisés relance le débat sur leur mission sociale et leur rôle éducatif.



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Charité bien ordonnée… commence par une exception

Il était une fois, dans le royaume bien réel de l'Éducation, un drôle de bras de fer. D’un côté, l’État, qui tente tant bien que mal d’injecter un peu de justice sociale dans les circuits scolaires. De l’autre, un secteur privé bien installé qui brandit sa calculatrice comme une arme de défense massive.

Le scénario ? Un projet de décret qui obligerait les établissements privés à réserver gratuitement 15 % de leurs places aux élèves en difficulté : enfants défavorisés, élèves en situation de handicap, ou cas sociaux spécifiques. Et là, panique à bord. Les représentants de l’enseignement privé montent au créneau. Pas pour demander un débat, non. Mais pour crier à l’injustice, à l’atteinte à la liberté d’entreprendre. Apparemment, la charité, c’est comme les options en voiture : c’est bien… mais seulement si on choisit de la payer en plus.

Le privé, ce grand incompris ?

Faut-il vraiment rappeler que ces établissements bénéficient déjà d’une clientèle plutôt fidèle, voire captive ? Que la majorité est hors de portée financière pour les ménages modestes, parfois même pour les classes moyennes ? Et pourtant, ces écoles ne veulent pas entendre parler d’un geste qui relèverait pourtant du minimum syndical en termes d’inclusion.

« On ne nous a pas consultés », clament-ils en chœur. Mais depuis quand faut-il une consultation pour qu’un acteur éducatif accepte d’accueillir des enfants en difficulté ? Faut-il organiser un référendum pour que la bienveillance soit à l’ordre du jour ? On comprend la question de la soutenabilité économique, mais refuser en bloc toute forme d’obligation solidaire laisse un arrière-goût amer. Comme si l’école, au fond, n’était qu’un commerce parmi d’autres.

L’école à vendre… mais pas aux enchères sociales

Il est temps de poser la vraie question : que veut dire « école » dans un pays comme le nôtre ? Un produit de luxe ? Une niche d’optimisation fiscale ? Une start-up d’élitisme ? Ou une institution qui, par définition, doit corriger les inégalités sociales au lieu de les renforcer ?

Certes, certains établissements jouent le jeu, accueillent déjà des enfants boursiers, proposent des tarifs adaptés. Mais pourquoi ces pratiques vertueuses devraient-elles rester facultatives ? Pourquoi laisser la charité remplacer la justice ? Ce que propose le gouvernement, aussi maladroitement soit-il formulé, ce n’est pas un caprice : c’est une nécessité. Une école privée qui se respecte ne devrait-elle pas s’honorer d’avoir une mission publique ?

Ce n’est pas l’État qui impose, c’est la réalité qui exige

Le vrai scandale, ce n’est pas qu’on demande un effort aux écoles privées. C’est qu’on ait encore besoin de légiférer pour qu’un enfant handicapé ou pauvre ait une place dans une salle de classe. À croire que l’inclusion sociale dérange plus que la corruption.

Alors, plutôt que de hurler à l’ingérence, peut-être que le secteur ferait mieux de proposer un modèle viable, éthique et soutenable pour faire cohabiter rentabilité et solidarité. Sinon, à quoi bon parler d’« école » ? Autant appeler ça un centre de formation VIP.

Et si on osait… une taxe solidaire sur les écoles privées ?

À défaut de quotas, certains pays optent pour des contributions financières obligatoires des écoles privées vers un fonds de soutien à l’enseignement public ou inclusif. En France, au Québec ou au Brésil, des mécanismes existent pour redistribuer une partie des profits privés vers des actions éducatives pour les plus fragiles. Le Maroc pourrait s’en inspirer : créer un fonds alimenté par une contribution proportionnelle au chiffre d’affaires des établissements privés, fléché vers l’équipement d’écoles publiques ou le financement de places gratuites. Moins intrusif qu’un quota, mais plus efficace qu’un vœu pieux.

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Jeudi 10 Juillet 2025

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