L'ODJ Média

Portail L'ODJ Média



Faut-il repenser le panier de devises du dirham face au basculement mondial ?


Rédigé par La Rédaction le Jeudi 1 Mai 2025

Alors que le dollar américain subit des pressions inédites – inflation persistante, dette colossale, contestation géopolitique – le monde financier entre dans une ère de recomposition monétaire. Le Maroc, à la croisée des échanges euro-méditerranéens, africains et asiatiques, ne peut rester à l’écart de cette transition. Sa monnaie nationale, le dirham, reste aujourd’hui arrimée à un panier de devises dominé par l’euro et le dollar. Mais dans un monde de plus en plus multipolaire, cette stratégie est-elle toujours pertinente ? La Banque centrale marocaine doit désormais repenser sa politique de change et anticiper les mutations profondes de l’ordre monétaire international.



La stabilité du dirham marocain repose depuis des décennies sur un mécanisme bien rodé : son ancrage à un panier de devises dominé par l’euro et le dollar.

En 2015, Bank Al-Maghrib avait décidé de modifier la pondération de ce panier pour refléter davantage la réalité des échanges extérieurs du Royaume : 60 % d’euro, 40 % de dollar. Cette formule, pragmatique à l’époque, garantissait un certain équilibre face aux fluctuations des marchés. Mais près de dix ans plus tard, l’environnement monétaire mondial a profondément changé.

Et une question s’impose : cette composition reste-t-elle adaptée aux nouvelles dynamiques économiques du pays et du monde ?

L’ordre monétaire hérité de Bretton Woods est en train de muter. Le dollar conserve encore sa place de devise dominante dans les échanges internationaux, mais son hégémonie est contestée. L’inflation américaine persistante, la dette fédérale abyssale et surtout l’utilisation politique du dollar — via les sanctions économiques — poussent de nombreux pays à explorer d’autres voies. La Chine, la Russie, l’Inde ou encore le Brésil renforcent leurs échanges en monnaies locales. Le yuan chinois s’impose progressivement comme alternative dans les transactions énergétiques. Ce phénomène de « dédollarisation » reste partiel, mais il s’accélère.

Pour un pays comme le Maroc, fortement intégré aux flux commerciaux mondiaux, cela implique une réévaluation stratégique de ses ancrages monétaires. Rester trop exposé à une devise qui vacille — le dollar — ou à une zone économique qui ralentit — la zone euro — peut représenter un risque structurel.

Le Maroc est désormais un acteur économique global, et son commerce extérieur témoigne de cette diversification. Si l’Union européenne reste un partenaire majeur, les échanges avec la Chine, l’Inde, la Turquie et les pays du Golfe progressent rapidement. Dans certains secteurs stratégiques — énergie, infrastructures, technologie —, Pékin est devenu un acteur incontournable.

Dans ce contexte, limiter la référence du dirham au seul couple euro-dollar semble de plus en plus restrictif. Le panier de devises devrait refléter la réalité géoéconomique contemporaine du Maroc, pas celle d’une décennie révolue.
Intégrer de nouvelles devises dans le panier : un impératif stratégique

Il serait donc pertinent pour Bank Al-Maghrib d’ouvrir une réflexion sur l’inclusion d’autres devises dans le panier de référence du dirham, notamment le yuan chinois, voire dans une moindre mesure le dirham émirati ou le rial saoudien. Ces monnaies représentent désormais des économies avec lesquelles le Maroc entretient des relations commerciales significatives et croissantes.

Certes, certaines limites existent : le yuan reste une monnaie partiellement contrôlée par la Banque populaire de Chine, et son marché des changes n’est pas totalement libéralisé. Mais son poids symbolique et commercial dans les relations Sud-Sud est tel qu’il mérite une place — même modeste — dans la formule du dirham.

Une telle démarche enverrait également un signal clair de diversification monétaire, cohérent avec la volonté affichée du Maroc de jouer un rôle actif dans l’architecture économique multipolaire émergente.

