À première vue, rien ne semble relier les océans salés du littoral marocain aux plaines brûlées d’Ukraine. Et pourtant, dans la géopolitique mondiale de l’eau et de l’alimentation, les connexions sont plus profondes qu’il n’y paraît. Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, le monde a brutalement redécouvert la fragilité des chaînes d’approvisionnement en céréales. Et le Maroc, qui importe plus de 50 % de son blé, s’est vu contraint de repenser sa stratégie agricole... et donc hydrique. C’est dans ce contexte que la désalinisation de l’eau de mer, jusque-là cantonnée aux zones urbaines côtières, commence à s’imposer comme un outil de souveraineté.
Le raisonnement est simple : pour produire plus de céréales localement et réduire la dépendance aux marchés instables, il faut irriguer davantage de terres. Or, la pluviométrie est en baisse, les barrages sont sous tension, et les nappes phréatiques s’épuisent. La seule ressource que le Maroc peut maîtriser à moyen terme, c’est l’eau de mer. D’où la montée en puissance des projets de dessalement, non plus seulement au service des villes, mais aussi de l’agriculture.
Ce basculement est perceptible dans les chiffres. Sur les 935 millions de m³ d’eau désalinisée prévus d’ici 2040 dans les nouvelles stations, près de 40 % seront affectés à l’irrigation. Des villes comme Nador, Essaouira, Tiznit ou Guelmim verront émerger des stations mixtes, destinées à fournir à la fois de l’eau potable et de l’eau agricole. Le message est clair : l’agriculture redevient une priorité stratégique, et l’eau salée une ressource mobilisable.
Mais cette réorientation, bien que prometteuse, est loin d’être acquise. La désalinisation reste une technologie coûteuse : entre 5 et 10 dirhams par mètre cube produit, selon les configurations, sans compter les frais de transport et d’entretien. Irriguer des milliers d’hectares avec une eau à ce prix nécessite des arbitrages économiques clairs. Toutes les cultures ne s’y prêtent pas. Le maïs, par exemple, très gourmand en eau, devient un luxe. À l’inverse, des cultures comme les oliviers, les légumineuses ou les plantes aromatiques peuvent s’adapter à un modèle d’irrigation raisonnée avec de l’eau désalinisée.
Autre enjeu : la gouvernance de cette eau nouvelle. À qui reviendra-t-elle en priorité ? Aux grandes exploitations modernes ? Aux coopératives locales ? Quelles seront les règles d’accès, les tarifs, les quotas ? Pour éviter les tensions sociales et les monopoles silencieux, le gouvernement devra établir des cadres transparents et équitables de distribution. L’eau agricole ne peut devenir un bien réservé, surtout dans les régions déjà marquées par les inégalités.
Enfin, l’impact environnemental ne doit pas être sous-estimé. Utiliser de l’eau désalinisée pour irriguer des sols peut poser des problèmes de salinisation secondaire, si le drainage n’est pas maîtrisé. De même, la gestion des résidus salins issus des stations doit être strictement encadrée pour éviter une pollution marine irréversible.
Reste que le lien entre guerre et dessalement, aussi indirect soit-il, est désormais réel. La guerre en Ukraine a agi comme un accélérateur de conscience. Elle a montré que la sécurité alimentaire dépend de la sécurité hydrique, et que cette dernière exige des solutions technologiques audacieuses. En ce sens, la désalinisation devient une réponse géopolitique, au même titre que les réserves stratégiques ou la diplomatie commerciale.
Le Maroc, en plaçant la désalinisation au cœur de sa stratégie hydrique et agricole, ne répond donc pas seulement à une urgence environnementale. Il s’adapte à un monde en recomposition, où l’eau douce est aussi une arme de stabilité.
Le raisonnement est simple : pour produire plus de céréales localement et réduire la dépendance aux marchés instables, il faut irriguer davantage de terres. Or, la pluviométrie est en baisse, les barrages sont sous tension, et les nappes phréatiques s’épuisent. La seule ressource que le Maroc peut maîtriser à moyen terme, c’est l’eau de mer. D’où la montée en puissance des projets de dessalement, non plus seulement au service des villes, mais aussi de l’agriculture.
Ce basculement est perceptible dans les chiffres. Sur les 935 millions de m³ d’eau désalinisée prévus d’ici 2040 dans les nouvelles stations, près de 40 % seront affectés à l’irrigation. Des villes comme Nador, Essaouira, Tiznit ou Guelmim verront émerger des stations mixtes, destinées à fournir à la fois de l’eau potable et de l’eau agricole. Le message est clair : l’agriculture redevient une priorité stratégique, et l’eau salée une ressource mobilisable.
Mais cette réorientation, bien que prometteuse, est loin d’être acquise. La désalinisation reste une technologie coûteuse : entre 5 et 10 dirhams par mètre cube produit, selon les configurations, sans compter les frais de transport et d’entretien. Irriguer des milliers d’hectares avec une eau à ce prix nécessite des arbitrages économiques clairs. Toutes les cultures ne s’y prêtent pas. Le maïs, par exemple, très gourmand en eau, devient un luxe. À l’inverse, des cultures comme les oliviers, les légumineuses ou les plantes aromatiques peuvent s’adapter à un modèle d’irrigation raisonnée avec de l’eau désalinisée.
Autre enjeu : la gouvernance de cette eau nouvelle. À qui reviendra-t-elle en priorité ? Aux grandes exploitations modernes ? Aux coopératives locales ? Quelles seront les règles d’accès, les tarifs, les quotas ? Pour éviter les tensions sociales et les monopoles silencieux, le gouvernement devra établir des cadres transparents et équitables de distribution. L’eau agricole ne peut devenir un bien réservé, surtout dans les régions déjà marquées par les inégalités.
Enfin, l’impact environnemental ne doit pas être sous-estimé. Utiliser de l’eau désalinisée pour irriguer des sols peut poser des problèmes de salinisation secondaire, si le drainage n’est pas maîtrisé. De même, la gestion des résidus salins issus des stations doit être strictement encadrée pour éviter une pollution marine irréversible.
Reste que le lien entre guerre et dessalement, aussi indirect soit-il, est désormais réel. La guerre en Ukraine a agi comme un accélérateur de conscience. Elle a montré que la sécurité alimentaire dépend de la sécurité hydrique, et que cette dernière exige des solutions technologiques audacieuses. En ce sens, la désalinisation devient une réponse géopolitique, au même titre que les réserves stratégiques ou la diplomatie commerciale.
Le Maroc, en plaçant la désalinisation au cœur de sa stratégie hydrique et agricole, ne répond donc pas seulement à une urgence environnementale. Il s’adapte à un monde en recomposition, où l’eau douce est aussi une arme de stabilité.