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Dirham flottant : Le gouverneur a parlé, et les politiques ?


Rédigé par le Dimanche 6 Juillet 2025

Après plusieurs années de prudence, le Maroc entre officiellement dans la deuxième phase de la réforme de son régime de change. Une étape décisive annoncée par le gouverneur de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, devant les membres de la commission des Finances au Parlement. Un objectif affiché à l'horizon 2030 : faire du dirham une monnaie pleinement convertible, inscrite dans un régime de change flexible.



On l’a entendu, on l’a bien entendu. Le gouverneur de Bank Al-Maghrib a parlé. Et quand Abdellatif Jouahri parle, ce n’est ni une posture, ni un calcul.

C’est une voix rare, crédible, sérieuse, celle d’un homme qui connaît les rouages de notre souveraineté monétaire mieux que quiconque. Il nous dit, avec la gravité d’un médecin avant une opération à cœur ouvert, que la libéralisation du dirham ne sera pas une promenade. Il nous prévient que c’est une réforme qui engage le Maroc tout entier : nos réserves, notre tissu productif, notre modèle social, notre contrat démocratique.

Mais alors… Où sont les autres ?

Où est Madame la ministre des Finances, censée porter la vision budgétaire et sociale qui accompagnera ce saut dans l’inconnu ? Où sont les parlementaires qui, dans quelques mois, devront voter des lois décisives pour encadrer les marges, les aides, les instruments de couverture contre la volatilité ? Et surtout, où sont les partis politiques, pourtant censés être en train de préparer leurs programmes pour les législatives de 2026 ?

Silence.

Pas une ligne, pas un débat, pas une orientation publique claire sur ce que signifiera concrètement un dirham plus flexible dans la vie des Marocains. Pourtant, si cette réforme échoue – ou même si elle réussit mais dans la douleur – ce sont eux qui en paieront le prix politique. Il ne s’agit pas seulement de chiffres macroéconomiques ou de bandes de fluctuation : il s’agit de ménages qui ne parviennent plus à remplir leur caddie, de PME étranglées par les hausses de prix des intrants, de jeunes entrepreneurs qui hésitent à investir, faute de visibilité.

La libéralisation du dirham n’est pas une affaire technique réservée aux technocrates de la banque centrale. C’est une affaire éminemment politique. Elle implique une gouvernance économique globale – stabilité monétaire, discipline budgétaire, supervision financière, inclusion sociale – où chaque pilier sécurise l’autre. Elle exige un récit, une stratégie, un calendrier avec des jalons publics : objectif d’inflation, outils de couverture généralisés, communication transparente, évaluation indépendante.

Et qui doit porter cela, sinon les partis ? Qui doit se lever pour dire aux électeurs en 2026 : « Voici comment nous allons accompagner la transition, protéger les classes moyennes, renforcer les amortisseurs sociaux, garantir que cette réforme ne profite pas qu’à une élite financière déconnectée » ?

Personne, pour l’instant.

La Banque centrale fait son travail. Mais elle ne peut pas tout. Si le cadre politique est absent, si le débat public est déserté, si les institutions élues se taisent, alors la transition risque de basculer dans le déséquilibre. À l’instar de ce qui s’est produit en Turquie, où une réforme mal pilotée a conduit à l’inflation galopante, à la perte de confiance et à la dollarisation massive de l’économie.

Le Maroc a les moyens d’éviter cela. Il a une banque centrale compétente, des réserves confortables, des alliances internationales solides. Mais il lui manque encore une chose essentielle : un projet Politico-économique à la hauteur de l’enjeu. Ce projet, c’est aux partis, aux ministères et au Parlement de le construire, de le débattre, de le défendre.

À quelques mois de 2026, le moment est venu de sortir du confort du silence. Car le dirham, lui, ne flottera pas tout seul.

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Dimanche 6 Juillet 2025


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