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Tribune : ​Nostalgie et colère face au monde moderne




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Par Adnane Benchakroun

Le monde contemporain me trouble autant qu’il m’éveille. Chaque jour, j’observe son évolution avec un mélange de nostalgie, de colère et d’incompréhension. Ce sentiment ne relève pas d’un simple regret du passé, mais d’un constat douloureux : la haine s’étale sans retenue, la vulgarité devient une norme, l’ignorance s’érige en modèle, le mépris triomphe et l’orgueil gouverne. Face à ce spectacle, il serait si tentant de céder au découragement, de baisser les bras, de se retirer dans une bulle où l’on préserverait un semblant de dignité. Pourtant, contre toute attente, je ne renonce pas.

Je ne renonce pas, car quelque chose en moi refuse de sombrer dans le fatalisme. Mon regard est inquiet, mais il demeure curieux. J’écoute, je m’étonne, je réfléchis. Ce n’est pas une simple résilience, c’est une nécessité existentielle. Il m’est impossible de penser seul, replié sur moi-même, sans contradiction, sans dialogue. J’ai besoin d’être provoqué, défié, contesté. Non pour le plaisir de l’opposition, mais parce que le confort intellectuel est une lente agonie de l’esprit. L’acceptation passive des événements, des discours dominants, des tendances éphémères me terrifie bien plus que la brutalité du monde.

Le problème n’est pas tant que l’humanité se soit égarée, mais qu’elle semble ne plus ressentir le besoin de se questionner.

Autrefois, la philosophie était une quête, l’art un questionnement, le débat une exigence. Aujourd’hui, tout semble réduit à des postures, à des opinions jetées comme des pierres, sans profondeur ni nuance. La haine et l’ignorance se nourrissent mutuellement dans un cercle vicieux, où celui qui crie le plus fort impose sa vérité, sans égard pour la complexité du réel.

Et pourtant, malgré ce spectacle désolant, quelque chose en moi persiste à croire qu’il y a encore matière à espérer. Peut-être est-ce la beauté fugace d’un instant de grâce dans ce chaos. Une parole sincère, un geste désintéressé, un éclat de lucidité qui surgit là où on ne l’attendait pas. Peut-être est-ce aussi la certitude que tant qu’il reste un esprit éveillé, un regard en alerte, la bataille n’est pas totalement perdue.

Refuser de se laisser endormir, c’est refuser la mort intellectuelle. C’est comprendre que la nostalgie ne doit pas être une prison, mais une boussole. Oui, le monde d’hier avait ses richesses et ses grandeurs, mais il portait aussi ses travers et ses illusions. Plutôt que de le regretter, il faut en tirer des leçons pour ne pas sombrer dans l’amertume.

Quant à la colère, elle est une arme à double tranchant. Elle peut aveugler et enfermer dans la rancœur, ou bien devenir un moteur pour agir et interroger ce qui nous entoure. Le défi est de ne pas s’y consumer, mais de l’orienter vers un questionnement fertile.

Je n’attends pas de réponses définitives, car elles n’existent pas. Mais je refuse l’endormissement. Je veux être bousculé, dérangé, provoqué, pour rester vivant. Car penser seul, sans confrontation, c’est mourir à petit feu.



Mardi 4 Février 2025

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