Des stories Instagram aux Reels TikTok, le matcha est partout. Latte onctueux, glaces pastel, smoothies vitaminés ou pâtisseries revisitées : le thé vert japonais a colonisé les timelines et les palais.
À l’instar de Paris, New York ou Londres, les grandes villes marocaines voient s’étirer les files d’attente devant les enseignes qui surfent sur cette tendance.
Le hashtag #matcha dépasse aujourd’hui les 8 millions de publications à l’échelle mondiale, et le Maroc ne fait pas exception à cette déferlante verte.
Un engouement porté par les influenceurs
Le succès du matcha au Maroc n’aurait sans doute pas pris une telle ampleur sans l’activisme numérique des influenceurs locaux. Ces derniers, souvent suivis par des milliers – voire des centaines de milliers – d’abonnés, vantent avec ferveur ses supposés bienfaits : une concentration améliorée, une peau plus nette, une énergie durable et même, pour certains, une aide à la perte de poids.
Beaucoup affirment avoir troqué leur traditionnel café noir pour une tasse mousseuse de matcha, plus douce, plus saine, plus « Instagrammable ».
Des boutiques en ligne marocaines ont flairé l’opportunité : elles proposent aujourd’hui des sachets de poudre importée directement de Kyoto, estampillés bio, premium, ou encore « grade cérémonial ».
Un discours bien-être à double tranchant
Mais derrière cet engouement se cache une réalité plus complexe. Car si le matcha regorge bel et bien d’antioxydants et de catéchines bénéfiques, sa consommation excessive n’est pas sans conséquence.
Des nutritionnistes marocains tirent déjà la sonnette d’alarme : la teneur en caféine du matcha reste élevée, et absorbée plusieurs fois par jour, elle peut provoquer nervosité, palpitations ou troubles du sommeil, en particulier chez les personnes sensibles ou les plus jeunes consommateurs.
Une tension mondiale sur le marché du thé japonais
À l’échelle internationale, la mode du matcha crée même des tensions d’approvisionnement. Au Japon, et notamment à Kyoto, l’une des régions productrices les plus réputées, les cultivateurs peinent à suivre la cadence. Certains imposent des quotas de vente, d’autres annoncent des délais de plusieurs mois.
En dix ans, la production de tencha — la feuille utilisée pour fabriquer le matcha — a triplé, mais le nombre de cultivateurs ne cesse de baisser, la faute au vieillissement de la population agricole.
Un paradoxe : plus la poudre verte devient rare, plus elle fascine. Au Maroc comme ailleurs, cette rareté ne freine pas l’engouement ; elle l’amplifie.
Le matcha devient un produit de luxe, un « or vert » vanté par les influenceurs comme un trésor bien-être à consommer sans modération… alors qu’il faudrait justement faire l’inverse.
Et le café dans tout ça ?
Faut-il craindre une disparition du café dans les tasses marocaines ? Pas vraiment. Mais une mutation est en cours, notamment chez les jeunes urbains. Plus conscients de leur santé, plus exposés aux tendances mondiales, ils bousculent les codes traditionnels de consommation.
Et même si le matcha ne remplacera sans doute pas le café des terrasses populaires, il en redessine les contours dans certains cercles.
Ce que révèle cette vague verte, au fond, ce n’est pas seulement une histoire de boisson, mais une transformation plus large : celle d’un rapport au corps, au bien-être, à l’image. Dans cette nouvelle ère où tout est mode et message, le matcha est peut-être moins une révolution gustative qu’un miroir de notre époque.