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Quand Le Monde censure Mustapha Sehimi


Rédigé par La rédaction le Samedi 9 Janvier 2021

L'universitaire et politologue marocain de renom, Mustapha Sehimi, s'est indigné, vendredi, du refus de la rédaction du lemonde.fr de publier une tribune qu'il a rédigée en réponse à deux articles à charge publiés fin décembre et début janvier au sujet du Sahara marocain, qualifiant la réaction du média français de "parti pris" et de "censure".



Tribune censurée adressée au site lemonde.fr à lire dans second paragraphe

Rappelant les faits, M. Sehimi indique que, le 28 décembre 2020, la plateforme électronique publie une tribune signée par François Dubousson, professeur à l’Université libre de Bruxelles et Ghislain Poissonnier contenant, pour l'essentiel, la vulgate habituelle sur les provinces méridionales du Royaume, et faisant part d'un regain de tension dans cette région, sans oublier les droits humains au second plan".

Le 30 décembre, M. Sehimi envoie, à la correspondante au Maroc du lemonde.fr et à sa rédaction-en-chef à Paris, une réplique qui offre une "mise en perspective historique et politique d’un processus de décolonisation enclenché par le Maroc depuis 1963 jusqu'en 1975", indique-t-il dans une tribune intitulée "Lemonde.fr et le Maroc: Le parti pris comme… censure".

Un rappel qu’il juge "nécessaire (...) pour que leurs lecteurs aient une information circonstanciée permettant une appréhension conséquente des multiples aspects de cette cause nationale".

 "Aucun accusé de réception", s’indigne ce professeur de droit à l’Université Mohammed V à Rabat.

 Ce n’est que le 6 janvier que la journaliste lui fait savoir qu’elle a été informée que la tribune ne pourra pas être publiée, "compte tenu du nombre important de textes qu’ils reçoivent pour un espace limité", indique M. Sehimi.

 Le 4 janvier, poursuit le politologue, un chercheur de l’IESA-CSIC (Cordoue) Thierry Desrues, a droit, lui, à une tribune sur cette même thématique avec ce titre : "Au Maroc, une victoire diplomatique sur le Sahara au risque d’une défaite morale sur la question palestinienne".

 Il s’agit là d'une "resucée mettant en relief l'état d’esprit des Marocains réduit à une plateforme de certaines associations campant depuis toujours dans une sorte de +front du refus+ - dans le registre +plus palestinien que les palestiniens+, comme l’avait déclaré Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, voici plus de trois mois", s'insurge l'universitaire.

 Il fait savoir que le 7 janvier, après une relance demandant un accusé de réception de la tribune, "voilà la rédactrice en chef adjointe, Marie de Vergès, qui se résout enfin à me saisir pour s'excuser du retard de sa réponse et m’informer que +nous n’allons pas pouvoir publier car nous avons déjà abondamment traité le sujet ces dernières semaines+".

 "Traité comment ? Et par qui ? Avec quel éclairage ? Où est le pluralisme ?", s'interroge M. Sehimi, qui voit en ces réactions "un paravent – transparent d’ailleurs – d'un parti pris. Une forme de censure qui ne s’assume pas ! Affligeant…"

 Contacté par la MAP, M. Sehimi a souligné que Le Monde a réagi d’une manière "contraire à ses propres principes affichés d'ouverture et de pluralisme", faisant observer que cet organe de presse a publié deux articles "de mauvaise foi (...) qui procèdent d’un parti pris et d’une hostilité récurrente à l’endroit du Maroc".

 Cette réaction est autant plus aux antipodes des règles de la profession journalistique - dont se réclame Le Monde - que la tribune qu’il a envoyée à la rédaction de ce média est un "article équilibré et informatif", qui met en avant des "éléments d’information sur un processus de décolonisation enclenché il y a plus d'un demi-siècle".

(MAP)

Tribune censurée adressée lemonde.fr

Madame la Rédactrice en Chef,

Je vous prie de publier ma réaction à la tribune précitée. Elle se justifie, me semble-t-il, par les exigences éditoriales de votre publication - ouvertes et pluralistes- mais aussi par le souci d'apporter un certain nombre d'éléments d'information de nature à mieux informer sans doute vos lecteurs.
 

