Des problèmes structurels, pas genrés
Depuis quelque temps, une idée insidieuse refait surface dans certains discours : celle selon laquelle la crise que traversent des secteurs tels que l’enseignement, la santé ou encore la justice serait liée à leur féminisation croissante. En d’autres termes, plus ces domaines comptent de femmes, plus ils s’effondreraient. Derrière ce raisonnement faussement logique, se cachent des stéréotypes de genre bien ancrés, et une tendance dangereuse à chercher des coupables là où il faudrait chercher des responsabilités politiques.
Il faut dire les choses franchement : ce genre de propos est sexiste, paresseux et dangereux. On remet sur le tapis la vieille rengaine des femmes soi-disant incapables d’exercer l’autorité, trop dans l’émotion, dans le "care", dans le maternage...
On nous parle de « féminisation » comme d’une maladie qui aurait rongé des secteurs autrefois prestigieux. Mais qui a décidé que l’autorité devait avoir une voix grave, des épaules larges et une absence totale d’écoute ?
Ce n’est pas les femmes, c’est l’État qui vous a lâchés
L’effritement de ces piliers du service public n’est pas une question de genre, mais de gestion. Le manque criant de moyens, la surcharge de travail, les démissions massives, les politiques néolibérales, le manque de reconnaissance salariale et sociale : voici les véritables causes.
Réduire la complexité de ces problèmes à la composition genrée des effectifs est non seulement simpliste, mais aussi injuste envers les femmes qui s’y investissent corps et âme.
Ce n’est pas parce qu’il y a plus de femmes dans l’enseignement que l’école va mal. C’est parce qu’on a laissé les profs crever à petit feu, avec des classes surchargées, des salaires indécents, une perte de sens du métier, et une hiérarchie déconnectée du terrain.
Ce n’est pas parce qu’il y a plus d’infirmières que l’hôpital s’effondre, mais parce que le système de santé est sacrifié depuis des décennies.
Ce n’est pas parce qu’il y a des femmes magistrates qu’il y a des retards judiciaires, mais parce que les tribunaux sont engorgés, les moyens manquent, et la machine tourne à vide.
On accuse celles qui restent quand les autres partent
Quand un secteur se précarise, devinez qui reste ? Ce sont les femmes. Pourquoi ? Parce qu’on leur a toujours appris à tenir, à prendre soin, à ne pas lâcher. Les hommes, eux, fuient souvent ces métiers dès qu’ils ne rapportent plus assez, dès qu’ils perdent leur prestige.
Alors on se retrouve avec des professions féminisées non pas parce que les femmes ont pris la place, mais parce qu’elles sont les seules à tenir la barre quand tout coule.
Et aujourd’hui, au lieu de les remercier, on les accuse. Quelle ironie.
Assez de ces clichés pourris
Et c’est exactement ce dont on a besoin aujourd’hui. Pas d’un retour à la matraque, mais d’une refondation autour de l’humain. De toutes les personnes humaines. Femmes comprises
Le vrai problème, c’est pas les femmes. C’est qu’on ne veut pas changer.
Qu’elles imposent un autre rapport au pouvoir, à l’autorité, au savoir. Et ça, pour certains, c’est insupportable.
Alors non, ce n’est pas à cause des femmes. C’est à cause d’un système qui s’effondre et qui, comme toujours, cherche à faire porter la faute à celles qui tiennent encore debout. À celles qui soignent, qui enseignent, qui jugent, qui accompagnent. C’est trop facile, trop lâche, et surtout, trop vieux. Il est temps de regarder ailleurs. Et surtout, de la fermer un peu, quand on n’a rien d’autre à dire que "c’est bizarre, quand même".