Une inflation nourrie par les circuits eux-mêmes
Alors que l’inflation pèse de plus en plus lourd dans les paniers marocains, le Conseil de la concurrence a publié un avis alarmant sur le fonctionnement des circuits de distribution des produits alimentaires. Un document dense, rigoureux, et sans complaisance, qui met en lumière une chaîne de valeur profondément désorganisée, fragmentée, et à bien des égards opaque. Loin d’être une simple analyse technique, ce rapport constitue un miroir tendu à un secteur vital, mais largement délaissé par les politiques publiques.
Depuis 2020, l’envolée des prix alimentaires n’a cessé de s’amplifier. Portée par des chocs exogènes (Covid-19, guerre en Ukraine, sécheresse), l’inflation a atteint 6,6 % en 2022 et 6,1 % en 2023. Mais au-delà des causes extérieures, l’Avis A/1/25 pointe du doigt des facteurs internes, notamment la structure des circuits de distribution qui contribue activement à la hausse des prix de vente. Autrement dit, au Maroc, c’est parfois le chemin que prend le produit pour atteindre le consommateur qui l’alourdit plus que sa fabrication.
En étudiant les écarts entre les prix départ usine et les prix de vente finaux, notamment pour le lait, les pâtes, le couscous ou les conserves végétales, le Conseil démontre que les marges brutes captées par les intermédiaires sont souvent disproportionnées. La fragmentation du commerce traditionnel, la concentration de la grande distribution, et l’absence de régulation des marges “arrière” pratiquées par les GMS (grandes et moyennes surfaces) font partie des facteurs aggravants.
Le secteur du commerce et de la distribution alimentaire représente à lui seul 84 milliards de dirhams de valeur ajoutée, soit le 3e contributeur au PIB après l’agriculture et l’industrie. Il emploie 1,56 million de personnes, soit 13 % de la population active nationale. Pourtant, il reste largement éclaté et mal structuré. Deux modèles coexistent difficilement : d’un côté, une distribution traditionnelle (épiceries, souks, grossistes) qui domine encore en volume et en emploi. De l’autre, une distribution moderne en pleine croissance, mais concentrée entre les mains de quelques enseignes.
Ce dualisme est à la fois un défi et une opportunité. Le Conseil appelle à ne pas opposer ces deux mondes, mais à les articuler intelligemment dans une stratégie de modernisation inclusive. Or, aujourd’hui, les circuits traditionnels sont laissés à eux-mêmes, sans accompagnement ni formalisation, tandis que la grande distribution impose ses règles sans réel contrepoids.
Le Conseil dresse également un état des lieux juridique. Il note l’existence d’un corpus législatif relativement complet – code de commerce, loi sur la liberté des prix, réglementation sanitaire, protection du consommateur – mais dispersé, hétérogène, et souvent mal appliqué. Le problème n’est pas l’absence de loi, mais leur coordination et leur exécution.
En matière fiscale, aucune incitation claire ne favorise la structuration ou la transparence. Le secteur est soumis au régime commun, sans considération particulière pour ses spécificités. Pire encore, l’absence de données fiables sur les flux, les marges ou les intermédiaires empêche toute gouvernance efficace.
L’un des aspects les plus sensibles du rapport concerne les pratiques de la grande distribution. Le Conseil se penche sur les fameuses “marges arrière” : ces commissions ou ristournes payées par les fournisseurs aux distributeurs pour référencer leurs produits ou bénéficier de meilleures mises en rayon. Dans la pratique, ces montants peuvent représenter jusqu’à 40 % du prix de vente d’un produit.
Or, ces marges ne sont ni plafonnées ni encadrées par la loi. Leur opacité crée des distorsions majeures de concurrence. Les petits fournisseurs, incapables de les supporter, sont exclus des rayons. Les grandes marques, elles, répercutent ces surcoûts sur les prix de vente. Résultat : un consommateur piégé entre concentration et inflation.
