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La gourmandise vide les poches*


Rédigé par le Lundi 6 Décembre 2021

Ressources minières, marchés subsahariens, sabotage de l’influence du Maroc sur le continent noir, les termes du rapport des services de renseignement allemands sur le royaume sont bien loin du vocabulaire sur la démocratie et les droits humains que Berlin a longtemps essayé de nous vendre.



Isabelle Warenfels, cheffe du bureau du renseignement allemand pour l’Afrique et le Moyen Orient
Isabelle Warenfels, cheffe du bureau du renseignement allemand pour l’Afrique et le Moyen Orient
Le fameux rapport des services de renseignement allemands, le BND, portant sur l’influence grandissante du Maroc en Afrique subsaharienne et dont les confrères de la presse nationale ont fait leurs choux gras, pose bien plus de questions qu’il n’apporte de réponse.

D’abord le moment choisi pour la ‘divulgation’ du contenu dudit rapport par les médias allemands, peu connus pour marcher hors des lignes tracées par Berlin.

C’est donc un message officieusement adressé par l’Etat profond allemand autant à Rabat qu’à Alger, à Tel-Aviv et Washington qu’à Moscou et Pékin.

Quand à l’intitulé que les confrères allemands ont donné au rapport, « Nous ne voulons pas d’une nouvelle Turquie en Méditerranée occidentale », il prête plutôt à sourire. 

Ce que l’Allemagne veut ou ne veut pas ne concerne qu’elle. A moins que les Allemands ne s’attendent à ce que les Marocains se mettent au garde à vous, le bras tendu la paume vers le bas, en criant « Jawohl mein Fuhrer » !

Comparaison n’est pas raison

Quant à la comparaison du Maroc avec la Turquie, elle est surtout destinée à susciter l’inquiétude et l’appréhension du citoyen allemand lambda.

La population de Turquie, 83 millions d’habitants, représente plus du double de celle du Maroc et son Pib est près de sept fois plus important (717 milliards de dollars contre 118 milliards de dollars).

La Turquie est, par ailleurs, membre de l’Otan, ce qui n’est pas le cas du Maroc et, à ce titre, ce dont elle a bénéficié longtemps durant pour renforcer son appareil militaire.

Lorsque les médias occidentaux dénoncent l’instrumentalisation des flux migratoires vers l’Europe par le gouvernement turc, ils omettent, toutefois, de souligner que c’est la manière pour Ankara de réclamer à ses alliés de l’Otan son paiement pour son implication active dans la tentative de changement de régime en Syrie.

La faim des ressources minières

En fait, le Maroc pose problème à l’Allemagne sur d’autres plans, moins ‘chics’ à médiatiser, mais néanmoins clairement cités dans le rapport du BND, signé par la cheffe du bureau du renseignement pour l’Afrique et le Moyen Orient, Isabelle Warenfels.

Il y a d’abord l’accès aux marchés d’Afrique du nord et delà, ceux d’Afrique subsaharienne. Dans ce cadre, l’alliance du Maroc avec Israël est perçue comme une menace par l’Allemagne.

En d’autres termes, un Maghreb fournisseur d’énergie et autres ressources minières et produits agricoles et client des pays de l’Union européenne pour le reste de ses besoins, c’est bien vu par Berlin.

Mais un pays maghrébin qui noue des partenariats pour stimuler son industrialisation et son développement et, qui plus est, s’implante activement sur les marchés subsahariens, c’est, de toute évidence, perçu par les Allemands comme ‘totalement antidémocratique et contraire aux droits humains’.

L’espion qui vient du chaud

Si même les ‘untermensch’ (sous-hommes, qualificatif autrefois accolé par les nazis à tous les peuples non-aryens) d’Afrique du nord se mettent à s’industrialiser, que vont devenir les pays d’Europe ?

Qui plus est avec le soutien des ‘Juden’ (juifs en allemand) ! Alfred Rosenberg doit s’en retourner dans sa tombe.

Pour ne rien arranger, les espions allemands sont formels : leurs confrères marocains sont aussi ‘féroces et obstinés’ que l’étaient leurs grands-parents soldats montés à l’assaut de Monté-Cassino, qui ont terrorisé les parachutistes de la Waffen SS.

Cela doit être génétique et les Allemands comprennent très bien toutes ces choses relatives aux ethnies.

Le choc pour les espions du BND est de constater que leurs confrères marocains opèrent aussi bien en Europe occidentale, dont ils sont culturellement assez proches, qu’en Europe orientale, avec laquelle les Marocains n’ont pas tellement d’affinités.

Cette capacité des services de renseignement marocains à étendre leur zone d’activités à des espaces géographiquement et culturellement éloignés a fait comprendre aux Allemands que les Marocains jouent désormais dans la catégorie supérieure.