Sur le statut de l'ex-Sahara occidental auquel font référence les deux auteurs, il faut rappeler que c'est le Maroc qui, en 1963, a fait inscrire cette question sur la liste des territoires non autonomes de l'ONU. C'était là le prolongement d'un recouvrement de son intégrité territoriale dans le cadre d'un processus de décolonisation, l'Espagne étant puissance occupante avec un protectorat institué en 1884. En avril 1958, dans l'accord de Cintra, Madrid a cédé la ville saharienne de Tarfaya; puis, ce furent les négociations sur la récupération d'Ifni et du Sahara occidental, bien imbriquées à cette date. Le comité de décolonisation – la 4ème commission - saisi a adopté pour la première fois, le 16 octobre 1964, un projet de résolution demandant à l'Espagne, puissance administrante, de prendre des mesures dans ce sens. Une position réitérée par l'Assemblée générale des Nations Unies (2072 -XX - 28 décembre 1965 ) demandant instamment au gouvernement de Madrid, de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour la libération de la domination coloniale" de ces deux territoires. Ils seront dissociés par l'Assemblée générale (Résolution du 20 décembre 1966), ce qui a conduit après deux ans de négociations au transfert au Maroc de la souveraineté sur Ifni (Traité de Fès, 4 janvier 1969).

 

Restait l'organisation d'un référendum auprès des "habitants autochtones" élargi au "retour des exilés dans le territoire". Les trois pays maghrébins (Maroc, Algérie, Mauritanie) étaient divisés, malgré le sommet de Nouadhibou (14 septembre 1970). L'Algérie se présentait alors comme "partie intéressée" pour des considérations notamment géopolitiques régionales, le territoire étant contigu à ses frontières. La Mauritanie, aussi, en s'appuyant sur des liens géographiques, mais aussi culturels et historiques. L'Espagne a mis à profit ces divisions pour élargir les attributions de la "Jemaa", mise sur pied le 11 mai 1967 et qui n'avait alors qu'un rôle consultatif marginal. Madrid accélère le déploiement de sa politique et tente alors d'organiser un référendum, prélude au basculement de l'"autonomie" à une indépendance formelle, annoncé pour le premier semestre 1975. 

 

Le Maroc réagit énergiquement. Il dénonce ainsi toute décolonisation unilatérale ne prenant pas en compte les résolutions onusiennes ni la participation des pays concernés. Pour obtenir un sursis contraignant pour Madrid, le Maroc saisit alors l'Assemblée générale de 1’ONU pour qu'elle demande à la Cour internationale de justice (CIJ) - dont le siège est à la Haye - un avis consultatif sur la question du Sahara occidental. Ce sera fait avec la Résolution 3292 du 13 décembre 1974. La Cour a rendu son avis le 16 octobre. Elle conclut que le territoire n'était pas terra nullius tout en relevant " l'existence, au moment de la colonisation espagnole, de liens juridiques d'allégeance entre le Sultan du Maroc et certaines tribus vivant sur le territoire du Sahara occidental" (& 162, avis consultatif). Fort de cet avis, le Roi Hassan II annonce le jour même l'organisation d'une marche historique de 350.000 volontaires en direction du Sahara- la "Marche Verte", le 6 novembre. Les accords de Madrid, en date du 14 novembre, viennent sceller le processus de retrait de l'Espagne, le 28 février 1976. 

 

Est également mis en avant un autre argument qui ne résiste pas davantage à l'examen. Référence est ainsi faite à des accords européens avec le Maroc (pêche, agriculture, transport aérien, ...) économiques et commerciaux qui, à leurs yeux, traduisent une -"reconnaissance officielle de la souveraineté marocaine" sur l'ensemble de son territoire y compris ses provinces sahariennes méridionales. 

 

Le problème posé ici est le suivant : celui du principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles. Sur cette référence, il est ainsi allégué que l’exploitation des ressources du Sahara ne peut se faire qu’avec l’accord du Polisario, présenté volontiers comme le seul représentant légitime du « peuple du Sahara occidental ». Dans certains arrêts, la Cour de justice européenne (CJUE) a repris cette assertion dans ses décisions. Juridiquement non fondées, elles sont cependant entachées d’un excès de pouvoir manifeste: cette juridiction élargit sa compétence à propos d’un différend ne relevant pas de son ressort ; elle se prononce en effet sur le statut juridique d’un territoire étranger. Au surplus, elle considère que le titulaire de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles serait le « peuple » sahraoui. D’où elle conclut que tout accord entre le Maroc et l’Union européenne est inapplicable au Sahara s’il n’est pas  assorti expressément du consentement de la population de ce territoire dont le représentant légitime ne serait que le Polisario. Au regard du droit international, l’UE conclut des accords avec des Etats, pas avec un mouvement   ou une entité qui n’a pas un tel statut. Le Polisario n’est pas reconnu par 164 Etats membres de l’ONU ; il ne l’est pas ni par l’Organisation de la Conférence islamique (OCI) ni par la Ligue arabe ni par des organisations régionales. Il n’y a que l’Union africaine qui lui a octroyé un statut de membre, en 1984, dans des conditions particulières … Dans  l’ UA, il n’est pas reconnu par 38 Etats membres sur un total de 54. Dans cette même ligne, il vaut de rappeler qu’en 2002.

