Ce lundi 29 décembre, dans un bureau de perception de Rabat, j’ai vu pour la première fois depuis longtemps un brassard rouge au bras d’un agent de la TGR. Une couleur qui en dit long : elle symbolise une colère qui ne se contente plus de murmures. Partout au Maroc, du bureau de Tanger-Assilah à Béni Mellal, les trésoriers et percepteurs ont entamé un mouvement de protestation nationale. Port du brassard rouge, arrêt des tâches, sit-ins programmés les mardi 30 et mercredi 31 devant les sièges du ministère de l’Économie et des Finances et des services extérieurs de la TGR le calendrier est serré, la détermination palpable.
Ce qui cristallise le mécontentement ? Une mise en œuvre jugée « chaotique et improvisée » par les agents de la réforme du recouvrement des taxes locales découlant de la loi 14-25, qui modifie la loi 47-06. Cette loi, entrée en vigueur en juin 2025, vise à rapprocher la fiscalité locale de la réalité territoriale, dans le cadre de la régionalisation avancée, en créant notamment 92 perceptions communales censées dynamiser la gestion territoriale des recettes fiscales ; mais sur le terrain, la transition s’annonce difficile.
Au cœur des critiques : la réaffectation de ces perceptions vers des entités communales sous la tutelle d’un autre ministère, souvent sans nouveaux locaux ni conditions matérielles adéquates. Ainsi, des agents se retrouvent à travailler dans des espaces partagés, parfois sous la menace d’évacuation administrative, dans des bâtiments toujours arborant l’enseigne de la TGR. À Mabella (Rabat), le changement des serrures et panneaux sans procès-verbal de passation est devenu l’exemple emblématique de ce que dénoncent les agents : un sentiment d’attaque contre la dignité professionnelle et l’intégrité du service public.
Et les tensions ne sont pas seulement locales. Pour les syndicalistes, cette installation de percepteurs communaux dans des locaux de la TGR viole le principe constitutionnel de continuité du service public et crée une zone grise juridique. En réaction, ils exigent non seulement l’ouverture immédiate de procédures de redéploiement, mais aussi le traitement des demandes de mutation, refusant toute logique de « fait accompli ». À défaut d’un dialogue rapide avec l’exécutif, la mobilisation pourrait s’étendre à des grèves nationales, préviennent les représentants du personnel.
Derrière ce mouvement, c’est aussi une réforme fiscale plus large qui se heurte à la réalité. La loi 14-25 a certes été saluée par des parlementaires comme une étape vers une fiscalité locale plus équitable et autonome, notamment en responsabilisant davantage les autorités locales dans la mobilisation des recettes. Mais le transfert de compétences par exemple de la TGR vers la Direction générale des impôts pour certaines taxes et l’organisation matérielle du changement peinent à convaincre ceux qui sont chargés de l’exécuter.
Au même moment, dans les couloirs du ministère de l’Économie, Nadia Fettah tente de calmer le jeu. Dans une lettre adressée au Trésorier général, elle rappelle l’importance de la réforme dans l’effort de modernisation tout en insistant sur le volontariat et la préservation des droits acquis des fonctionnaires.Une posture de temporisation qui, pour l’instant, ne suffit pas à désamorcer les frustrations.
Cette crise survient dans un contexte économique plus large où les finances publiques du Maroc montrent des signes contrastés : les recettes fiscales progressent, mais le déficit budgétaire reste important plus de 68,8 milliards de dirhams à fin novembre 2025 selon les derniers bulletins de la TGR.
Au-delà du bras de fer avec l’administration centrale, ce mouvement à la TGR illustre une réalité plus profonde : l’ambition d’une administration publique modernisée doit s’accompagner d’un dialogue social robuste et de conditions matérielles claires sur le terrain. Sans cela, même les réformes les mieux intentionnées risquent de se transformer en casse-tête bureaucratique avec, au bout du compte, un impact sur la qualité du service rendu au contribuable marocain.
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