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La Réalité Virtuelle, le chemin vers l’âme du monde ?




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Par Ali Bouallou

De prime abord, le titre a de quoi désarçonner mais en y regardant de plus près, il y a matière à ouvrir des pistes de réflexion fort intéressantes. 

La Réalité Virtuelle est une technologie postmoderne guidée par des principes et des valeurs qui ne sont nullement opposées à une démarche initiatique. 

En usant d’une réflexion cartésienne et d’une dialectique hégélienne, il est permis de dire que la Réalité Virtuelle œuvre pour un objectif noble, celui d’empêcher l’effondrement de l’humanité. 

Il est permis également d’affirmer, même si cela peut paraitre déraisonnable, que les masques, gants, écouteurs, costumes qui nous transportent dans des espaces de fiction pure peuvent influer positivement sur nos comportements pour changer notre vision du monde profane.  

En transposant ce contexte, il ne s’agit plus d’être dans une salle obscure devant un grand écran ou chez soi devant un petit écran, mais de participer intégralement à une expérience multi-sensorielle où tout reste à inventer ou réinventer. En Réalité Virtuelle, on parlera d’avatar. 

Dans la légende amérindienne du Cinquième Rêve relative à la création du monde, il est dit que l’avenir de l’humanité est la résultante des rêves de tous les humains. La Réalité Virtuelle permet en quelque sorte de définir les contours en constante évolution de cette force créatrice. 

Le créateur virtuel rêve d’un monde où la planète serait préservée du consumérisme destructeur de la biodiversité et des ressources non renouvelables.    

La Réalité Virtuelle a ses détracteurs et ses pourvoyeurs. Les premiers associent à la virtualité les thèses pessimistes suivantes, fiction, mensonge, tromperie, frustration, castration, manipulation, agressivité et enfin mort. Les seconds voient en la Réalité Virtuelle les thèses utopistes de réussir là où l’Homme a échoué : initier les masses à la connaissance de soi et à l’épistémologie.      

Le créateur virtuel finit par prendre conscience du caractère illusoire du monde. C’est ce que les hindous appellent Maya. Voir le monde réel comme une opinion et non un fait avéré, nous rend plus tolérants. Et cette tolérance permet au créateur virtuel d’élargir le champ des recherches, et donc des possibles, afin de dépasser la castration freudienne c.à.d. le sentiment d’impuissance devant un monde réel infiniment grand et difficilement manipulable par les désirs de notre psyché. 

Cela rappelle la symbolique de la Matrice du film Matrix. Ce film met en exergue deux ordres ontologiques, le monde sensible et le monde intelligible. Tous ceux qui vivent au sein de cette matrice n’ont aucune idée du monde réel qui les entoure.  

La Réalité Virtuelle donne une place centrale à la conscience et à une évolution conscientisée de l’humanité. Elle prend comme Madeleine de Proust la célèbre citation de François Rabelais au XVIe siècle « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». 

La philosophie est la science du bon usage de ce qu’on sait, c’est la thèse de Platon. La philosophie est la science du bien intelligible. Quant à la Réalité Virtuelle, elle se base sur les sciences numériques qui mettent en équation la vue, l’ouïe et le toucher, pour une meilleure perception du monde. Ces sens sont stimulés pour créer un environnement immersif et productif, en lien avec la conscience, la spiritualité et la dimension éthique.     

Je me permets d’introduire à ce stade le terme de « métavers » qui est une plate-forme de Réalité Virtuelle. Il est issu de la contraction de meta et universe. 

