Une maladie féminine invisibilisée
Souvent confondu avec un œdème bénin, le lymphœdème est pourtant une affection chronique grave. Il se manifeste par une accumulation anormale de liquide lymphatique dans les tissus, provoquant un gonflement persistant – principalement des bras ou des jambes, mais parfois aussi d'autres zones du corps. Cette maladie touche environ 300 000 personnes en France, dont près de 85 % sont des femmes.
Deux formes principales existent : le lymphœdème primaire, d’origine congénitale ou génétique, et le lymphœdème secondaire, qui apparaît à la suite d’une chirurgie, d’un traitement contre le cancer, d’une infection ou d’un traumatisme. Les femmes ayant subi un traitement pour un cancer du sein représentent une grande majorité des cas de lymphœdème secondaire.
Malgré ces réalités, la maladie reste peu connue, même au sein du monde médical. Le diagnostic est souvent retardé, ce qui conduit à une errance médicale pour de nombreuses patientes, aggravant leur situation.
Comprendre pour mieux repérer
Le système lymphatique joue un rôle essentiel dans le corps humain : il draine les excès de liquide, filtre les agents pathogènes et transporte les cellules immunitaires. Lorsqu’il est défectueux ou endommagé, la lymphe stagne et provoque des gonflements chroniques.
Contrairement à un œdème veineux qui peut disparaître avec du repos, le lymphœdème s’installe durablement. Les symptômes incluent une sensation de lourdeur, un gonflement souvent asymétrique, une peau tendue et douloureuse, ainsi qu’un risque accru d’infections locales.
Il débute parfois de façon insidieuse, avec une simple gêne ou une légère enflure en fin de journée, avant de devenir handicapant.
L’errance médicale, une double peine pour les femmes
Diagnostiquer le lymphœdème reste un parcours du combattant. Dès l’enfance, certaines jeunes filles commencent à ressentir des symptômes sans recevoir de réponses claires. Axelle, aujourd’hui âgée de 18 ans, a vécu cette réalité dès l’âge de cinq ans, quand sa jambe a commencé à enfler.
Les hypothèses médicales allaient de l’allergie à des piqûres d’insectes, voire des caprices d’enfant. Plusieurs semaines et de nombreux examens ont été nécessaires avant d’obtenir un diagnostic de lymphœdème primaire.
Ce type d’errance est courant. Nombre de patientes voient leurs douleurs minimisées, leurs inquiétudes attribuées au stress ou à l’anxiété. Comme pour d’autres maladies touchant majoritairement les femmes, le manque de formation médicale sur le sujet renforce ces biais de genre.
Prise en charge : agir tôt pour éviter le pire
Un diagnostic précoce est crucial. Il repose généralement sur un simple examen clinique, complété si besoin par des techniques d’imagerie spécifiques comme la lymphoscintigraphie. Il n’existe pas de traitement curatif à ce jour, mais des solutions permettent de soulager les symptômes et de ralentir l’évolution.
Le port de vêtements compressifs, le drainage lymphatique manuel, les bandages médicaux et la prévention des infections sont les principaux outils pour contrôler la maladie. Ces soins doivent être continus et adaptés.
Une question de justice en santé
Le lymphœdème est une maladie silencieuse, peu visible, peu reconnue. Pourtant, il transforme profondément le quotidien de celles qui en souffrent : douleurs, isolement, changements corporels, impact sur l’image de soi.
Chaque année, la Journée mondiale du lymphœdème, le 6 mars, tente de sensibiliser le public. Mais ces initiatives restent rares, et les moyens alloués à la recherche ou à la formation médicale sont encore insuffisants. Le silence qui entoure cette maladie reflète un désintérêt plus large pour les pathologies dites « féminines ».
Pourtant, faire connaître le lymphœdème est un impératif. Car derrière chaque jambe gonflée ou chaque bras douloureux, il y a une histoire. Celle de femmes invisibilisées, mais résilientes, qui refusent de se taire. Témoigner, informer, briser les tabous : c’est déjà soigner. Et c’est aussi rendre justice à celles qui, trop souvent, ont été oubliées.