Il ne s’agit pas pour autant de bouleverser brutalement le régime de change marocain. La confiance des opérateurs économiques et des marchés est essentielle. Toute révision du panier de devises doit être graduelle, transparente et concertée avec les parties prenantes — banques, entreprises exportatrices, importateurs.

Bank Al-Maghrib pourrait initier cette transition par une révision technique de la pondération actuelle, en diminuant légèrement la part de l’euro ou du dollar pour y intégrer le yuan à hauteur de 5 % à 10 %. Ce rééquilibrage permettrait de tester les effets sur la stabilité du dirham sans mettre en péril le système.

En parallèle, des instruments de couverture contre le risque de change devraient être renforcés pour accompagner les entreprises dans ce nouvel environnement plus volatil.

Une réforme urgente mais mesurée : Précaution et gradualisme : les deux piliers d’une réforme réussie

Le Maroc ne peut se permettre de rester immobile alors que les plaques tectoniques du système monétaire mondial bougent. Réviser la composition du panier de devises du dirham n’est plus une option théorique : c’est une nécessité stratégique pour mieux refléter la nouvelle cartographie des flux commerciaux et pour anticiper les futures crises monétaires.

En agissant avec prudence mais résolution, Bank Al-Maghrib a l’opportunité de renforcer la résilience de la monnaie nationale et de positionner le dirham comme un outil de souveraineté monétaire adapté au XXIᵉ siècle.

dirham, Bank Al-Maghrib, panier de devises, dollar, euro, yuan, dédollarisation, change maroc, politique monétaire, devise internationale






Jeudi 1 Mai 2025

Breaking news | Analyses & Finance & Bourse | Gaming | Communiqué de presse | Eco Business | Digital & Tech | Santé & Bien être | Lifestyle | Culture & Musique & Loisir | Sport | Auto-moto | Room | L'ODJ Podcasts - 8éme jour | Les dernières émissions de L'ODJ TV | Last Conférences & Reportages | Bookcase | LODJ Média | Avatar IA Live


Avertissement : Ces analyses sont fournies à titre purement informatif et ne constitue en aucun cas un conseil en investissement. Elle a été réalisée par la rédaction de L'ODJ Média, sur la base des données publiées par la société et des tendances du marché. Les investisseurs sont invités à effectuer leurs propres recherches et à consulter des experts financiers avant toute prise de décision.


Bannière Lodj DJ

Bannière Réseaux Sociaux




News Finance & Bourse

Inscription à la newsletter

Plus d'informations sur cette page : https://www.lodj.ma/CGU_a46.html

Last publication

Parution de L'Eco Business du 01 décembre 2025

Passer du bruit des chiffres à la musique de la puissance

Ce numéro de l'Eco Business du 01-12-2025 fournit un diagnostic approfondi du tissu des Entreprises Privées Marocaines (EPMA) en 2023, révélant une économie qui excelle dans la création de structures mais peine à les faire grandir. Le défi structurel principal est la « tyrannie de la petite taille », où près de 99% des nouvelles immatriculations formelles sont des micro-entreprises, ce qui entrave la formation d’un Mittelstand stable. Le financement bancaire accentue cette asymétrie en favorisant massivement les grandes entreprises et en concentrant plus de 60% de l’encours de crédit dans l’axe de Casablanca-Settat, isolant les jeunes structures et celles situées en région. L'analyse met également en lumière des secteurs dynamiques comme le transport et l’entreposage, ainsi qu’un besoin urgent de réorienter le financement massif de l’énergie vers l’efficacité énergétique et le renforcement du réseau. De plus, les entreprises dirigées par des femmes sont confrontées à un biais de genre et de localisation, capturant seulement 11,3% de l’encours total qui leur est attribué. En conclusion, l’article propose une feuille de route pour transformer cette dynamique, notamment en finançant les contrats plutôt que les bilans et en exigeant des délais de paiement rapides pour stabiliser la trésorerie des PME.


À feuilleter en ligne sans modération, la version PDF à télécharger ci-dessus







Vos contributions
LODJ Vidéo