Autre constat majeur : le commerce traditionnel reste le pilier du système, malgré son apparente fragilité. Épiciers de quartier, vendeurs de souk, petits grossistes jouent un rôle social et économique de première importance, notamment dans les zones rurales et les quartiers populaires. Pourtant, ils opèrent souvent dans l’informel, sans accès au financement, sans digitalisation, et sans représentation forte.
Le Conseil plaide pour une nouvelle stratégie “post-Rawaj”, qui ne se limite pas à moderniser les vitrines, mais qui accompagne les commerçants vers plus de structuration, de professionnalisation, et d’intégration numérique. L’inclusion du commerce traditionnel dans les plateformes logistiques, les bases de données fiscales et les circuits d’information est un levier de transparence et d’équité.
L’un des constats les plus accablants est la multiplicité des acteurs publics impliqués dans le pilotage du secteur : Ministère de l’Industrie et du Commerce, Ministère de l’Intérieur, Ministère de l’Agriculture, ONSSA, chambres de commerce, fédérations professionnelles... Cette dispersion nuit à la lisibilité et à l’efficacité des politiques.
Le Conseil appelle à une meilleure coordination interinstitutionnelle, avec une instance de pilotage unique, capable de planifier, suivre et évaluer les politiques de distribution. Une meilleure articulation entre urbanisme commercial, logistique, fiscalité et inclusion sociale est indispensable pour construire une chaîne alimentaire plus équitable.
Depuis 2020, l’envolée des prix alimentaires n’a cessé de s’amplifier. Portée par des chocs exogènes (Covid-19, guerre en Ukraine, sécheresse), l’inflation a atteint 6,6 % en 2022 et 6,1 % en 2023. Mais au-delà des causes extérieures, l’Avis A/1/25 pointe du doigt des facteurs internes, notamment la structure des circuits de distribution qui contribue activement à la hausse des prix de vente. Autrement dit, au Maroc, c’est parfois le chemin que prend le produit pour atteindre le consommateur qui l’alourdit plus que sa fabrication.
En étudiant les écarts entre les prix départ usine et les prix de vente finaux, notamment pour le lait, les pâtes, le couscous ou les conserves végétales, le Conseil démontre que les marges brutes captées par les intermédiaires sont souvent disproportionnées. La fragmentation du commerce traditionnel, la concentration de la grande distribution, et l’absence de régulation des marges “arrière” pratiquées par les GMS (grandes et moyennes surfaces) font partie des facteurs aggravants.
Le secteur du commerce et de la distribution alimentaire représente à lui seul 84 milliards de dirhams de valeur ajoutée, soit le 3e contributeur au PIB après l’agriculture et l’industrie. Il emploie 1,56 million de personnes, soit 13 % de la population active nationale. Pourtant, il reste largement éclaté et mal structuré. Deux modèles coexistent difficilement : d’un côté, une distribution traditionnelle (épiceries, souks, grossistes) qui domine encore en volume et en emploi. De l’autre, une distribution moderne en pleine croissance, mais concentrée entre les mains de quelques enseignes.
Ce dualisme est à la fois un défi et une opportunité. Le Conseil appelle à ne pas opposer ces deux mondes, mais à les articuler intelligemment dans une stratégie de modernisation inclusive. Or, aujourd’hui, les circuits traditionnels sont laissés à eux-mêmes, sans accompagnement ni formalisation, tandis que la grande distribution impose ses règles sans réel contrepoids.
Le Conseil dresse également un état des lieux juridique. Il note l’existence d’un corpus législatif relativement complet – code de commerce, loi sur la liberté des prix, réglementation sanitaire, protection du consommateur – mais dispersé, hétérogène, et souvent mal appliqué. Le problème n’est pas l’absence de loi, mais leur coordination et leur exécution.
En matière fiscale, aucune incitation claire ne favorise la structuration ou la transparence. Le secteur est soumis au régime commun, sans considération particulière pour ses spécificités. Pire encore, l’absence de données fiables sur les flux, les marges ou les intermédiaires empêche toute gouvernance efficace.