 

De quoi activer et conforter un processus conduisant à terme à une normalisation découplée dans deux domaines par suite de l’impact de la décision du président Trump du 10 décembre: la finalisation d’une solution politique, négociée et réaliste, de la question du Sahara; et, dans la même dynamique, pourrait-on dire, avec l’Etat d’Israël. Une revitalisation de la paix, de la stabilité et de la sécurité au Maghreb, dans la région et au Proche-Orient.

 

En 2002, les Nations Unies ont publié un avis juridique qui légitime, et partant valide les contrats relatifs aux ressources au Sahara marocain entre des entreprises locales dans ces provinces, ou encore des Etats ou entreprises étrangères. Une position qui a été appréciée sur la base d'une analyse et d'une évaluation de la primauté des  intérêts  des populations et de leur consentement.

 

 Au plan institutionnel, des avancées ont été capitalisées lors des deux décennies écoulées: l'Initiative marocaine d'autonomie avancée présentée au Conseil de sécurité le 11 avril 2007, la nouvelle Constitution du 29 juillet 2011, enfin le nouveau modèle de développement présenté par le Roi en novembre 2015 (100 milliards de dirhams d'investissement, réalisés aujourd'hui pratiquement à hauteur de 70 %).

 

Pour ce qui est du référendum auquel s’agrippent encore certains, de quoi parle-t-on ? Il a été jugé "impraticable" et irréaliste" par l'Organisation mondiale elle-même ! Je renvoie à cet égard à ce qu'a déclaré Peter Van Walsun, envoyé personnel du Secrétaire général de l'ONU, lors d'une réunion à huis clos du Conseil de sécurité le 21 avril 2008 : "L'indépendance du Sahara occidental n'est pas une proposition réaliste. J'ai tenté de réitérer cette conclusion à mes interlocuteurs à Tindouf et Alger: ils n’ont pas contesté mon analyse..." L'autodétermination ? Le Maroc n'y est pas hostile mais avec des formes de consultation. De plus, aujourd'hui, cette histoire de référendum n'est plus qu'une vieille chimère. Un processus avait été lancé par la MINURSO à ce sujet en 1994. Il prenait en compte le recensement espagnol de 1974 (74.000 personnes) mais il n' a pu être finalisé par suite des désaccords sur l'identification d'autres populations, d'origine sahraouie, réfugiées au Maroc.

 

Ce serait d’ailleurs une opération encore plus vaine aujourd'hui avec la difficulté de recenser les "réfugiés" dans les camps de Tindouf. Malgré les appels constants du Conseil de sécurité depuis des années, quelle est la situation ? Le HCR n'a pas été autorisé à mener in situ cette identification, privant au passage ces populations de la protection diplomatique à laquelle elles ont droit en vertu des instruments internationaux (Convention de Genève du 28 juillet 1951, protocole additionnel de 1967). Pourtant, l'Algérie y a pourtant adhéré en date du 7 février 1963 (Décret n° 1963- 264)…

 

Enfin, qu’en est-il des critiques sur les positions de l'Union européenne et du président Trump sur la question du Sahara. Voilà donc pas moins de 27 pays de l'UE qui seraient dans "l'erreur", persistant et s’obstinant  face au mur! Pourtant, les dirigeants de ces mêmes pays ont connu de multiples alternances partisanes depuis des décennies mais sans de grands changements sur cette question - la "continuité ", malgré tout... 

 

Pour ce qui est du locataire sortant de la Maison Blanche, au nom de quoi lui contester l'exercice de ses pleines attributions avec l'exécutive order du 10 décembre courant sur la "reconnaissance officielle de la souveraineté marocaine, pleine et entière, sur le Sahara". Un acte de souveraineté! Et d'ailleurs la même administration américaine a réitéré  encore, lors de la réunion à huis clos du Conseil de sécurité, voici quelques jours seulement, le  21 décembre, son soutien au processus de règlement politique négocié et réaliste, sur une base de compromis, tel qu'il a été validé par la résolution du Conseil de sécurité le 30 octobre dernier (R.2548) et toutes celles adoptées  d’ailleurs depuis 2007.

 

C'est le champ de la diplomatie. Celle de Donald Trump est-elle "agressive"? Celle de l'Union européenne, "plus policée " sans grande différence? En tout état de cause, la question du Sahara marocain enregistre, avec le président Trump, une grande avancée historique. Désormais, ses termes de référence sont d'une autre nature. Et d'une autre dimension. De quoi conforter un processus conduisant à terme à une normalisation finalisant une solution politique négociée et réaliste de la question du Sahara mais aussi avec l’Etat d’Israël. Une revitalisation de la paix et de la sécurité dans la région, au Maghreb et au Proche Orient.



Mustapha Sehimi






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