Un nain politique

C’est d’ailleurs non sans dépit qu’Isabelle Warenfels constate, dans le rapport suscité, que le BND a gaspillé, en vain, des deniers publics allemands pour tenter de saboter l’implantation des entreprises marocaines en Afrique subsaharienne ainsi que l’influence du royaume sur le continent.

Les Allemands souffrent également que les Américains les ont traités, concernant l’affaire du Sahara, comme les nains politiques qu’ils sont et ce devant les Africains.

Les Russes, les Chinois et les Iraniens aussi savent, d’expérience, que les Européens sont les laquais des Américains, les Allemands plus que les autres, culture de l’obéissance oblige. Ainsi, quand Paris a lancé l’idée d’une armée européenne, elle s’est faite répondre par Berlin : « Otan, Otan, Otan… ».

Mais que les Africains s’en rendent également compte, ‘shei***’ !

C’est que les Allemands avaient tracé toute une stratégie pour soulager les Africains de leurs ressources minières, qu’ils destinaient à l’alimentation de leur industrie.

Puis vint ce satané virus Covid, qui a non seulement retardé le début de mise en œuvre de ladite stratégie, mais aussi révélé au grand jour le degré d’enracinement de l’esprit de solidarité chez les Occidentaux.

Un faible pour les tocards

Entretemps, les Israéliens ont avancé leurs pions en Méditerranée occidentale, promouvant leurs propres intérêts, qui ne convergent pas forcément dans cette zone géopolitique en regain d’importance.

Or, tout le monde sait qu’il est totalement impossible de critiquer Israël en Allemagne. Que des agents du Mossad exécutent des militants du Hamas sur le parvis du Bundestag, le parlement allemand, les députés vont tout simplement tirer les rideaux pour éviter de voir quoi que ce soit.

Il serait erroné de croire que Berlin mise sur des tocards en Afrique du nord par manque de lucidité. C’est l’essence même de sa stratégie que de traiter avec des Etats défaillants, puisque les Allemands cherchent des régimes serviles, pas des partenaires à traiter sur un pied d’égalité.

Sebta et Mellilia étouffent, intelligemment transformés par le Maroc de sources de recettes pour l’Espagne en charges insupportables pour ce pays, dans le but légitime de récupérer ces dernières brindilles coloniales en terre d’Afrique ? Isabelle Warenfels propose de verser des deniers publics allemands dans ces tonneaux des danaïdes.

Mêmes causes, mêmes effets

Vous vous rappelez de ‘Desertec’ ? Ce mégaprojet relatif à l’énergie solaire, les Allemands ont d’abord prévu de l’implanter cher leurs protégés algériens.

Comme les dirigeants politiques du pays voisin sont d’une rare médiocrité et dans l’incapacité chronique de réussir quoi que ce soit d’utile, c’est le Maroc qui s’est emparé de cette opportunité et cela s’est traduit par les parcs solaires Noor Ouarzazate.

Eh bien les Allemands ont décidé de s’inspirer des propos du célèbre physicien d’origine allemande, Albert Einstein, qui disait : « la folie, c'est de faire toujours la même chose et de s'attendre à un résultat différent ».

En conséquence de quoi, Berlin semble très intéressée de relancer le projet de station photovoltaïque aux confins de l’Algérie et de la Libye !

On s’imagine aisément les visages des terroristes takfiris, qui sévissent dans la zone à haut risque saharo-sahélienne, rayonner de larges sourires à cette perspective.

S’ils ont déjà réussi à attaquer, en 2013, le site gazier d’Aïn Amennas en Algérie, à proximité de la Libye, s’en prendre à une station photovoltaïque ne doit pas être plus compliqué. C’est à se demander si Isabelle Warenfels est capable de situer cette zone sur une carte.

‘Lili Marlène’ ou ’99 Luftballons’ ?

Les services secrets allemands, le BND, ont été crées par un officier nazi, Reinhard Gehlen, qui a évité le procès de Nuremberg en se mettant au service des Américains.

Il est à parier que ses successeurs vont cueillir les mêmes résultats en Afrique du Nord que lui sur le front de l’Est, pendant la seconde guerre mondiale.

Il y a déjà erreur sur la référence choisie, le nouveau Maroc n’étant pas une nouvelle Turquie. Ce dernier pays est enclavé en Méditerranée orientale, alors que le Maroc est ouvert sur le large Atlantique.

Quand à l’accès aux terres rares dont l’industrie allemande a tellement besoin pour fabriquer des voitures électriques, Isabelle Warenfels doit d’abord chanter ‘Lili Marlène’ en darija sur la place Mechouar à Laayoune.

Des deux côtés de la frontière Maroc-Algérie, actuellement on écoute plutôt ’99 Luftballons’.

*Proverbe allemand





Ahmed Naji
Journaliste par passion, donner du relief à l'information est mon chemin de croix. En savoir plus sur cet auteur
Lundi 6 Décembre 2021

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