Meta est un préfixe grec qui signifie après, au-delà-de. Il exprime à la fois la réflexion, le changement, la succession et le fait d’aller de l’avant. Universe correspond au monde entier, ses habitants et tout ce qui existe en dehors.   
Le métavers est donc un méta-univers, ou un univers qui va au-delà de celui que nous connaissons. Il s’agit d’un monde virtuel structuré, ouvert, interopérable, composé de mondes virtuels affichés en 3D en temps réel, qui peut être vécu de manière synchrone et persistante par un nombre illimité d’utilisateurs, avec une sensation de présence individuelle et une continuité de données, comme l’identité, l’histoire, les droits, objets, communications, paiements…Dans ce qui suit, je me contenterai de la symbolique du métavers et non de son succès voire son échec commercial.

Si le metavers représente un immense progrès pour l’humanité, il n’en demeure pas moins stigmatisé de manière inconsciente à cause du chemin surprenant et contre-nature qu’il propose. Et de se poser la question si ces technologies nouvelles sont bonnes ou mauvaises, et si elles doivent être accessibles à une minorité, les initiés comme il est le cas actuellement, ou bien au plus grand nombre ? 

D’autres questions s’imposent, est ce que ces technologies peuvent-elles aider à comprendre les grandes questions de nos existences ? Peuvent-elles montrer que notre monde n’est qu’une suite d’égarements ? Peuvent-elles donner un sens à l’existence de Dieu ? 

Il s’agit donc d’éveiller l’inconscient collectif, concept développé par le psychiatre suisse Carl Gustav Jung (1875 – 1961) qui décrit un aspect de l’inconscient qui est partagé par tous les individus d’une société dotée d’une culture, de croyances, de mythes,  de symboles et enfin de désirs communs. Selon Jung, l’inconscient collectif est un aspect de la psyché humaine qui peut être découvert par l’analyse de ce qui précède en vue de comprendre les motivations et les comportements des individus.   

Dans la continuité, le philosophe français Gilbert Simondon (1924-1989) estime que la technologie est une extériorisation instinctive inhérente à notre biologie et à notre évolution. Il considère que les ensembles techniques ou technologiques sont des réseaux parfaitement rattachés au monde naturel. Ils ne sont donc que le prolongement de notre conscience collective ou de ce qui est appelé la noosphère (sphère de la pensée humaine) par le théologien philosophe français Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955). 

Il est donc légitime de se poser la question si l’apparition du métavers en 2020 était inéluctable. Etait-ce une finalité pour nous permettre un saut évolutif par rapport à l’appréciation du réel tout en ayant un aspect fictif ? 
 
Ce diptyque réel/virtuel amène à la notion de réalité mixte. Celle-ci ajoute à la virtualité la réalité augmentée c.à.d. l’ajout d’éléments virtuels et des images à un environnement physique réel en temps réel pour créer un environnement hydride, subtil, où se synchroniseraient les corps physique et numérique en vue d’une fusion parfaite.       

En d’autres termes, la Réalité Virtuelle consacre la production du nouveau ou ce que le philosophe français Gilles Deleuze (1925-1995) appelle l’empirisme transcendantal.

Le métavers offre des espaces pour éveiller chez l’être sa nature originelle en d’autres termes son état parfait où ce qu’appelle le philosophe andalou Ibn Tufayl au XIIe siècle « fitra » car il devient urgent pour les humains sur terre de retrouver l’âme du monde dans sa conception métaphysique selon les philosophes de l’Antiquité.

Pour Platon, l’âme du monde est un univers ordonné et intelligent, doté d’un corps, d’une âme et d’un esprit ; l’âme étant le lien entre le corps et l’esprit.

Les stoïciens évoquent, en parlant de l’âme du monde, la sympatheia, autrement dit la cohérence et l’harmonie entre toutes les parties du monde.

Pour Plotin, l’âme du monde est une réalité intelligible qui donne vie à l’univers, le met en mouvement et lui assigne ordre et mesure.

 Appelons de tous nos vœux que les jeunes générations, d’ici et d’ailleurs, avides de Réalité Virtuelle et des technologies y afférentes, prennent conscience des chemins offerts par cette postmodernité pour accéder à l’âme du monde.         



Jeudi 16 Janvier 2025

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