Le monde du travail marocain évolue à grande vitesse sous l’effet de la numérisation, de la généralisation du cloud, et surtout de l’irruption de l’intelligence artificielle dans les tâches quotidiennes. Dans les médias, les services, les métiers créatifs, l’assistance juridique ou médicale, les call centers ou encore la gestion de documents, des milliers de travailleurs utilisent aujourd’hui, consciemment ou non, des outils d’IA pour produire plus, plus vite, et souvent pour moins cher.

Cette transformation appelle une reconnaissance légale d’une nouvelle figure émergente : le travailleur dit “augmenté”, c’est-à-dire une personne dont l’activité repose de manière essentielle sur l’usage de technologies intelligentes, tout en assumant un rôle actif, créatif ou décisionnel dans le processus de travail. Cette reconnaissance ne relève pas de l’anecdotique. Elle vise à prévenir l’éclatement des statuts, la montée de la précarité cognitive et la dilution des responsabilités dans les entreprises et les plateformes numériques.

Le statut de travailleur augmenté pourrait s’appliquer à des salariés, des freelances ou des auto-entrepreneurs marocains qui, sans être techniciens informatiques, réalisent leur production avec l’appui d’un système algorithmique génératif, d’un robot conversationnel, d’un outil de synthèse, de recommandation ou de traitement automatisé.

Ce nouveau statut, à créer dans le Code du travail, offrirait un cadre juridique hybride : il ne viserait pas à enfermer ces professionnels dans un carcan, mais à garantir un socle de droits fondamentaux. Parmi ceux-ci : l’accès à une protection sociale obligatoire simplifiée, le droit à la formation continue aux outils numériques utilisés, un cadre clair de responsabilité en cas de contenu erroné produit avec une IA, et un droit à la déconnexion numérique modulé selon les usages réels de ces outils.

Par ailleurs, ce statut permettrait d’encadrer les pratiques des entreprises qui externalisent des tâches automatisables à de faux indépendants non protégés, notamment via des plateformes étrangères. Toute entité faisant travailler des personnes dans des conditions proches de la subordination technologique serait tenue de les déclarer, sous peine de requalification automatique du lien de travail.

Enfin, le futur statut de travailleur augmenté devrait s’accompagner d’une obligation de traçabilité des outils numériques utilisés dans la chaîne de valeur, afin d’éviter que les responsabilités professionnelles soient dissimulées derrière des machines.

En mettant en place ce statut, le Maroc s’équiperait d’un outil moderne pour faire le lien entre innovation, équité sociale et souveraineté numérique, tout en valorisant les talents qui font vivre l’économie digitale, de Marrakech à Oujda, en passant par Khouribga ou Agadir.

« Encore un nouveau statut ! Après les auto-entrepreneurs, les freelances, les portés, voilà les ‘augmentés’. On croit rêver. Le problème, ce n’est pas de créer un nouveau statut, c’est d’appliquer les anciens. Pourquoi parler de ‘socle de droits’ quand les travailleurs classiques eux-mêmes peinent à faire respecter leurs contrats, leurs congés, leur CNSS ?

Et puis qu’est-ce qu’un ‘travailleur augmenté’ dans un pays où l’IA est utilisée sans contrôle, avec des modèles étrangers, des outils piratés ou mal compris ? On va offrir un statut pour ceux qui utilisent ChatGPT ou Midjourney ? Et qui va vérifier ? Qui va encadrer les plateformes chinoises ou américaines qui payent en cryptomonnaie ?

Ce genre d’article risque de créer un statut de seconde zone, flou, mal défendu, et parfait pour contourner le salariat. L’IA doit être régulée, pas glorifiée. Le droit du travail doit protéger, pas cataloguer les nouvelles espèces d’indépendants connectés. »