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Non, ce n’est pas à cause des femmes. Faut arrêter les conneries


Rédigé par le Vendredi 9 Mai 2025

Ça commence toujours par un "je dis ça, je dis rien", puis ça enchaîne sur "c’est bizarre quand même", et ça finit par pointer du doigt les femmes comme responsables d’un système en crise. Ces dernières semaines, on voit fleurir des discours rétrogrades, habillés d’humour et de nostalgie, qui osent insinuer que si l’école s’effondre, que la santé publique suffoque ou que la justice peine à suivre, c’est peut-être un peu à cause des femmes. Trop nombreuses, trop gentilles, pas assez fermes. Sérieusement ?



Des problèmes structurels, pas genrés

Depuis quelque temps, une idée insidieuse refait surface dans certains discours : celle selon laquelle la crise que traversent des secteurs tels que l’enseignement, la santé ou encore la justice serait liée à leur féminisation croissante. En d’autres termes, plus ces domaines comptent de femmes, plus ils s’effondreraient. Derrière ce raisonnement faussement logique, se cachent des stéréotypes de genre bien ancrés, et une tendance dangereuse à chercher des coupables là où il faudrait chercher des responsabilités politiques.

Il faut dire les choses franchement : ce genre de propos est sexiste, paresseux et dangereux. On remet sur le tapis la vieille rengaine des femmes soi-disant incapables d’exercer l’autorité, trop dans l’émotion, dans le "care", dans le maternage...

On nous parle de « féminisation » comme d’une maladie qui aurait rongé des secteurs autrefois prestigieux. Mais qui a décidé que l’autorité devait avoir une voix grave, des épaules larges et une absence totale d’écoute ?


Ce n’est pas les femmes, c’est l’État qui vous a lâchés

L’effritement de ces piliers du service public n’est pas une question de genre, mais de gestion. Le manque criant de moyens, la surcharge de travail, les démissions massives, les politiques néolibérales, le manque de reconnaissance salariale et sociale : voici les véritables causes.

Réduire la complexité de ces problèmes à la composition genrée des effectifs est non seulement simpliste, mais aussi injuste envers les femmes qui s’y investissent corps et âme.

Ce n’est pas parce qu’il y a plus de femmes dans l’enseignement que l’école va mal. C’est parce qu’on a laissé les profs crever à petit feu, avec des classes surchargées, des salaires indécents, une perte de sens du métier, et une hiérarchie déconnectée du terrain.

Ce n’est pas parce qu’il y a plus d’infirmières que l’hôpital s’effondre, mais parce que le système de santé est sacrifié depuis des décennies.

Ce n’est pas parce qu’il y a des femmes magistrates qu’il y a des retards judiciaires, mais parce que les tribunaux sont engorgés, les moyens manquent, et la machine tourne à vide.

 


On accuse celles qui restent quand les autres partent

Quand un secteur se précarise, devinez qui reste ? Ce sont les femmes. Pourquoi ? Parce qu’on leur a toujours appris à tenir, à prendre soin, à ne pas lâcher. Les hommes, eux, fuient souvent ces métiers dès qu’ils ne rapportent plus assez, dès qu’ils perdent leur prestige.

Alors on se retrouve avec des professions féminisées non pas parce que les femmes ont pris la place, mais parce qu’elles sont les seules à tenir la barre quand tout coule.

Et aujourd’hui, au lieu de les remercier, on les accuse. Quelle ironie.


Assez de ces clichés pourris

Depuis quand la bienveillance est un défaut ? Depuis quand l’écoute serait une faiblesse ? Pourquoi la rigueur devrait-elle toujours s’incarner dans une figure autoritaire, froide, masculine ? Ce qu’on appelle "féminisation", c’est souvent l’entrée de valeurs plus humaines dans des systèmes figés.

Et c’est exactement ce dont on a besoin aujourd’hui. Pas d’un retour à la matraque, mais d’une refondation autour de l’humain. De toutes les personnes humaines. Femmes comprises

Le vrai problème, c’est pas les femmes. C’est qu’on ne veut pas changer.

On ne supporte pas de voir des femmes occuper l’espace, même quand elles font tourner des secteurs à bout de bras. Ce qui gêne, ce n’est pas leur prétendue incompétence – car elles en ont largement fait la preuve – mais le fait qu’elles dérangent l’ordre établi.

Qu’elles imposent un autre rapport au pouvoir, à l’autorité, au savoir. Et ça, pour certains, c’est insupportable.

Alors non, ce n’est pas à cause des femmes. C’est à cause d’un système qui s’effondre et qui, comme toujours, cherche à faire porter la faute à celles qui tiennent encore debout. À celles qui soignent, qui enseignent, qui jugent, qui accompagnent. C’est trop facile, trop lâche, et surtout, trop vieux. Il est temps de regarder ailleurs. Et surtout, de la fermer un peu, quand on n’a rien d’autre à dire que "c’est bizarre, quand même".

Sexisme ordinaire, Féminisation des métiers, Services publics en crise, Inégalités de genre, Dévalorisation du travail des femmes, Autorité et stéréotypes






Salma Labtar
Journaliste sportive et militante féministe, lauréate de l'ISIC En savoir plus sur cet auteur
Vendredi 9 Mai 2025


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