L’un des aspects les plus sensibles du rapport concerne les pratiques de la grande distribution. Le Conseil se penche sur les fameuses “marges arrière” : ces commissions ou ristournes payées par les fournisseurs aux distributeurs pour référencer leurs produits ou bénéficier de meilleures mises en rayon. Dans la pratique, ces montants peuvent représenter jusqu’à 40 % du prix de vente d’un produit.
Or, ces marges ne sont ni plafonnées ni encadrées par la loi. Leur opacité crée des distorsions majeures de concurrence. Les petits fournisseurs, incapables de les supporter, sont exclus des rayons. Les grandes marques, elles, répercutent ces surcoûts sur les prix de vente. Résultat : un consommateur piégé entre concentration et inflation.
Autre constat majeur : le commerce traditionnel reste le pilier du système, malgré son apparente fragilité. Épiciers de quartier, vendeurs de souk, petits grossistes jouent un rôle social et économique de première importance, notamment dans les zones rurales et les quartiers populaires. Pourtant, ils opèrent souvent dans l’informel, sans accès au financement, sans digitalisation, et sans représentation forte.
Le Conseil plaide pour une nouvelle stratégie “post-Rawaj”, qui ne se limite pas à moderniser les vitrines, mais qui accompagne les commerçants vers plus de structuration, de professionnalisation, et d’intégration numérique. L’inclusion du commerce traditionnel dans les plateformes logistiques, les bases de données fiscales et les circuits d’information est un levier de transparence et d’équité.
L’un des constats les plus accablants est la multiplicité des acteurs publics impliqués dans le pilotage du secteur : Ministère de l’Industrie et du Commerce, Ministère de l’Intérieur, Ministère de l’Agriculture, ONSSA, chambres de commerce, fédérations professionnelles... Cette dispersion nuit à la lisibilité et à l’efficacité des politiques.
Le Conseil appelle à une meilleure coordination interinstitutionnelle, avec une instance de pilotage unique, capable de planifier, suivre et évaluer les politiques de distribution. Une meilleure articulation entre urbanisme commercial, logistique, fiscalité et inclusion sociale est indispensable pour construire une chaîne alimentaire plus équitable.
Recommandations pour un changement de cap
À la lumière de ce diagnostic, le Conseil propose plusieurs pistes d’action :
Le Conseil de la concurrence ne se contente pas de pointer des dysfonctionnements. Il propose un véritable agenda de réforme, en faveur d’une distribution plus équitable, plus transparente et plus compétitive. Dans un Maroc où le pouvoir d’achat est devenu un enjeu central de stabilité sociale, l’avenir de la souveraineté alimentaire passe aussi par la révision en profondeur de ses circuits de distribution. Ne pas agir serait laisser les inégalités s’enraciner davantage dans l’assiette des Marocains.
- Réformer le cadre légal : en introduisant des textes spécifiques pour la distribution, encadrant les marges arrière, et renforçant les mécanismes de contrôle.
- Planifier l’urbanisme commercial : pour éviter l’anarchie des implantations de GMS et favoriser l’équilibre territorial.
- Créer un observatoire des prix et des marges : alimenté par des données obligatoires, ouvertes, et exploitables.
- Soutenir la digitalisation du commerce traditionnel : via des incitations fiscales, des plateformes de gestion, et des programmes de formation.
- Réorganiser les chaînes logistiques : pour raccourcir les circuits, limiter les marges intermédiaires, et améliorer la qualité des produits.
- Encadrer les relations fournisseurs-distributeurs : en fixant des délais de paiement équitables, transparents et stables.
Le Conseil de la concurrence ne se contente pas de pointer des dysfonctionnements. Il propose un véritable agenda de réforme, en faveur d’une distribution plus équitable, plus transparente et plus compétitive. Dans un Maroc où le pouvoir d’achat est devenu un enjeu central de stabilité sociale, l’avenir de la souveraineté alimentaire passe aussi par la révision en profondeur de ses circuits de distribution. Ne pas agir serait laisser les inégalités s’enraciner davantage dans l’assiette des Marocains.