Par Aziza Benkirane
Mais soudain, un murmure fragile, un souffle de vie, vint troubler cette douce quiétude : un miaulement léger, insistant, qui semblait venir d’un lieu invisible, suspendu entre rêve et réalité.
Intriguée, Nisrine arrêta la narration pour écouter. Elle leva le capot, scruta les recoins, chercha dans le coffre, s’agença dans la cabine — rien. Pas de félin à l’horizon. Elle appela doucement, « Bech Bech, Bech Bech », comme on apaiserait un enfant, mais le silence lui répondit, obstiné.
Elle reprit la route, son cœur léger d’espoir, mais le miaulement persistait, comme une étoile filante dans la nuit, de plus en plus fort, comme un cri venu du fond des profondeurs, un appel à la vie, à toute vie. Un frisson glacé lui parcourut l’âme ; l’invisible menace devenait insoutenable.
Alors, elle ralentit, cherchant le refuge d’un abri, et se gara dans le premier atelier qu’elle trouva. Le mécanicien, cet homme calme, au regard d’un savoir ancien, la regarda avec patience.
« Je veux sauver ce petit être, mais je ne le vois pas », confia-t-elle. L’homme, habitué aux mystères de la mécanique et de la nature, fit monter la voiture sur la fosse. Son silence était rassurant.
Mais de ses mains expertes tombaient des boulons, des vis, des petites pièces, comme des ailes déployées sur le sol. Elle s’approcha, tremblante, et proposa : «Laissez-moi essayer, j’ai des mains délicates». Mais elle se souvint soudain du cousin Redouane, dont la vie avait été bouleversée par la morsure d’un chat sauvage, celui-là même qu’il voulait sauver. Elle demanda un gant en cuir, un bouclier pour sa main.
Le mécanicien poursuivit, imperturbable, et alors, surgit une petite boule d’orange, recroquevillée, crachant, défiant le monde entier de l’approcher. Le petit esprit furieux s’accrochait aux rouages, dans une lutte presque sacrée, sa respiration haletante comme un battement de tambour dans la nuit.
Enfin, il s’échappa comme une flamme, filant à toute vitesse, disparaissant dans le ballet inattendu de la vie. Nisrine, haletante, le regarda s’éloigner. Que saura-t-il de cette rencontre ? Le garder, lui donner à manger, le soigner, ou simplement le laisser courir vers la liberté ?
Le garagiste, d’un ton rassurant, lui souffla : « Dans ce royaume les chats sont sacrées, l’amour et la compassion font loi. L’islam interdit la persécution des animaux — chaque créature a sa place sous le soleil. »
Tandis que la route s’étirait encore devant elle, le silence retomba doucement, comme un voile léger sur un matin empreint de magie. Nisrine, en son for intérieur, se dit doucement :
"Ne pars jamais sans regarder, sans écouter. Avant de démarrer, laisse l’âme s’émerveiller, et n’oublie pas : l’amour peut naître du plus petit miaulement dans la profondeur du silence."